La Mère de Dieu disait : Je veux expliquer à un évêque ce qu'il est tenu de
faire et quel est l'honneur qu'on doit porter à Dieu.
L'évêque doit avoir la mitre, la bien garder entre ses bras, ne pas la vendre
pour de l'argent, ne pas la donner aux autres pour amour charnel, ni la perdre
par négligence et par tiédeur.
Or, que signifie cette mitre épiscopale, se ce
n'est la dignité, la puissance épiscopale d'ordonner les clercs, de faire les
saints chrêmes, de ramener ceux qui s'égarent, et d'exciter les négligents par
leur exemple ? La mitre qu'il doit garder soigneusement dans ses bras, signifie
combien attentivement il doit considérer quelle est la puissance épiscopale, et
en quelle manière elle lui a été donnée, quels fruits elle apporte et quelle est
sa fin. Si l'évêque veut savoir comment il a été fait évêque, qu'il considère
s'il a désiré cette charge plus pour son utilité que pour l'amour de Dieu : s'il
l'a désirée pour l'amour de soi, son désir a été charnel ; si pour l'amour de
Dieu, pour son honneur et pour sa gloire, son désir a été spirituel et
méritoire. Après, si l'évêque considère pourquoi il a accepté l'épiscopat, il
trouvera que c'est pour être le père des pauvres, le consolateur et le médiateur
des âmes, car les biens d'un évêque, c'est le bien des âmes : que s'il les mange
infructueusement et les dépense prodigalement, les âmes en crieront vengeance
contre les injustes dispensateurs.
Or, quel sera le fruit de la dignité épiscopale ? Je vous le dirai : il sera de
deux sortes, comme dit saint Paul, corporel et spirituel, car sur la terre, il
est vicaire de Dieu, c'est pourquoi, pour l'honneur de Dieu ; il est honoré
comme un dieu en terre ; dans le ciel, le fruit sera corporel et spirituel, à
raison de la glorification du corps et de l'esprit : car là, le serviteur sera
avec le maître, tant à cause de la vie épiscopale qu'il a menée sur la terre,
qu'à raison de l'exemple d'humilité par laquelle il a provoqué les autres avec
lui à la gloire. Or, celui qui a un vêtement et une dignité épiscopale, mais qui
en fuit la vie et n'en pratique pas les actions, aura double confusion. Quant à
ce que je dis que la dignité épiscopale ne doit pas se vendre, cela veut dire
que l'évêque ne doit pas être simoniaque, ni ne doit pas exercer son office pour
avoir de l'argent ou pour la faveur des hommes, ni les promouvoir pour les
prières des hommes qu'il sait être de mauvaise vie.
Quant à ce que j'ai dit que la mitre ne devait pas être donnée aux autres pour
l'amitié des hommes, cela signifie que l'évêque ne doit pas dissimuler les
péchés des négligents et des lâches, et doit corriger ceux qu'il pourra, sans
les renvoyer impunis. Il ne doit pas taire les péchés de ses amis à raison de
l'amitié charnelle, ni mettre sur son dos les péchés de ses sujets , car
l'évêque est celui qui contemple Dieu.
Quand j'ai dit que l'évêque ne doit pas perdre sa mitre par lâcheté, cela
signifie que l'évêque ne doit confier aux autres, pour qu'ils la fassent, sa
charge, qu'il est tenu de remplir lui-même personnellement et fructueusement ;
qu'il ne doit pas la confier aux autres pour le repos charnel, que lui-même
pourrait accomplir, car l'office d'un évêque n'est pas repos, mais labeur.
L'évêque ne doit pas non plus ignorer les mœurs de ceux auxquels il confie ses
offices, mais il doit les savoir et s'en enquérir, et voir comment ils gardent
l'équité et la justice, et s'ils se comportent en ce qu'il faut faire, sagement
et sans cupidité.
Outre cela, je veux que vous sachiez que l'évêque, étant pasteur, doit avoir un
faisceau de fleurs sous ses bras, avec lesquelles il attire les brebis proches
et éloignées, qui, étant alléchées, courent soudain à l'odeur de ces fleurs. Ce
faisceau de fleurs marque la prédication divine que l'évêque est tenu de faire ;
les deux bras sur lesquels la prédication divine est portée, marquent deux
œuvres qu'il faut qu'un évêque fasse, l'une publique et l'autre en cachette,
afin que les brebis voisines de son évêché, voyant la charité dans les œuvres de
leur évêque, entendant et comprenant ses paroles, glorifient Dieu en l'évêque ;
et que toutes les brebis éloignées, entendant la renommée de l'évêque, désirant
suivre ; car ce faisceau, qui est très odoriférant, n'a point honte de la
vérité, ni de l'humilité, ni d'enseigner le bien et de faire ce qu'il enseigne,
ni d'être humble en ses honneurs et dévot en son abjection.
Quand l'évêque aura accompli le cours de sa voie et qu'il sera parvenu à la
porte, il est nécessaire qu'il ait quelque chose en sa main pour présenter au
Juge souverain, en partant, qu'il ait en sa main un vase fort cher et vide, et
qu'il l'offre à ce Roi souverain. Or, ce vase vide qu'il porte pour offrir,
n'est autre choses que le cœur, que nous devons nuit et jour vider et purifier
de toute volupté et de tous les désirs de la gloire passagère.
Quand il faudra introduire un tel évêque au royaume de gloire, Notre-Seigneur
Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, avec toute la milice céleste, lui viendra
au-devant. Alors il entendra les anges qui diront : O notre Dieu ! ô notre joie
! ô tout notre bien ! cet évêque a été pur en sa chair, généreux en l'action :
il est donc raisonnable que nous vous la présentions, car il a toujours désiré
notre compagnie. Partant, accomplissez ses désirs, et par son arrivée, augmenter
notre gloire.
Alors, tous les saints diront : O Dieu éternel ! notre joie vient
de vous, est en vous, sort de vous, et nous n'avons besoin que de vous.
Néanmoins, notre joie est excitée par la joie de cet évêque, qui vous a désiré
autant qu'il a pu, car il a porté des fleurs très-odoriférantes en sa bouche,
par lesquelles il a augmenté notre nombres. Il en a porté en son œuvre, fleurs
qui rafraichissaient ceux qui habitaient près et loin de lui. Partant,
donnez-lui la grâce de se réjouir avec nous ; et vous aussi, réjouissez-vous,
puisqu'en mourant, vous lui désiriez tant de joie. Le Roi de gloire leur dira
enfin : O mon ami, vous êtes venu me présenter le vase de votre cœur vide de
vous-même et de votre propre volonté : c'est pourquoi je vous remplis de
plaisirs indicibles et de ma gloire éternelle ; ma joie sera la vôtre, et je ne
finirai jamais, mais je conserverai éternellement votre gloire.
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