Le Fils de Dieu dit à sainte Brigitte : pourquoi craignez-vous et êtes vous en
anxiété , de ce que le diable mêle quelque chose aux paroles du Saint-Esprit ?
N’avez-vous pas ouï qu’on garde sa langue entière , bien qu’on l’ait mise entre
les dents des lions rugissants ? Et quelqu’un ne suce-t-il pas le doux miel de
la queue du serpent ? nullement . Mais qui est ce lion ou ce serpent , si ce
n’est le diable , qui est lion à cause de sa malice , et serpent à raison de sa
finesse ? Et la langue est la consolation du Saint-Esprit . Qu’est-ce que mettre
la langue entre les dents du lion , sinon dire les paroles du Saint-Esprit , qui
apparut en espèce de langue , pour avoir les faveurs et les louanges humaines?
Quiconque donc dit les louanges de Dieu pour plaire aux hommes , celui-là
certainement se trompe et sera mordu par le serpent , car bien que ces paroles
soient de Dieu , elles ne procèdent pourtant pas de la charité et de la bouche
enflammée par l’amour de Dieu , et la langue , c’est-à-dire , la consolation du
Saint-Esprit , lui sera ôtée.
Or , celui qui ne désire que Dieu , toutes choses mondaines lui sont fâcheuses ;
son corps n’affectionne de voir ni ouïr , sinon ce qui est de Dieu ; son âme se
réjouit en l’infusion du Saint-Esprit . Celui-là ne peut être déçu ni trompé ,
attendu que l’esprit mauvais cède au bon ni n’ose s’en approcher . Or , que
signifie sucer le miel de la queue du serpent , si ce n’est attendre les
consolations du Saint-Esprit , les suggestions du diable , ce qui ne se peut ,
car le diable aimerait mieux se laisser tuer mille fois , s’il se pouvait , que
de donner la moindre consolation à l’âme , dont la fin est la vie éternelle ? Ne
craignez donc point , car Dieu , qui a commencé le bien , le conduira à une
parfaite fin.
Néanmoins , sachez que le diable est comme un chien de chasse échappé de la
laisse : quand il vous voit ne recevoir les influences du Saint-Esprit , il
court à vous par ces tentations et ses suggestions ; mais si vous lui opposez
quelque chose de dur et d’amer , que ses dents y soient agacées , il se retirera
soudain de vous et ne vous nuira point . Or , qu’est cela de dur qu’on oppose au
diable , sinon l’amour de Dieu et l’obéissance à ses commandements ? Quand il
verra parfaits et accomplis en vous cet amour et cette obéissance , soudain ses
assauts , ses efforts et ses volontés , seront vains et brisés , car il
considère que vous voulez pâtir toutes les choses qui vous contrarient , plutôt
que de contrevenir aux commandements de Dieu.
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