Le Fils de Dieu éternel parle à son épouse, lui disant : Pourquoi vous
troublez-vous et êtes-vous en anxiété ? Elle répondit : D’autant que je suis
grandement assaillie d’un monde de diverses et inutiles pensées, lesquelles je
ne puis chasser ; et d’ouïr parler de vos terribles jugements me trouble.
Le Fils de Dieu répondit : Celle-ci en est la vraie justice, que, comme vous
vous plaisiez auparavant aux affections du monde contre ma volonté, de même
maintenant je permets que diverses pensées vous importunent contre votre
volonté. Néanmoins, craignez avec discrétion, et confiez-vous fortement en moi,
votre Dieu, sachant pour certain que quand la volonté ne prend point plaisir
dans les pensées de péché, mais les repousse en les détestant, elles servent à
l’âme de purification et de couronne.
Or, si vous vous plaisez à faire quelque petit péché que vous connaissiez être
péché, et le faites, vous confiant en l’abstinence et en la présomption de la
grâce, n’en faisant point pénitence ni autre satisfaction, sachez qu’il vous
dispose au péché mortel. Partant, s’il arrive en votre volonté quelque
délectation de péché, quelle que ce soit, considérez soudain à quoi elle tend,
et repentez-vous-en, car depuis que la nature a été débilitée par le péché, on
pèche plus souvent, car il n’y a point homme qui ne pèche au moins véniellement.
Mais Dieu, tout miséricordieux, a donné à l’homme pour remède la vraie
contrition de tous les péchés, voire même de ceux que nous avons amendés, de
peur qu’ils ne soient pas bien amendés, car Dieu ne hait rien tant que le péché,
et l’endurcissement de ceux qui n’ont soin de le quitter et qui présument sur
les mérites d’autrui, sans vouloir faire de bonnes œuvres, comme s’il ne pouvait
être honoré sans eux ; et partant qu’il vous permettra de faire quelque mal ,
puisque vous faites plusieurs biens, vu même quand vous en feriez mille pour
chaque péché, vous ne sauriez compenser un des moindres maux, ni ne sauriez
satisfaire à Dieu, à l’amour qu’il vous a porté et à la bonté qu’il vous a
communiquée. Que si vous ne pouvez éviter les pensées, supportez-les pour le
moins patiemment, et efforcez-vous d’aller volontairement contre elles, car vous
ne serez pas damnée à cause d’elles, bien qu’elles entrent en votre esprit,
attendu que vous ne leur pouvez défendre l’entrée, mais bien la délectation.
Craignez aussi, bien que vous n’y consentiez pas, que la superbe ne soit cause
de votre chute, car tout homme qui subsiste sans tomber, subsiste en la vertu du
seul Dieu. Partant, la crainte est une introduction au ciel, car plusieurs sont
tombés dans les précipites et en la mort pour avoir abandonné la crainte, et ont
eu honte de confesser là leurs péchés devant les hommes, où ils n’avaient eu
vergogne de les commettre devant Dieu : C’est pourquoi ils ne se soucient point
de demander pardon pour un petit péché.
Je dédaignerai aussi de relâcher et de
pardonner leur péché, et de la sorte, les péchés étant augmentés par les actes,
ce qui était rémissible par la contrition et était véniel, est grave par le
mépris, comme vous pouvez voir en cette âme maintenant jugées, car après avoir
commis quelque chose vénielle et rémissible, elle l’augmentait par la coutume,
se confiant de quelques siennes bonnes œuvres, ne considérant pas que je jugeais
les choses petites ; et ainsi l’âme, étant enveloppée en iceux par la coutume
qu’elle avait aux délectations déréglées, ne les a pas corrigées, ni n’a pas
réprimé la volonté du péché, jusqu’à ce qu’elle a vu le jugement aux portes, et
que la dernière période de sa vie s’approchait ; c’est pourquoi, la fin
s’approchant, sa conscience s’embrouilla soudain misérablement, et était marrie
de mourir sitôt, craignant de se séparer de ce peu de temporel qu’elle aimait,
car Dieu souffre et attend l’âme jusqu’au dernier point, parce que, par
aventure, elle voudrait quitter sa volonté libertine qu’elle a eu l’affection du
péché : mais d’autant que la volonté ne se corrige point, c’est pourquoi l’âme
est tourmentée sans fin.
