Le Fils de Dieu parle , disant : Ne craignez point , ma fille ! cette malade ne
mourra point , car ses œuvres m’agréent . Or , étant morte , le Fils de Dieu dit
derechef : Voyez , ma fille : ce que je vous ai dit est vrai : elle n’est pas
morte , car sa gloire est grande , d’autant que la séparation de l’âme du corps
des justes n’est qu’un sommeil , duquel ils s’éveillent pour une vie éternelle .
Il faut appeler mort seulement celle-là , que , l’âme étant séparée du corps ,
vit en une mort éternelle.
Plusieurs , considérant les choses futures , désirent mourir d’une mort
chrétienne , car qu’est-ce autre chose , une mort chrétienne , si ce n’est
mourir comme je suis mort , innocemment , volontairement et patiemment ? Eh quoi
! suis-je à mépriser , d’autant que ma mort était dure et vile? Ou pour cela ,
mes élus auraient-ils des fous , pour avoir pâti des choses contemptibles ? Ou
la fortune aurait-elle voulu cela , ou le cours des astres ? nenni.
Mais moi et mes élus avons pâti des choses contemptibles , afin que , par parole et par
exemple , nous montrions que les voies du ciel sont dures et âpres , afin que
les méchants considérassent incessamment combien de pureté leur était nécessaire
, puisque mes innocents et élus ont souffert des choses si âpres et si dures .
Sachez donc que celui-là est mal et misérable , qui , vivant dissolument , meurt
en volonté de pécher ; qui , ayant en poupe les faveurs du monde , désire de
vivre plus longuement et ne sait rendre grâces à Dieu.
Or , celui qui aime Dieu de tout son cœur , souffre et méprise la mort , ou est
affligé par longues infirmités . Celui-là vit et meurt heureusement , car la
mort dure et âpre diminue le péché et la peine du péché , et augmente les
couronnes . Je vous fais souvenir de deux qui , selon le jugement des hommes ,
moururent d’une mort vile et méprisable, que , s’ils n’eussent obtenu de ma
miséricorde un tel genre de mort, ils n’eussent point été sauvés . Mais d’autant
que Dieu ne punit pas deux fois ceux qui sont contrits de cœur , c’est pour cela
aussi qu’ils sont arrivés à la couronne.
C’est pourquoi les amis de Dieu ne se doivent point affliger , s’ils sont
affliges temporellement, ou s'ils meurt d'une mort amère, car c'est une chose
heureuse de pleurer une heure et d'être affligé au monde et n'être pas durement
afflige dans le purgatoire, où on ne peut fuir et où on n'est pas donne le temps
de travailler.
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