Le Fils de Dieu dit à son épouse sainte Brigitte comment nous nous devons donner garde des tentations du diable , et en quelle manière le diable est désigné par l’ennemi ;Dieu par la poule ; sa puissance et sa sagesse par les ailes ; sa miséricorde par les plumes , et les hommes par les poussins.
Chapitre 47

Jésus-Christ parle : Quand l’ennemi heurte à la porte , vous ne devez pas faire comme les chèvres , qui courent aux murailles , ni comme les béliers , qui se battent avec leurs cornes ; mais soyez comme les poussins , qui , voyant en l’air l’oiseau de rapine , s’enfuient sous les ailes de la poule , leur mère , pour s’y cacher et y être protégés ; qui , bien qu’il ne puissent prendre qu’une plume et se cacher sous elle , s’en réjouissent grandement.

Or , quel est cet ennemi , sinon le diable qui porte une envie enragée à toutes nos bonnes actions , l’office duquel est de pousser à mal l’esprit de l’homme , et de l’émouvoir par des tentations et des suggestions malheureuses ? Il le pousse par colère , quelquefois par impatience , par médisance et jugements téméraires , qui sont réservés à Dieu seul , quand toutes choses ne succèdent selon ses désirs ; voire fréquemment il l’émeut , le pousse et l’inquiète importunément par des pensées diverses et innombrables , afin que , par icelles , il puisse arracher , ou bien distraire les âmes du service de Dieu , et afin que les bonnes œuvres soient cachées devant Dieu.

Partant , quelles que soient vos pensées , vous ne devez quitter votre place ni être semblable aux chèvres courant aux murailles , c’est-à-dire , demeurer en l’endurcissement de votre cœur , ou bien juger les œuvres d’autrui dans vos cœurs , car souvent , celui qui est mauvais aujourd’hui sera bon demain . Mais vous devez abaisser votre puissance , l’arrêter et écouter les volontés divines , en vous humiliant et craignant , ayant patience en vos adversités , et priant Dieu afin que ce qui a été mal commencé finisse bien.

Vous ne devez pas non plus être comme les béliers , qui secouent et éventent leurs cornes , c’est-à-dire , rendre parole pour parole , opprobre pour opprobre , mais vous vous devez arrêter constamment sur vos pieds et vous taire , en retenant fortement les passions déréglées de la chair , afin qu’en parlant et répondant , vous ayez prémédité ce que vous dites , et fais violence avec patience et paix aux passions ; car c’est aux hommes justes de se vaincre eux-mêmes , et de s’abstenir des paroles licites , pour éviter le babil , l’offense et le péché ; car celui qui , se trouvant et se sentant intérieurement ému , épanche par parole ou quelque autre action , son sentiment , semble en quelque manière s’être vengé de soi-même , et avoir manifesté la légèreté et l’inconstance de son esprit. C’est pourquoi il sera privé de la couronne , puisqu’il n’a voulu avoir patience pour quelque peu de temps , par laquelle il eût gagné son frère qui offensait , et eût préparé pour lui une plus grande couronne.

Or , que sont autre chose les ailes , sinon la puissance et la sagesse divines ? car je suis comme une poule qui défend puissamment des lacets du diable , provoque et excite sagement au salut par mes inspirations , les poussins qui courent en désirant la protection de mes ailes . Que signifie la plume , sinon ma miséricorde ? Qui l’obtiendra sera autant en sûreté qu’un poussin qui est échauffé sous les ailes de sa mère . Soyez donc comme des poussins courant à mes volontés : en toutes les tentations et contradictions , dites : La volonté de Dieu soit faite , tant en mes parole qu’en mes œuvres , car je défends de ma puissance ceux qui se confient en moi ; je les recrée et les réjouis de ma miséricorde ; je les soutiens de ma vertu , les visite de mes consolations , et les récompense au centuple par mon amour.