Je suis Dieu, non de pierre ou de bois, non créé par quelqu'un, mais créateur
adorable de toutes choses, étant sans commencement et sans fin.
Je suis celui qui est venu à la Vierge sans perdre ma Divinité.
Mais moi je suis celui qui était pour l'humanité en la Vierge, demeuré en la
Vierge, sans perdre ma Divinité.
Mais Moi je suis celui qui étais pour l'humanité en la Vierge, sans laisser ma
Divinité.
Je suis la même chose avec le Père et le Saint-Esprit, qui régnais au ciel et
sur la terre par ma Divinité ; j'enflammais aussi par mon Esprit la Sainte
Vierge, non pas que mon Esprit qui l'enflammait fût séparé de moi, mais le même
Esprit qui l'enflammait était la même chose avec le Père et avec moi, qui suis
le Fils, et le Père et le Fils étaient en lui, et ces trois personnes ne sont
pas trois Dieux, mais un seul Dieu.
Je suis semblable au roi David, qui a eu trois fils:
l'un d'eux s'appelait Absalom, qui pourchassait à mort son père;
le deuxième, qui était Adonias, le voulait débouter de son royaume ;
le troisième obtint le royaume, savoir, Salomon.
Absalon représente les juifs.
Le premier marque les juifs, qui me pourchassaient à mort et méprisaient mes
conseils : partant, maintenant, ayant connu leur ingratitude, je puis dire d'eux
ce que disait David de son Fils après son décès : O mon fils Absalom,
c'est-à-dire, ô juifs, qui êtes mes enfants, où sont maintenant votre désir et
votre attente ? ô mes enfants, où est maintenant votre fin ?
Je compatissais avec vous, lorsque vous désiriez ma venue, qui vous a été
annoncée par tant et tant de signes donnés, lorsque vous désiriez les choses
passagères qui vous étaient déjà échappées toutes.
Mais maintenant, je compatis plus avec vous, comme un autre David, qui réitérait
souvent la dernière parole, disant: O mon fils Absalom! ô Absalom mon fils!
attendu que je vois maintenant votre fin en la misère de la mort, c'est pourquoi
encore avec un grand amour je dis comme David :
O mon Fils, qui me donnera cette faveur de mourir pour vous ?
Or, David sut bien que par sa mort il ne pouvait pas ressusciter son fils, mais
en cela, il montrait l'amour paternel, et sa bonne volonté prompte à mourir pour
le ressusciter, s'il eût été possible.
J'en dis de même maintenant: O juifs, mes enfants, bien que vous ayez eu une
mauvaise volonté contre moi, et ayez fait le pis que vous avez pu, s'il était
pourtant possible et que cela plut à mon Père, je mourrais volontiers encore une
fois pour l'amour de vous, tant j'ai compassion de votre misère, que vous-mêmes
avez acquise, ma justice le permettant ainsi; car je vous ai dit par parole ce
qu'il fallait faire et vous l'ai montré par exemple.
Je vous ai précédés comme une poule, vous échauffant sous les ailes de mon
amour; mais vous avez tout méprisé. C'est pourquoi tout ce que vous avez désiré
s'est enfui de vous: votre fin est en la misère, et votre labeur est vain.
En Adonias, second fils de David, sont signifiés les mauvais chrétiens.
Adonias offensa son père en sa vieillesse, car il pensa ainsi à part soi: Mon
père est vieux; la force lui manque.
Si je lui parle de quelque chose de sinistre, il ne répondra pas; si je fais
quelque chose contre lui il ne s'en vengera pas; si j'attente quelque chose
contre lui, il le supportera patiemment; partant, je ferai ce que je voudrai.
Il monta en une forêt où il y avait peu d'arbres, avec une poignée de serviteurs
de son père, pour régner là. Mais la sagesse de son père éclatant, et ses
volontés lui étant manifestées, ses conseils ont été changés, et ceux qui
étaient avec lui ont été méprisés et rendus contemptibles.
De même font les chrétiens: ils pensent de moi en la manière, disant: "Les
signes de Dieu et ses jugements ne nous sont point connus; nous pouvons
maintenant, comme devant, dire ce que nous voudrons, car il est miséricordieux
et ne s'en avise point. Faisons ce qu'il nous plaira, car il pardonne
facilement. "
Ils se défient de ma toute puissance, comme si j'étais maintenant plus infirme
qu'auparavant pour faire ce que je veux; ils pensent que mon amour s'est
diminué, comme si je ne voulais en avoir non plus de miséricorde que de leur
pères; ils estiment mes jugements moquerie et ma justice vanité,
c'est pourquoi ils montent dans les forêts avec quelques serviteurs de David
pour régner confidemment.
