Il semblait à une personne qu’elle était en un grand chœur , ou apparurent un
grand soleil éclatant et deux sièges , et comme un prêcheur , l’un à gauche ,
l’autre à droite , éloignés du soleil d’une grande distance ; et deux rayons
sortaient du soleil , dardant sur les chaires . Lors on oyait une voix du siège
qui était à gauche , disant : Salut éternellement au Roi , Créateur , Rédempteur
et juste Juge ! Voici votre vicaire , qui est assis en votre siège au monde . Il
a mis son siège au lieu où était anciennement le siège de saint Pierre , premier
pape et prince des apôtres.
La voix qui sortait du siège qui était à droite , répondit , disant : Comment
pourra-t-il entrer dans l’Eglise , où les trous des gonds sont tout plein de
rouillure et de terre ? C’est pourquoi les portes sont comme abattues à terre
car dans les trous , il n’y a point de lieu où les crochets se puissent attacher
pour soutenir les portes ; les crochets sont aussi tout droits , sans être
courbés pour s’accrocher aux portes . Le pavé est plein de grands fossés , comme
de puits qui n’ont point de fond . Le toit est enduit de poix et brûlé d’un feu
de soufre , distillant comme une pluie épaisse . Les murailles sont si noires et
si difformes de la noirceur épaisse qui s’élève de l’abîme des fossés et de ce
qui distille du toit , qu’elles semblent peintes de sang corrompu et d’une
pourriture puante , c’est pourquoi l’ami de Dieu ne doit point habiter en un tel
temple.
La voix qui était à gauche répliqua : Exposez-nous et expliquez-nous
spirituellement ce que vous avez dit corporellement.
Lors la voix dit : Le pape est signifié par les poteaux et leur est comparé .
Par les trous des gonds est marquée l’humilité , qui doit être tellement vide de
toute superbe , qu’il n’y ait point d’autre apparence que l’humilité pontificale
, de même que le trou doit être entièrement vide de rouillure . Mais maintenant
, les trous , c’est-à-dire , les livrées et les marques insignes de l’humilité ,
sont pleins de superfluités , de richesses et d’acquisitions , qui ne servent à
autre chose qu’à nourrir la superbe , où rien d’humble ne paraît , mais toute
l’humilité est couverte et changée en pompe mondaine.
Partant , ce n’est pas de merveille si le pape est comparé aux portes : il est
tout penché vers les choses mondaines , marquées par la rouillure et par la
terre . Partant , que le pape commence d’embrasser l’humilité en soi-même , en
son apparat , en ses vêtement , en l’or , en l’argent , en ses vases , en ses
chevaux et autre ustensiles , prenant de tout cela le seul nécessaire , donnant
le reste aux pauvres , et spécialement à ceux qu’il connaîtra être amis de Dieu
. Après , qu’il ordonne sa maison avec modération ; qu’il ait des serviteurs
autant qu’il en est nécessaire pour garder sa vie , car bien qu’il soit en la
main de Dieu de l’appeler en jugement quand il voudra , il est néanmoins juste
et équitable qu’il ait des serviteurs pour affermir la justice , afin que ceux
qui s’élèvent contre Dieu et L’Eglise soient humiliés.
Les cardinaux sont signifiés par les crochets qui sont conjoints aux portes ,
qui sont étendus et diffus autant qu’ils peuvent dans les amplitudes de la
superbe , cupidité et volupté de la chair.
Que le pape donc prenne le marteau et les ciseaux , et qu’il fléchisse les
cardinaux à ses volontés , ne leur permettant pas d’avoir tant de vêtements ,
tant de serviteurs et tant de meubles ,
sinon tout autant que la nécessité le requiert et que l’usage de la vie le
demande . Qu’il les fléchisse avec les ciseaux , c’est-à-dire , qu’il leur parle
doucement , avec le conseil divin , avec une paternelle charité.
Que s’ils ne veulent obéir , qu’il prenne le marteau , leur montrant sa sévérité , faisant
tout ce qu’il pourra , pourvu qu’il ne soit contre la justice , jusqu’à ce
qu’ils obéissent à ses volontés.
Les évêques sont signifiés par le pavé , comme aussi les clercs , la cupidité
desquels n’a point de fond , de la superbe et de la vie luxurieuse desquels
sort une fumée , à raison de quoi ils sont abominables à tous , aux anges au
ciel , et aux amis de Dieu en terre . Le pape peut amender en plusieurs évêques
tous ces débordement , permettant à un chacun d’avoir seulement le nécessaire et
non le superflu , et qu’il commande aux évêques d’avoir soin de la vie des
prêtres et de les tenir continents ; qu’il les prive de leur prébendes, s’ils ne
s’amendent.
Certainement ,Dieu aime plutôt qu’en ce lieu il n’y ait point de messes , que si
des mains polluées touchent le corps de Dieu.
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