La Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, parle à sa fille de la manière dont les paroles et les œuvres de Jésus-Christ sont signifiées par le trésor ; la Déité par le chant ; les péchés par les serrures : les vertus par les murailles ; la beauté du monde et les plaisir des âmes par les deux fossés ; et il est expliqué comment se doit gouverner l'évêque à l'endroit des âmes qui lui sont confiées.
Chapitre 13

La Mère de Dieu parlait à l'épouse de son Fils, disant : Cet évêque demande ma charité, partant, il doit faire ce qui m'est très cher. Car de fait, je sais un trésor : celui qui le trouvera ne sera jamais la tribulation ni la mort. Quiconque le désirera aura tout le contentement de son cœur avec exaltation et joie. Or ce trésor est caché en un château fermé à quatre serrures, et est entouré de murailles bien hautes, bien épaisses et bien fortes. Hors des murs sont deux profonds et larges fossés. C'est pourquoi je le supplie de passer d'un saut ces deux fossés, de monter d'un pas les murailles, et de rompre d'un coup les serrures, et que de la sorte, il me présente une chose précieuse. Or, maintenant, je vous dirai tout ce que cela signifie.

Chez vous, on nomme trésor ce qui arrive rarement en usage et ce qu'on remue rarement. Ce trésor, ce sont les paroles de mon Fils et les œuvres précieuse qu'il a faites, et avant la passion, et en sa passion, et aussi les œuvres admirable qu'il fit, lorsque le Verbe fut fait chair en mon sein, et lorsque tous les jours, sur l'autel, le pain est transubstatié en son corps, par la force des paroles de Dieu.

Toutes ces choses sont un précieux trésor, qui sont maintenant si négligées et oubliées, qu'il y en a peu qui s'en souviennent et qui s'en servent pour leur avancement. Mais néanmoins, le corps glorieux du Fils est dans un château muni, c'est-à-dire, en la vertu de la Déité, car comme il défend le château contre ses ennemis, de même la puissance de la Divinité de mon Fils défend l'humanité de son corps, afin qu'aucun ennemi ne lui nuise.

Les quatre serrures sont quatre péchés, par lesquels plusieurs sont repoussés de la participation du corps de Jésus-Christ. Le premier est la superbe et les ambitions des honneurs du monde ; le deuxième, les désirs des biens du monde ; le troisième est la volonté sale et brutales, qui tend à remplir immodérément et brutalement le corps ; le quatrième, ce sont la colère, l'envie et la négligence de son propre salut.

Plusieurs aiment trop ces quatre vices et y sont trop accoutumés, c'est pourquoi ils sont grandement éloignés de Dieu, car ils voient le corps de Dieu et le reçoivent ; mais leur âme est tellement éloignée de Dieu que les larrons la désirent dérober, mais ne peuvent, à raison des serrures fortes. C'est pourquoi j'ai dit qu'il rompît d'un coup les serrures. Ce coup signifie le zèle des âmes, par lequel l'évêque doit rompre les pêcheurs avec les œuvres de justice faites en charité, afin que les serrures du péché étant une fois rompues, le pécheur puisse arriver jusqu'à ce précieux trésor. Et bien qu'il ne puisse frapper tous les pécheurs, qu'il fasse, comme il y est obligé, ce qu'il pourra, et principalement en ceux qui sont sous sa main, ne pardonnant ni au grand ni au petit, ou proche, ou à son allié, ami ou ennemi.

C'est en cette sorte que se comporta Saint Thomas d'Angleterre, qui, ayant enduré un monde de tribulations pour l'équité de la justice, mourut enfin d'une mort cruelle, attendu qu'il frappa le corps par la justice ecclésiastique, afin que l'âme endurât moins. Que cet évêque imite cette vie, afin que tous sachent qu'il hait ses propres péchés et ceux d'autrui, et alors, un tel coup de zèle est ouï par-dessus tous les cieux en la présence de Dieu éternel et des anges, et plusieurs se convertiront et se rendront meilleurs, disant : Il ne nous hait pas, mais bien nos péchés. Amendons-nous donc, et nous seront amis de Dieu et de lui.

Or, ces trois murailles qui environnent le château, sont trois vertus : la première est quitter les délices du corps et faire la volonté de Dieu ; la deuxième est vouloir plutôt les dommages et les opprobres pour la vérité et la justice, que d'avoir des honneurs et possessions du monde, dissimulant la vérité ; la troisième, ne pardonner ni la vie ni les biens pour le salut de chaque chrétiens.

Mais voyez à quoi s'emploie maintenant l'homme; enfin, il lui semble que ces murailles sont si hautes, qu'il ne les pourra passer en aucune manière : c'est pourquoi les cœurs des hommes n'approchent point de ce corps glorieux avec permanence, ni leurs âmes, attendu qu'elles sont éloignées de Dieu ; et partant, j'ai commandé à mon ami de passer les murailles d'un seul pas ; car chez vous, en appelle un pas, quand on sépare les pas d'une grande distance, pour faire passer vite le corps : de même en est-il du pas spirituel, car quand le corps est en la terre, et l'amour du cœur au ciel, alors on passe par-dessus ces trois murailles, car alors, l'homme se plaît, par la considération des choses célestes, à quitter sa propre volonté, à pâtir repoussements, injures et persécutions pour la justice et l'équité, à mourir pour la gloire de Dieu. Les deux fossés qui sont hors des murs, sont la beauté du monde, la présence et le plaisir de ses amis.

