Pour le jour de la Nativité de la Sainte Vierge . Pour le jour de Saint
Jean-Baptiste . Pour le jour de Sainte Magdelène.
Le Fils de Dieu parle : Il y a trois saints qui m'ont agrée par-dessus les
autres : Sainte Marie , ma Mère , saint Jean-Baptiste et sainte Marie-Magdelène
. Ma Mère a été si belle en sa naissance et après sa naissance , qu'elle n'eut
jamais de souillure ni tache en elle ; ce que les démons connaissant , ils
portèrent cela avec tant de facherie , que nous pouvons dire comme par
similitude qu'une voix des démons , sortant de l'enfer , disait : Une Vierge
marche avec tant de vertu et avec tant de merveilles , qu'elle surpasse tous
les hommes en terre et au ciel , et parvient et arrive jusques au siège de Dieu.
Que si nous allons contre elle avec tous nos lacets , elle les rompt tous , et
comme l'étoupe est bientôt rompue et déchirée , de même rompt-elle les grandes
cordes.
Si nous venons à elle avec toute notre malice et immondice , elle coupe
toutes choses , comme le faucheur coupe le foin . Si nous suggérons la volupté
et les délectations au monde, toutes ces choses sont plus facilement étouffées
qu'une scintille de feu par les torrents des eaux.
Or, saint Jean étant né, il déplut aux démons en telle sorte , qu'on ouït comme
une voix sortant de l'enfer, qui disait : Un enfant admirable est né . Que
ferons-nous , si nous agissons contre lui avec les vents de notre superbe ?
Certainement , Baptiste nous méprise , nous et nos paroles , et moins veut-il
consentir à nos suggestions. Si nous lui offrons des richesses , il nous tourne
le dos et refuse de les voir ; si nous lui présentons les voluptés , il est
comme mort et ne les veut ressentir.
Quand sainte Marie-Magdelène fut convertie , les démons dirent : Comment
pourrons-nous la remettre dans ses premiers péchés ? En vérité , nous avons
perdu une proie assez grasse , hélas ! Elle se lave tellement dans le ruisseau
de ses larmes que nous n'osons la regarder ; elle se couvre tellement de bonnes
œuvres qu'elle ne parait point tachée ; elle est fervente et si chauffée au
service de Dieu et à la sainteté , que nous n'osons l'approcher : partant , ces
trois ont toujours donne à l'âme l'entier domaine et gouvernement , et leur
corps , l'obéissance et la soumission.
Leur âme avait aussi trois choses : 1° elle n'a rien aime si chèrement que Dieu
; 2° elle n'a rien voulu faire contre moi ; 3° elle n'a voulu rien omettre de ce
qui touchait à l'honneur de Dieu . Bien donc que ceux-ci aient eu une telle âme
, ils n'ont pas pourtant méprise leurs corps , ni ne lui donnèrent point le
venin au lieu de la viande , ni les épines pour le vêtement , ni ne se sont pas
assis à la table des fourmis , mais ils ont use d'une modérée réfection pour mon
honneur , pour ma gloire et pour l'utilité de âme Ils ont aussi des vêtements
pour couvrir leur corps , et non pour nourrir et fomenter la vanité , le sommeil
pour le repos , et le lit seulement pour le soulagement , Et de fait , s'ils
eussent su me plaire et que je leur en eusses donne la grâce , ils eussent pris
et choisi pour viande toutes les choses amères , les épines pour vêtements , et
se fussent couches sur les fourmilières.
Mais d'autant qu'ils me considéraient tout juste et tout miséricordieux , aussi
gardèrent-ils la justice pour le corps , par retenue des passions et des
mouvements déréglés : de même furent-ils raisonnables et miséricordieux pour
pardonner au corps et le soulager , de peur que , par la violence des labeurs ,
le corps ne déchut et ne défaillit.
Mais maintenant , vous me pourriez demander pourquoi je n'ai pas donne à ceux-ci
la même grâce que j'ai donnée aux saints ermites et aux Pères anciens , dont
quelques-uns ne mangeaient qu'une fois par semaine , dont quelques autres ont
mange des viandes apportées par les anges . Je vous réponds que ces saints Pères
ont obtenu de moi cette ferveur de jeûner de la sorte , pour trois raisons : 1°
pour manifester ma grâce et mon adorable puissance , afin que les hommes sachent
que , comme je nourris l'âme sans la viande corporelle , de même je puis nourrir
et sustenter le corps sans viande , quand il me plait ; 2° afin de montrer ,
par un vif exemple , que le labeur corporel et la tribulation attirent âme au
ciel ; 3° afin d'éviter le péché , car la volupté charnelle , si elle n'est
retenue , entraîne âme aux peines éternelles.
Donc , afin d'apprendre aux hommes la continence et la manière de vivre au monde
sans aucune viande, néanmoins , je me suis servi des viandes et des choses
corporelles, afin que l'homme , connaissant son obligation , me rendit grâce , à
moi qui suis son Dieu , et afin qu'il put prendre un soulagement modéré au monde
, et une parfaite liberté au ciel avec les saints.
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