La sainte Mère de Dieu parle à l’épouse de son fils, lui disant : Je vous ai
montré un autre évêque que j’ai appelé pasteur du troupeau. Nous le comparons à
la chenille, qui, ayant la couleur de la terre, vole avec un grand bruit, et où
elle s’arrête, elle mord intolérablement et avec douleur. De même, ce pasteur a
la couleur de la terre, car étant appelé à la pauvreté, il désire d’autant plus
être riche que pauvre, plus commander qu’obéir, avoir plus de volonté propre
qu’être rangé par les autres.
Il vole aussi avec un grand bruit, car au lieu de
discours de Dieu, il abonde en éloquence de paroles; au lieu de parler de la
doctrine spirituelle, il dispute de la vanité du monde; au lieu de la sainte
simplicité de son ordre, il loue et suit la vanité du monde. Il a encore deux
ailes, c’est-à-dire, deux considérations : la première est qu’il voudrait donner
à tous de beaux mots plaisants et agréables, afin qu’il fût honoré de tous; la
deuxième : il voudrait que tout le monde lui obéît et lui fit la révérence. La
chenille mord dommageablement : de même celui-ci mord malheureusement aux âmes,
car étant le médecin des âmes, il ne dit pas à celles qui s’approchent de lui
leurs infirmités et leurs dangers, ni n’use point du couteau pour retrancher ce
qui est pourri, mais leur dit des paroles plaisantes, afin qu’il soit nommé doux
et que personne ne le fuit.
Voici qu’en ces deux évêques il y a de grandes merveilles, car l’un paraît
extérieurement pauvre, humble et solitaire, afin d’être appelé spirituel;
l’autre désire posséder le monde, afin d’être appelé miséricordieux et
charitable; l’un veut qu’on voie qu’il ne possède rien, et néanmoins, il désire
posséder tout en cachette; l’autre veut posséder tout ouvertement, afin de
donner beaucoup, et de la sorte, il veut être honoré beaucoup. Partant, selon la
maxime vulgaire, d’autant qu’ils me servent en telle sorte que je ne le vois pas
et ne l’approuve pas, aussi, je les récompenserai en telle manière qu’ils ne le
verront pas.
Vous admirez pourquoi tels sont loués en leurs prédications. Je vous réponds que
quelquefois un méchant dit de bonnes choses, car l’Esprit de Dieu, qui est bon,
leur est donné, non pour la bonté du docteur, mais pour la parole du docteur, en
laquelle l’Esprit de Dieu est pour le bien des auditeurs. Quelquefois un homme
de bien parle aux mauvais, et ils deviennent bons en l’entendant, à raison de
l’Esprit de Dieu, qui est bon, et à cause de la bonté du prédicateur.
Quelquefois, un froid dit des paroles froides, afin que les auditeurs qui sont
aussi froids, tandis qu’ils les rapportent aux absents, soient plus fervents que
les auditeurs mêmes. Partant, ne vous troublez pas à qui que vous soyez envoyée,
car Dieu est admirable, qui met l’or sous les pieds et la boue entre les rayons
du soleil.
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