Le diable, sachant en effet qu’un chacun est jugé selon
sa conscience et selon la volonté, s’efforce principalement à la fin de donner
des illusions à l’âme pour d’écarter de la droite intention, ce que Dieu permet,
car l’âme n’a pas voulu veiller sur elle quand elle le devait.
D’ailleurs, ne vous confiez et présumez pas trop, si j’appelle quelqu’un ami et
serviteur, comme j’ai appelé ce juge autrefois, car aussi Judas a été nommé mon
ami, et Nabuchodonosor serviteur, car comme j’ai dit : Vous êtes mes amis, si
vous faites ce que je vous commande, maintenant, je parle en cette sorte :
Ceux-là sont mes amis qui m’imitent, et ceux-là mes ennemis qui me poursuivent
et méprisent mes commandements et moi-même. Mais quoi ! David, après que j’eus
dit qu’il était selon mon cœur, ne commit-il pas un homicide ? Salomon, à qui
des choses si merveilleuses ont été données et promises, ne s’est-il pas retiré
de ma bonté ? Et les promesses n’ont pas été accomplies en lui à raison de son
ingratitude, mais seulement en moi, Fils de Dieu.
Partant, comme ne ce que vous dites, vous mettez cette clause : finalement, de
même, moi, j’aime la même la clause en mes paroles. Si quelqu’un fait ma volonté
et quitte son héritage, il aura la vie éternelle. Or, celui qui l’oira et ne
persévèrera à la faire, sera comme un serviteur inutile et ingrat. Mais vous ne
devez pas vous défier, si j’appelle quelqu’un ennemi, car soudain qu’il aura
changé sa volonté au bien, il sera mon ami. Judas n’était-il pas un des douze,
quand je dis : Vous êtes mes amis, qui m’avez suivi, et serez assis sur les
douze sièges ? Certainement lors Judas me suivait ; il ne sera pas pourtant
assis avec les douze.
Comment donc sont accomplies les paroles de Dieu ? Je réponds : Dieu, qui voit
les volontés et sonde les cœurs des hommes, juge selon qu’il voit au visage.
Partant, de peur que le bon ne s’enorgueillisse ou que le méchant se défie, Dieu
appela à son apostolat les bons comme les mauvais, et chaque jour, il appelle
aux dignités aussi bien les bons que les mauvais, afin que celui qui obtient en
sa vie un bénéfice, se glorifie en la vie éternelle. Or, celui qui a de
l’honneur sans charge, qu’il se glorifie pour quelque temps, puisqu’il périra
éternellement.
Partant, d’autant que Judas ne me suivait pas d’un cœur parfait,
ces mots : Qui secuti esti me, qui m’avez suivi, ne furent point pour lui,
attendu qu’il ne persévéra point jusqu’à la récompense, mais seulement étaient
pour ceux qui devaient persévérer, tant pour ceux qui étaient alors que pour
ceux qui étaient à venir. Car Dieu, à la présence duquel sont toutes choses,
parle quelquefois en temps présent bien que cela appartienne au futur, et parle
des choses qui sont à faire comme des choses faites ; quelquefois aussi, il mêle
le passé avec le futur, et se sert du passé pour le futur, afin qu’aucun n’ose
examiner le conseil de l’immuable et auguste Trinité.
Écoutez encore une parole : Plusieurs sont appelés et peu élus : de même
celui-ci est appelé à l’épiscopat, mais n’est pas élu, car il est ingrat aux
grâces de Dieu. Partant, il a seulement le nom d’évêque ; et parce qu’il
dégénère, il sera à bon endroit nombré entre ceux qui descendent et non entre
ceux qui montent.
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