Jésus-Christ parle : Quand l’ennemi heurte à la porte , vous ne devez pas faire
comme les chèvres , qui courent aux murailles , ni comme les béliers , qui se
battent avec leurs cornes ; mais soyez
comme les poussins , qui , voyant en l’air l’oiseau de rapine , s’enfuient sous
les ailes de la poule , leur mère , pour s’y cacher et y être protégés ; qui ,
bien qu’il ne puissent prendre qu’une plume et se cacher sous elle , s’en
réjouissent grandement.
Or , quel est cet ennemi , sinon le diable qui porte une envie enragée à toutes
nos bonnes actions , l’office duquel est de pousser à mal l’esprit de l’homme ,
et de l’émouvoir par des tentations et des suggestions malheureuses ? Il le
pousse par colère , quelquefois par impatience , par médisance et jugements
téméraires , qui sont réservés à Dieu seul , quand toutes choses ne succèdent
selon ses désirs ; voire fréquemment il l’émeut , le pousse et l’inquiète
importunément
par des pensées diverses et innombrables , afin que , par icelles , il puisse
arracher , ou bien distraire les âmes du service de Dieu , et afin que les
bonnes œuvres soient cachées devant Dieu.
Partant , quelles que soient vos pensées , vous ne devez quitter votre place ni
être semblable aux chèvres courant aux murailles , c’est-à-dire , demeurer en
l’endurcissement de votre cœur , ou bien juger les œuvres d’autrui dans vos
cœurs , car souvent , celui qui est mauvais aujourd’hui sera bon demain . Mais
vous devez abaisser votre puissance , l’arrêter et écouter les volontés divines
, en vous humiliant et craignant , ayant patience en vos adversités , et priant
Dieu afin que ce qui a été mal commencé finisse bien.
Vous ne devez pas non plus être comme les béliers , qui secouent et éventent
leurs cornes , c’est-à-dire , rendre parole pour parole , opprobre pour opprobre
, mais vous vous devez arrêter constamment sur vos pieds et vous taire , en
retenant fortement les passions déréglées de la chair , afin qu’en parlant et
répondant , vous ayez prémédité ce que vous dites , et fais violence avec
patience et paix aux passions ; car c’est aux hommes justes de se vaincre
eux-mêmes , et de s’abstenir des paroles licites , pour éviter le babil ,
l’offense et le péché ; car celui qui , se trouvant et se sentant intérieurement
ému , épanche par parole ou quelque autre action , son sentiment , semble en
quelque manière s’être vengé de soi-même , et avoir manifesté la légèreté et
l’inconstance de son esprit. C’est pourquoi il sera privé de la couronne ,
puisqu’il n’a voulu avoir patience pour quelque peu de temps , par laquelle il
eût gagné son frère qui offensait , et eût préparé pour lui une plus grande
couronne.
Or , que sont autre chose les ailes , sinon la puissance et la sagesse divines ?
car je suis comme une poule qui défend puissamment des lacets du diable ,
provoque et excite sagement au salut par mes inspirations , les poussins qui
courent en désirant la protection de mes ailes . Que signifie la plume , sinon
ma miséricorde ? Qui l’obtiendra sera autant en sûreté qu’un poussin qui est
échauffé sous les ailes de sa mère . Soyez donc comme des poussins courant à mes
volontés : en toutes les tentations et contradictions , dites : La volonté de
Dieu soit faite , tant en mes parole qu’en mes œuvres , car je défends de ma
puissance ceux qui se confient en moi ; je les recrée et les réjouis de ma
miséricorde ; je les soutiens de ma vertu , les visite de mes consolations , et
les récompense au centuple par mon amour.
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