Paroles admirables de la Mère de Dieu à l’épouse par lesquelles il traite comme en ce monde il y a cinq maisons dont les habitants sont cinq sortes de personnes, savoir : les chrétiens infidèles, les juifs endurcis, les païens d’eux-mêmes, ceux qui sont tout ensemble juifs et païens et les amis de Dieu. Il y a dans ce chapitre des choses très utiles.
Chapitre 3

C'est chose tout à fait exorbitante que le Seigneur de toutes choses et le Roi de gloire soit méprisé, disait la Sainte Vierge Marie. Il est allé, comme un pèlerin terrestre, de lieu en lieu, et comme un voyageur, heurtant de porte en porte, afin d'être reçu. Le monde en effet était comme un fonds ou il y avait cinq maisons.

Maison N°1 les chrétiens infidèles.
Or, quand mon Fils vint en la première maison en habit de pèlerin, heurtant à la porte, il parla en ces termes : Mon ami, ouvrez-moi ; introduisez-moi en votre repos et comme une habitation, de peur que les bêtes farouches ne me nuisent, que la rosée ou la pluie ne tombe sur moi. Donnez-moi de vos vêtements, pour qu'ils me réchauffent, car j'ai froid, pour qu'ils me couvrent, car je suis nu. Donnez-moi de vos viandes pour rassasier ma faim, de votre boisson pour étancher ma soif, et recevez-en la récompense de votre Dieu.

Alors, celui qui était dans cette maison répondit : Vous êtes trop impatient : partant, vous ne pouvez vous accorder ni habiter avec nous. Vous êtes trop grand, c'est pourquoi nous ne pouvons vous habiller. Vous êtes trop cupide et trop gourmand, nous ne saurions vous rassasier : votre cupidité n'a point de fond.

Notre-Seigneur, qui était dehors comme un pèlerin répondit derechef : Mon ami, faites-moi entrer joyeusement et franchement, car je n'occupe guère de place. Donnez-moi de vos habits : il n'y a en votre maison, ni pauvre vêtement qui ne suffise pour m'échauffer. Donnez-moi de vos viandes, car une miette me peut rassasier, et une gouttelette d'eau me rafraîchira et me fortifiera.

Celui qui était dans la maison lui répondit derechef : Nous vous connaissons très bien : vous êtes humble en paroles et importun en demandes. Vous paraissez modeste et facile à contenter, mais néanmoins, vous êtes trop insatiable pour être rempli. Vous être très frileux et très difficile à couvrir. Allez-vous-en, je ne vous logerai point.

Maison N°2 les juifs endurcis.
Alors il alla à la deuxième maison, et dit : Mon ami, ouvrez-moi et regardez-moi, car je vous donnerai tout ce dont vous aurez besoin. Je vous défendrai de vos ennemis.
Celui qui était dedans répondit : Mes yeux sont débiles, votre présence leur nuirait. Je suis riche en tout ; je n'ai point affaire de ce que vous avez ; je suis puissant et fort : qui pourrait me nuire ?

Maison N°3 les païens.
Alors, venant à la troisième maison, il dit : Mon ami, écoutez-moi ; étendez votre main et touchez-moi ; ouvrez votre bouche et goûtez-moi.
Celui qui était dans la maison lui dit : Criez plus haut, et je vous entendrai. Si vous êtes doux, je vous toucherai ; si vous êtes gracieux, je vous recevrai ; si vous êtes agréable, je vous retirerai.

Maison N°4 ceux qui sont tout ensemble juifs et païens.
Alors, il alla à la quatrième maison, dont la porte était à demi ouverte, et il dit : Mon ami, si vous considériez que votre temps est mal employé, vous me recevriez en votre maison. Si vous pouviez ouïr ce que j'ai fait pour vous, vous compatiriez avec moi. Si vous considériez avec attention combien de fois vous m'avez offensé, vous gémiriez et me demanderiez pardon.

Il répondit : Nous sommes comme morts de désir et d'attente de vous voir, compatissez donc à nos misères, et nous vous donnons librement ce que vous nous demandez. Regardez notre misère et considérez l'angoisse de notre corps, et nous serons préparés à tout ce que vous voudrez.

Maison N°5 les chrétiens fidèles.
Alors il vint à la cinquième maison, qui était entièrement ouverte, et il dit : Mon ami, je veux entrer ici fort librement ; mais sachez que je cherche un repos plus grand que celui que l'on peut prendre sur la plume [plume dont on fait les matelas de literie]; une chaleur plus fervente que celle que la laine peut entretenir ; une viande plus fraîche que celle que les animaux peuvent donner.

