La Mère de Dieu parle à son fils , disant : Notre fille est comme un agneau qui
met sa tête en la gueule du lion . Il vaut mieux , dit Jésus-Christ , que
l’agneau mette sa tête en la gueule du lion , et qu’il soit avec le lion une
même chair et un même sang , que non pas si l’agneau suce le sang du lion, d’où
arriverait que le lion s’indignerait et s’affaiblirait , attendu que sa pâture
n’est pas le sang, mais le foin . Néanmoins , ô ma Mère très-chère ! d’autant
que vous avez porté en votre ventre toute la sapience et la plénitude de la
prudence , faites entendre à celle-ci qu’est-ce que le lion et qu’est-ce que
l’agneau.
La Mère répondit : Béni soyez-vous , mon Fils , qui , demeurant éternellement
avec le Père , êtes descendu à moi , et néanmoins vous ne vous êtes jamais
séparé de mon Père ! vous êtes ce lion de la tribu de Juda ; vous êtes cet
agneau sans souillure que saint Jean a montré avec le doigt . Celui-là met la
tête en la bouche du lion , qui résigne sa volonté en Dieu , et ne voudrait
faire la sienne , bien qu’il pût , si ce n’est qu’il sut que cela vous plût.
Or , suce le sang du lion celui qui s’impatiente de vos dispositions et
ordonnances , et s’efforce de contrevenir à ce que vous lui avez commandé , et
voudrais plutôt changer d’état , s’il pouvait , que vous être agréable , bien
que cela lui fût expédient . Dieu ne s’apaise pas de telles choses , mais elles
provoquent son ire et son indignation , car comme la pâture de l’agneau est le
foin , de même l’homme devrait se contenter de choses basses et humbles . C’est
pourquoi Dieu permet beaucoup de choses qui n’arriveraient point contre le salut
des hommes , s’ils n’étaient ingrats , colères et impatients . Partant , ô ma
fille ! donnez votre volonté à Dieu ; et que si quelquefois vous êtes moins
patiente qu’il ne faut , levez-vous soudain par la pénitence , car la pénitence
est comme une bonne lavandière qui ôte les souillures , et la contrition est
comme celle qui blanchit parfaitement.
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