Chapitre 12

J’ai reçu toute la peine pour l’amour de vous, et vous ai fait le chemin pour éviter la peine et pour venir à moi. La justice vraiment veut que vous n’entriez en paradis que vous n’ayez satisfait à vos crimes. J’ai souffert en moi-même cette peine, d’autant que vous êtes incapables de les souffrir et d’y satisfaire sans moi. Je vous ai montré par les prophètes tout ce qui devait arriver, et n’ai pas laissé passer un point que je n’aie accompli tout ce que les prophètes avaient prédits de moi. Je vous ai manifesté autant d’amour que je pouvais manifester, afin que vous vous convertissiez à moi. Mais d’autant que vous vous êtes détournés de moi et que vous avez méprisé ma justice, vous êtes dignes de mes fureurs.

Mais néanmoins, je suis encore si miséricordieux que, s’il était possible de souffrir derechef les mêmes peines que j’ai endurées en la croix, je les souffrirais encore pour l’amour de vous, avant de permettre que vous fussiez jugés à telles peines. Mais ma justice dit: Il est impossible que vous mouriez une autre fois. Ma miséricorde dit: S’il était possible, je mourrais franchement pour l’amour de vous. Voyez donc comment je suis miséricordieux et charitable, même envers les damnés, car tout ce que je fais, je le fais pour manifester mon amour, car dès le commencement, j’ai aimé l’homme. voire même lorsque je semblais être en colère. Mais aucun ne considère mon amour ni ne s’en soucie.

Donc, maintenant, d’autant que je suis juste et miséricordieux, j’avertis ceux qui sont appelés chevaliers, afin qu’ils cherchent ma miséricorde, de peur que ma justice ne les trouve, qui est stable comme une montagne, ardente comme un feu, horrible comme le tonnerre, prompte et rapide comme une flèche poussée par un arc bien tendu. Je les avertis en trois manières: 1° comme un père ses enfants, afin qu’ils retournent à moi, qui suis leur Père et leur Créateur, et leur donnerai le patrimoine qui leur est dû par droit paternel. Qu’ils retournent donc, car bien qu’ils m’aient méprisé, néanmoins, je les recevrai avec joie et leur irai au-devant avec amour. En deuxième lieu, je les prie comme frères, afin qu’ils se souviennent de mes labeurs et de mes plaies. Qu’ils reviennent, et je les recevrai comme frères. En troisième lieu, je les prie comme Seigneur, afin qu’ils se retirent à leur seigneur, à qui ils doivent la foi, à qui ils sont obligés par obéissance et engagés par jurement.

Partant, ô soldats! retournez à moi, votre Père, qui vous ai nourris et élevés avec amour. Considérez que je suis votre frère, qui me suis fait semblable à vous pour l’amour de vous. Retournez à votre Seigneur clément et pieux, car c’est être déloyal et infidèle que de donner la foi à un autre, et de lui rendre l’obéissance que vous me devez. Vous m’avez donné une foi, promettant que vous défendriez mon Église, que vous aideriez aux misérables, et voici que vous secourez mon ennemi et lui obéissez. Vous ôtez mon étendard, et dressez et érigez celui de mon ennemi. Partant, ô chevaliers! retournez à moi avec une vraie humilité, puisque la superbe vous a retirés de moi. S’il vous semble dur et amer de souffrir quelque chose pour l’amour de moi, considérez ce que j’ai enduré pour l’amour de vous. Je suis allé, pour l’amour de vous, les pieds sanglants à la croix; j’ai eu les pieds et les mains percés pour l’amour de vous; je n’ai épargné aucune parties de mon corps pour l’amour de vous: je n’ai pardonné à aucune. Est-il possible que néanmoins vous méprisiez tout cela, en vous retirant de moi!

Retournez donc, et je vous donnerai trois choses pour vous y aider: la première sera la force contre les ennemis corporels et spirituels; la deuxième, la magnanimité, que vous ne craindrez autre chose que moi, et que rien ne vous sera plaisant et agréable que travailler pour moi. En troisième lieu, je vous donnerai la sagesse, par laquelle vous concevrez la vraie foi et la volonté divine.

Donc, retournez et soyez constants et généreux, car moi, qui vous en avertis, je suis celui que les anges servent, qui ai affranchi de misères vos parents obéissants, qui ai condamné les rebelles et humilié les superbes. J’ai été le premier au combat et le premier à la passion. Suivez-moi donc, de peur que vous ne vous fondiez et liquéfiiez comme la cire auprès du feu. Pourquoi rescindez-vous et faussez-vous votre promesse? Pourquoi méprisez-vous le jurement que vous en avez fait? Eh quoi! Suis-je moins ou plus indigne que votre ami temporel, à qui vous ne faussez pas la foi promise? Et à moi, qui suis l’auteur et le donateur de la vie et de l’honneur, et le conservateur de la santé, vous me faussez promesse coup à coup! Partant, ô bons soldats! rendez-moi votre promesse. Que si vous ne pouvez par effet, rendez-la-moi par désir, car moi, ayant compassion de votre servitude, sous laquelle le diable vous opprime, je recevrai votre volonté pour l’effet. Si vous retournez à moi avec amour, travaillez pour la foi de mon Église; et moi, comme un père plein de piété et de clémence, je vous irai au-devant et vous donnerai pour salaire cinq sortes de bien:
1° l’honneur éternel ne se retirera jamais de votre ouïe;
2° la face et la gloire de Dieu seront toujours devant vos yeux;
3° la louange de Dieu ne sortira jamais de votre bouche;
4° votre âme jouira de l’accomplissement de tous ses désirs et n’en désirera d’autres;
5° vous ne serez jamais séparés de Dieu, mais votre joie durera sans fin, et sans fin votre vie sera en joie.

Voyez, ô chevaliers! quelle sera votre récompense, si vous défendez la foi et si vous travaillez plus pour mon honneur que pour le vôtre. Souvenez-vous, si vous avez de l’esprit, quelle patience j’exerce en votre endroit, et quelles calomnies vous vomissez sur moi, que vous ne voudriez souffrir. Mais bien que je puisse toutes choses et que ma justice crie vengeance contre vous, néanmoins, ma miséricorde, qui est en ma sagesse et bonté, vous pardonnera encore. Partant, cherchez ma miséricorde, car je vous donne par amour ce qu’on devrait me demander très-humblement.