Le Fils de Dieu parle : Oyez, vous qui désirez le port après tant de tempêtes.
Quiconque est en la mer ne doit rien craindre, s'il a avec lui celui qui peut
arrêter les vents, afin qu'ils ne soufflent; qui commande à tout ce qui nous
peut nuire; qui sait amollir les rochers et les écueils, calme les orages, afin
que ceux qui voguent en la mer soient conduits au port et au repos. De même il y
en a dans le monde qui conduisent les corps comme des navires par les eaux du
monde, les uns en consolation, les autres en désolation, car la volonté des
hommes libres conduit, avec la grâce divine, quelques âmes au ciel et quelques
autres, par le péché, dans les abîmes de l'enfer.
Cette volonté donc qui ne désire rien avec plus de ferveur que d'ouïr que Dieu
est honore, ni ne veut vivre que pour pouvoir servir Dieu, oui, celle-la plait a
Dieu, car Dieu demeure en une telle volonté avec délices et contentement, et
détourne tous les dangers qui la menacent, rend les écueils doux, au milieu
desquels une âme serait autrement souvent en danger.
Or, que sont les écueils, sinon les mauvais désirs ? Car il est plaisant et
délectable de voir les professions du monde, de les avoir et de se contenter des
honneurs corporels, et de goûter tout ce qui délecte la chair, car en telles
choses, l'âme se met souvent en danger. Mais lorsque Dieu est dans le navire,
toutes choses se calment, et l'âme méprise les écueils et les orages.
Toute beauté terrestre est semblable à une vitre peinte par dehors , qui est
au-dedans toute pleine de terre. Or, la vitre étant cassée, ne sert à rien plus
qu'à retourner à sa première nature, qui est terre noire, qui n'est créée pour
autre fin que pour en acheter le ciel.
Partant, tout homme qui ne désire non plus ouïr ses louanges ni celles du monde
qu'ouïr souffler un air pestiféré, qui mortifie son corps et ses appétits, et
déteste la volupté abominable de la chair, peut demeurer en repos et veiller
joyeusement, car Dieu est à toute heure avec lui.
|