Quelle est cette forêt où il y a si peu d'arbres, sinon la sainte Eglise, qui
subsiste par les sept sacrements, comme par autant d'arbres ?
Ils entrent dans cette Eglise avec quelques serviteurs de David, c'est-à-dire,
avec quelques petites bonnes oeuvres, afin que confidemment ils obtiennent le
royaume de Dieu; car ils font quelques petites bonnes oeuvres, dans lesquelles
ils se confient tant que, bien qu'ils soient en quelque péché et en quelque
crime que ce soit, bien que détestables, ils croient pourtant avoir le ciel
comme par un droit héréditaire.
Mais comme le fils de David, qui voulait avoir le royaume de son père, a été
déshonorablement repoussé, attendu que, tout injuste qu'il était il voulait se
l'arroger injustement et il a été donné à un plus sage et meilleur: de même ces
chrétiens seront repoussés de mon royaume, et mon royaume sera donné à ceux qui
font la volonté de David, car autre ne pourra obtenir le royaume céleste que
celui qui aura la charité, ni autre ne pourra s'approcher de ma pureté, qui ne
soit pur selon mon coeur.
Le troisième fils de David était Salomon, qui signifie les païens.
Bersabée ayant ouï qu'un autre que Salomon était élu pour régner, à qui
néanmoins David avait promis le royaume, alla vers David et lui dit:
Mon Seigneur, vous m'avez juré que Salomon régnerait après vous; or, maintenant
un autre est élu; si cela passe de la sorte, je serai condamnée au feu comme une
adultère, et mon fils sera illégitime.
David ayant ouï ces choses, se leva et dit: je jure de la part de Dieu que
Salomon règnera après moi. Et il commanda à ses serviteurs qu'ils élevassent
Salomon au trône de son royaume, et qu'on ne publiât roi que celui que David
avait élu; lesquels accomplissant le commandement de leur seigneur, exaltèrent
Salomon avec une grande puissance; et tous ceux qui avaient été de l'avis de son
frère, furent chassés et faits serviteurs.
Quelle est cette Bersabée, laquelle sera réputée pour adultère si on élit un
autre roi, si ce n'est la foi de païens ? car il n'y a pas de plus pernicieux
adultère que de se retirer de Dieu et de la foi droite, et croire quelqu'autre
Dieu que le Créateur de toute chose; mais comme une autre Bersabée, quelques
gentils viennent à Dieu, disant d'un coeur humble et contrit: Seigneur, vous
nous avez promis qu'à l'avenir nous serions chrétiens : accomplissez donc votre
promesse. Si un autre roi, c'est-à-dire, une autre foi est née parmi nous; si
vous vous séparez de nous, nous marcherons misérables, et nous mourrons comme
des adultères qui ont pris pour un légitime mari un adultère. Et bien que vous
viviez éternellement vous mourrez pour nous, et nous à vous, puisque, par la
grâce, vous vous éloignez de nos coeurs, et nous nous opposons à vous par notre
défiance.
Partant, accomplissez votre promesse; confortez notre infirmité et illuminez nos
ténèbres, car si vous différez, c'est-à-dire, si vous vous éloignez de nous,
nous périrons.
Ayant ouï ces choses, comme un autre David, je les veux élever par ma grâce et
miséricorde. Je jure donc par ma Déité, qui est avec mon humanité, et par mon
humanité, qui est en mon Esprit, et par mon Esprit, qui est en ma Déité et en
mon humanité, (et les trois ne sont pas trois dieux, mais un Dieu) que
j'accomplirai ma promesse. J'enverrai mes amis afin qu'ils introduisent
Salomon, mon fils, c'est-à-dire, les païens, dans l'Eglise, qui subsiste par les
sept sacrements comme par sept arbres: le Baptême, la Pénitence, la
Confirmation, l'Eucharistie, l'Ordre, le Mariage et l'Extrême-onction; et ils se
reposeront en mon siège, c'est-à-dire, en la foi droite de la sainte Eglise.
Mais les mauvais chrétiens seront leurs serviteurs; ils se réjouiront de
l'héritage perpétuel et de la douceur que je leur préparerai. Or ceux-ci
gémiront leur misère, qui commencera en ce monde et ne finira pas en l'autre.
Partant, ô mes amis! Ne dormons pas, et ne nous fâchons pas quand il est temps
de veiller, car une récompense glorieuse suivra nos travaux.
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