Plusieurs se reposeraient volontiers en ces fossés, et ne ce soucieraient jamais de voir Dieu au ciel. Et partant, les fossés sont larges et profonds : larges, d'autant que les volontés de ces hommes sont distantes et éloignées de Dieu ; profonds, d'autant qu'ils détiennent plusieurs dans les profonds abîmes de l'enfer : c'est pourquoi ces fossés doivent être passés d'un saut ; car qu'est-ce qu'un saut spirituel, sinon arracher son cœur des choses vaines, et saillir de la terre au ciel ?

Il est maintenant montré comment il faut rompre les serrures et passer les murailles. Je montrerai maintenant comment cet évêque doit présenter et offrir une chose la plus précieuse qui ait jamais été.

Certainement, la Divinité a été de toute éternité et sans commencement, et est, attendu qu'en elle on ne peut trouver ni commencement ne fin et l'humanité fut en mon corps et reçut de moi chair et sang. Partant, elle est une chose fort précieuse, s'il y en a eu jamais et s'il en est maintenant. Donc, quand l'âme du juste reçoit le corps de Dieu en soi avec amour, le corps de Dieu remplit sont âme : alors, il y a en elle une chose fort précieuse, si elle a jamais été ; car bien que la Divinité soit en trois personnes sans principe et sans fin en soi, néanmoins, quand le Père envoya son Fils, le Saint-Esprit y survenant, le Fils reçut alors de moi son précieux corps.

Or, maintenant, je montrerai à cet évêque comment il faut présenter à Notre-Seigneur une chose précieuse. Où l'ami de Dieu trouvera le pécheur, aux paroles duquel il y a un peu d'amour envers Dieu et beaucoup envers le monde, là il trouvera une âme vide pour aller à Dieu. Partant, que l'ami de Dieu ait de l'amour envers Dieu, étant marri et dolent que l'âme, qui a été rachetée du sang du Créateur, soit ennemie de Dieu, et qu'il ait compassion de cette âme misérable, faisant deux choses pour elle : 1° qu'il prie Dieu de lui faire miséricorde. 2° qu'il lui montre le danger où il est.

Or, s'il peut accorder Dieu et l'âme, alors des mains de dilection, qu'il présente à Dieu une chose très précieuse, car quand le corps de Dieu qui a été en moi, et l'âme créée par Dieu, conviennent en une amitié, cela m'est grandement cher. Ce n'est pas de merveille si je l'aime, car j'étais présente lorsque mon Fils, ce chevalier généreux, sortit de Jérusalem pour aller au combat, qui fut si fort et si dur que tous les nerfs de ses bras furent étendus ; son corps étaie tout livide et ensanglanté ; ses mains et ses pieds étaient percés de clous, ses yeux et ses oreilles pleins de sang ; son cou étaie aussi abaissé quand il rendit l'esprit ; le cœur était ouvert par le fer de la lance ; et ainsi; avec grandes douleurs et peines, il a vaincu les âmes, et maintenant, résidant dans la gloire, il tend les bras aux hommes. Mais hélas ! il s'en trouve peu qui lui présentent une épouse; partant, que l'ami de Dieu n'épargne point les biens ni ne pardonne à sa vie, en aidant aux autres en les présentant à mon Fils.

Dites encore à cet évêque, d'autant qu'il me demande pour être sa chère amie, que je lui veux donner ma foi, et me lier avec lui d'un lien signalé, parce que le corps de Dieu a été en moi, et je recevrai son âme en moi avec grand amour et grande charité, car comme le Père avec le Fils a été en moi, qui ai eu mon corps et mon âme en soi, et comme le Saint-Esprit, qui, avec le Père et le Fils, a été partout avec moi, qui avait aussi mon Fils en moi, de même, ce mien domestique sera lié avec le même Esprit ; car quand il aime la passion de mon Fils, et qu'il a son très cher corps en son cœur, alors il aura l'humanité qu'il a en soi et hors de soi ; la Divinité et Dieu est en lui, et lui en Dieu, comme Dieu est en moi et moi en lui. Or, quand mon domestique et moi avons un même Dieu, nous avons aussi un même lien de charité, et le Saint-Esprit, qui est un Dieu avec le Père et le Fils.

Ajoutez encore une parole : si cet évêque me tient sa promesse, je l'aiderai tant qu'il vivra ; mais à la fin de sa vie, je veux le servir et l'assister en présentant son âme à Dieu, en lui parlant en ces termes: O mon Dieu ! celui-ci vous a servi et m'a obéi, c'est pourquoi je vous présente son âme. O ma fille ! qu'est-ce que l'homme, quand il méprise son âme ? Eh quoi ! Dieu le Père, avec son incompréhensible Déité, aurait-il permis que son Fils innocent souffrît en son humanité des peines si cruelles, s'il n'eût pris plaisir des âmes, s'il ne les eût aimées, et s'il ne leur eût préparé une gloire éternelle ?
(Cette révélation a été faite à l'évêque Lincopen, qui, après, a été fait archevêque. Il y en a encore une du même au liv. VI, chap. XXII qui commence ainsi : Ce prélat…)

ADDITION
L’évêque pour lequel vous pleurez est allé en un léger purgatoire : partant, sachez pour certain que, bien qu’il ait eu au monde plusieurs qui l’ont empêché, maintenant ceux-là mêmes en ont rapporté leur jugement; et lui, à cause de sa foi et de sa pauvreté, est en gloire avec moi.