Ceux qui étaient au dedans lui répondirent : Il y a des marteaux à nos pieds, avec lesquels nous briserons nos os des pieds et des cuisses, et nous vous en donnerons la moelle pour votre repos. Nous vous ouvrirons franchement nos entrailles : entrez en elles, si vous voulez car comme il n'y a rien de si mou pour vous que nos moelles, aussi n'y a-t-il rien de meilleur pour vous échauffer que nos entrailles. Notre coeur est plus frais et recru que celui des animaux : nous le taillerons pour votre viande. Entrez seulement. Vous êtes doux pour être goûté et désirable pour en jouir.

Les cinq habitants de ces maisons signifient cinq sortes d'état des hommes :
Sur les chrétiens infidèles
les premiers sont des chrétiens infidèles, qui disent que : - les jugements de mon Fils sont injustes,
- ses promesses fausses et
- ses commandements intolérables.

Ce sont ceux-là qui disent aux prédicateurs de mon Fils : - ils disent selon leurs pensées ;
- ils prêchent selon leur intelligence ;
- ils disent des blasphèmes.
- S'il était tout puissant, il se vengerait des injures ;
- il est si loin qu'on n'y saurait atteindre;
- il est si haut et si large qu'il ne pourrait être vêtu ;
- si insatiable qu'il ne peut être repu ;
- si impatient qu'il ne peut cohabiter avec personne.

Ils l'appellent éloigné, d'autant qu'ils ne s'efforcent, à raison de leur pusillanimité en oeuvre et en amour, de venir à sa bonté ; ils le nomment large, attendu que leur lubricité n'a ni borne ni mesure ; ils l'estiment défectueux et soupçonnent mal de lui avant qu'il vienne ; ils l'accusent d'insatiabilité, parce que le ciel et la terre ne lui suffisent pas, que même il exige que l'homme donne tout ce qu'il a de meilleur pour l'âme, selon son précepte très sot, réputant un grand dommage peu de chose en ce qui touche le corps. Ils l'estiment très impatient, d'autant qu'il hait les vices et verse les lumières et sentiment du contraire dans les volontés. Ils ne réputent rien être beau ni utile, si ce n'est ce que leur volonté corporelle suggère.

Or, mon Fils est maintenant tout puissant au ciel et en la terre, créateur de toutes choses, et n'est créé d'aucune, étant avant toutes choses, et après lui, il n'y a rien de futur. De fait, il est très loin, très haut et très large en toutes choses et par-dessus toutes choses.
Or, bien qu'il soit si puissant, néanmoins il désire par amour le ministère des hommes, qui n'a besoin de vêtement, qui revêt toutes choses, qui est vêtu lui-même éternellement et immuablement d'honneur et de gloire continuelle.

Celui qui est le pain des anges et des hommes, qui rassasie toutes choses et qui n'a besoin de rien, désire d'être repu de l'amour des hommes. Il demande la paix aux hommes, lui qui est lui-même le réformateur et l'auteur de la paix. Donc, quiconque le voudra retirer, il le pourra rassasier d'un esprit joyeux et d'une bonne volonté ; il lui donne une seule miette de pain ; un seul filet suffit pour le vêtir si la charité est ardente ; une seule gouttelette le pourra abreuver, si l'amour est pur et droit.

Celui qui a une dévotion fervente et constante, le peut recevoir en son coeur et lui parler, car Dieu est un esprit.
Partant, il veut changer les corporelles en spirituelles, et les passagères en éternelles. Il répute aussi être fait à lui-même tout ce qu'on fait à ses amis, ni ne considère pas seulement l'oeuvre et la puissance, mais la volonté fervente, et avec quelle intention l'oeuvre a été faite, mais plus mon Fils crie en ceux-ci par de secrètes et intelligibles inspirations ; plus il les avertit par ses prédicateurs, plus ils endurcissent leur volonté et raidissent leur esprit contre lui. Ils ne l'écoutent point, ni ne lui ouvrent point la porte de leur coeur, ni ne l'introduisent point par les oeuvres amoureuses et charitables.

Partant, le temps viendra que la fausseté sur laquelle ils s'appuient, sera réduite à néant, que la vérité sera exaltée, et que la gloire de Dieu sera manifestée.

Sur les Juifs endurcis.
Pour la deuxième sorte de personnes : il leur semble être en tout raisonnables ;
ils ont leur sagesse pour leur justice légale ; ils prêchent eux-mêmes leurs oeuvres et les préfèrent à toutes, S'ils entendent les actes de mon Fils, ils les réputent vils et méprisables ; s'ils entendent ses paroles et ses commandements, ils s'en indignent ; voire ils s'estiment pécheurs et contaminés, s'ils considèrent et entendent ce qui touche à mon Fils. Ils se réputent aussi plus malheureux et plus misérables, s'ils imitaient ses oeuvres.

