La Sainte Vierge Marie dit à sa fille sainte Brigitte comment il se faut comporter entre les serviteurs de Dieu , contre les impatients , et comment la superbe est signifiée par un muid de vin.
Chapitre 24

La sainte Mère de Dieu parle : Quand un muid de vin est chaud et bouillant , il croît et s’enfle , et quelques exhalaisons et écumes montent , tantôt s’enflant , tantôt diminuant tout à coup . Or , tous ceux qui sont auprès du tonneau , considérant que ces exhalaisons s’enflent soudain , et que tels transports et bouillons viennent de la ferveur du vin et marquent la chaleur qui est au dedans , attendent patiemment . La fin de cela est que le vin soit parfait.

Or , tous ceux qui environnent le tonneau , qui approchent par trop le nez de ces bouillons de vin , éprouvent en eux deux choses : ou ils éternuent par trop , ou leur cerveau y est par trop blessé.

De même en est-il dans les choses spirituelles , car il arrive quelquefois que les cœurs de quelques-uns s’enflent de vanité et bouffissent d’orgueil et d’impatience . Les hommes de vertu solide , considérant ces élèvements , disent qu’infailliblement ils procèdent , ou de l’incompétence de l’esprit , ou des mouvements charnels non retenus . C’est ce qui leur fait aussi attendre la fin et souffrir les paroles pour en voir l’origine , sachant qu’après la tempête , le calme arrivera , et que la patience est plus forte que celui qui surmonte les villes , d’autant qu’elle surmonte soi-même , ce qui est plus difficile . Or , ceux qui sont trop impatients et rendent également parole pour parole , sans avoir égard aux récompenses glorieuses promises à la patience , et sans considérer combien contemptible et méprisable est la faveur mondaine , ceux-ci tombent en infirmité d’esprit , par les tentations dont ils sont assaillis et pour l’impatience , car ils s’approchent de trop près de l’émotion du tonneau , c’est-à-dire , du bruit des paroles qui ne sont que vent , et néanmoins les prennent trop à cœur.

Partant , quand vous verrez quelques-uns être impatients , mettez-vous , pour aide et secours , Dieu pour garde à votre bouche , et n’abandonnez jamais les œuvres que vous avez bien commencées pour les paroles d’impatience , mais dissimulez autant qu’il est juste ce que vous avez ouï , comme si vous ne l’aviez ouï , jusqu’à ce que ceux qui veulent trouver l’occasion d’impatience , expriment par parole ce qu’ils ont dans leur cœur.