Or,tant qu'ils vivront, ils s'estimeront très heureux; tant qu'ils seront en santé, ils croiront être très puissants en leurs propres forces. Partant, leur espérance sera réduite à néant, et leur gloire se changera pour eux en confusion.

Sur les païens.
La troisième sorte sont les païens. Quelques-uns d'eux crient en se moquant : Qu'est-ce Christ ? S'il est doux et facile à donner les choses présentes, nous le recevrons franchement ; s'il est clément à pardonner les péchés, nous l'honorerons librement.

Mais ceux-ci ont clos l'oeil de leur intelligence, pour ne pas comprendre la justice et la miséricorde divine ; ils bouchent leurs oreilles afin de ne pas ouïr ce que mon fils a fait pour l'amour d'eux et pour l'amour de tous , ils serrent leur bouche et ne s'enquièrent point de ce qui leur est utile et expédient ; ils plient leur mains et ne veulent pas travailler ; ils ne veulent pas chercher la voie par laquelle ils pourraient fuir le mensonge et trouver la vérité. Partant, puisqu'ils ne veulent pas entendre et se donner garde, en ayant le temps, ils tomberont avec leur habitation, et ils seront ensevelis en la tempête.

Sur ceux qui sont tout ensemble juifs et païens.
La quatrième sorte, seraient volontiers chrétiens, s'ils savaient les manières d'agréer à mon Fils, et si quelqu'un les aidait et les instruisait. Ceux-ci voient des voisins , et entendent par les clameurs intérieures de l'amour et par d'autres signes, combien mon Fils a souffert pour tous. C'est pourquoi ils crient en leur conscience à mon fils, disant :

O Seigneur ! nous avons ouï que vous avez promis que vous vous donneriez à nous, nous vous attendons. Venez donc et accomplissez votre promesse, car nous voyons bien qu'en ceux qui servent les faux dieux, il n'y a aucune vertu divine, nulle charité pour les âmes, nulle chasteté signalée, mais nous avons trouvé en eux l'amitié corporelle et la dilection de l'honneur du monde.

Nous avons aussi entendu quelque chose de votre loi, et ouï vos merveilles prodigieuses en miséricorde et en justice. Nous avons appris par les paroles des prophètes, qu'ils attendaient celui qu'ils avaient prophétisé. Donc, ô Seigneur pieux et clément ! venez, car nous nous donnerons volontiers tout à vous ; car nous avons ouï qu'en l'amour des âmes, sont l'usage discret de toutes choses, la pureté parfaite et la vie éternelle. Venez donc vite, car nous sommes presque morts à force de vous attendre. Venez et illuminez-nous.

C'est de la sorte que ceux-ci crient à mon Fils et c'est pourquoi aussi la porte leur est demi-ouverte. En effet, ils ont une parfaite volonté pour le bien, mais elle n'est pas encore sortie en effet. Ce sont ceux-ci qui méritent d'avoir la grâce et la consolation de mon Fils.

Sur les chrétiens fidèles.
En la cinquième maison sont mes amis et mes enfants ; la porte intérieure de leur esprit est entièrement ouverte à mon Fils. Ceux-ci entendent franchement l'appel et la vocation de mon Fils, et non-seulement ils lui ouvrent quand il heurte, mais ils lui vont au-devant avec joie quand ils le voient venir ; ils rompent et cassent, par les marteaux des préceptes divins, tout ce qui n'est pas juste et droit en eux, et préparent à mon Fils un repos, non en un lit de plume mais en la mélodie et l'accord des vertus, en la mortification des propres affections, qui sont les moelles des vertus.

Ceux-ci aussi donnent à mon Fils une chaleur non causée par la laine mais par l'amour fervent ; et d'ailleurs, ils lui préparent une réfection plus fraîche que la viande, et qui est que, dans leur coeur, ils ne désirent rien et n'aiment rien que Dieu.
Dans leur coeur habite le Seigneur du ciel, et Dieu, qui repaît tout le monde, est repu de leur amour. Ceux-ci ont toujours les yeux à la porte, de peur que leur ennemi n'entre, les oreilles au Seigneur, et les mains pour combattre l'ennemi.

Imitez ceux-ci ma fille, autant que vous pourrez, car leur fondement est bâti en la pierre ferme. Mais les autres maisons sont fondées sur la boue, et partant, elles tombent au premier souffle de vent.