Le Fils de Dieu dit : Je suis semblable au seigneur, qui, combattant fidèlement
en la terre dès son pèlerinage, retourne avec joie en sa terre natale. Ce
seigneur a un trésor grandement réjouissent, les tristes s’en consolent, les
infirmes s’affermissent, et les morts ressuscitent. Mais afin que ce trésor fût
honnêtement et assurément gardé, on a fait et parfait une maison en magnificence
et en gloire, ayant une hauteur décente, et sept degrés par lesquels on montait
à icelle et au trésor. Or, Dieu a donné ce trésor à voir à ses serviteurs, à le
ménager fidèlement et à le garder purement, afin que la charité du seigneur fût
approuvée envers ses serviteurs, et la fidélité des serviteurs envers le
seigneur. Or, quelque temps s’étant écoulé, on commença à mépriser le trésor ;
on fréquentait rarement la maison ; les gardiens s’attiédirent, et on négligeait
l’amour de Dieu.
Lors le seigneur, prenant conseil de ses familiers, leur demanda ce qu’il
fallait faire sur une si grande ingratitude. Un d’eux dit : Il est écrit que les
juges et gardiens du peuple, étant négligents, doivent être pendus, le visage
tourné au soleil ; mais la miséricorde est à vous et en vous, et le jugement
aussi ; mais bous pardonnez à tous, car tout est à vous, et vous faites
miséricorde à tous.
Je suis ce seigneur, qui ai apparu en terre par humilité comme un pèlerin, étant
néanmoins puissant en la terre et au ciel selon la Déité ; car en vérité, j’ai
eu en terre un si grand combat que tous les nerfs de mes mains et de mes pieds
étaient rompus pour le salut des âmes . Et laissant le monde et montant au ciel,
d’où je ne suis jamais parti selon ma Déité, j’ai laissé au monde un mémorial
très digne, savoir mon corps très saint ; car comme la loi ancienne se
glorifiait de l’arche, de la manne, des tables du testament, et autres
cérémonies, de même l’homme nouveau se réjouit d’une loi nouvelle, savoir, de
mon corps crucifié, qui était figuré en la loi. Mais afin que mon corps fût en
gloire et honneur, j’ai institué la maison de la sainte Église, où il serait
gardé et conservé. Les prêtres sont ses gardiens spéciaux, qui sont en quelque
manière en excellence par-dessus les anges, car celui que les anges craignent de
toucher par une crainte de révérence, c’est celui-là même que les prêtres
touchent de leurs mains et de leur bouche.
J’ai aussi honoré les prêtres de sept sortes d’honneurs comme d’autant de degrés:
1-ils doivent porter la marque de prêtrise, et être mes signalés amis par la
pureté de l’esprit et du corps, car la pureté est le premier degré pour aller à
Dieu, à qui rien de corrompu ne convient ; car si aux prêtres de la loi était
permis l’usage du mariage, tandis qu’ils ne sacrifiaient pas, ce n’est pas de
merveille, car eux n’avaient que l’écorce et non le noyau. Or, la figure ayant
cessé par l’arrivée de la vérité, il faut qu’ils s’adonnent tous à la pureté,
car le noyau est plus doux que l’écorce. En signe de cette continence, on leur
coupe les cheveux, afin que la volupté ne domine la chair ni l’esprit.
2. Les clercs sont institués pour qu’ils soient hommes angéliques par toute
sorte d’humilité, d’autant que, par l’humilité de corps et d’esprit, on pénètre
le ciel, et la superbe du diable est surmontée ; et en ce degré, les prêtres
sont établis pour chasser les diables, car l’homme humble est élevé au ciel,
d’où la superbe a fait tomber le diable.
3. Les prêtres sont ordonnés, parce qu’ils doivent être disciples de Dieu par la
continuelle lecture de l’Écriture sainte ; c’est pourquoi elle leur est donnée
par les prêtres, comme l’épée au soldat, afin qu’ils sachent ce qu’il faut
faire, et qu’ils tâchent d’apaiser l’ire de Dieu par l’oraison et par la
méditation, afin que le peuple ne périsse.
4.Les prêtres sont institués gardiens du temple de Dieu et spéculateurs des âmes
; c’est pourquoi l’évêque leur donne les clefs, afin qu’ils soient soigneux du
salut des âmes de leurs frères, qu’ils les avancent par paroles et par exemples,
et qu’ils incitent les infirmes à ce qu’il y a de plus parfait.
5. Ils sont établis dispensateurs et curateurs de l’autel, afin que, servant à
l’autel, ils vivent de l’autel, et qu’ils ne s’occupent aucunement en terre, si
ce n’est à ce qui concerne leur charge ecclésiastique.
6-Ils sont ordonnés pour qu’ils soient hommes apostoliques, prêchant la vérité
évangélique, conformant leurs mœurs à ce qu’ils prêchent.
7- Ils sont institués afin qu’ils soient médiateurs entre Dieu et l’homme, par
le sacrifice de mon corps. En ce degré, les prêtres sont en quelque manière
au-dessus de la dignité des anges.
Or, maintenant, je me plains que tous ces degrés sont grandement dissipés, car
la superbe est aimée au lieu de l’humilité, l’impureté au lieu de la continence.
On en s’entend plus aux livres de Dieu, mais à ceux du monde. La négligence
paraît aux autels ; la sapience divine est réputée folie. On ne se soucie point
du salut des âmes, ni tout cela ne leur suffit pas, mais encore ils jettent mes
vêtements et méprisent mes armes.
Certainement j’ai montré à Moïse en la montagne de Sinaï, les vêtements dont les
prêtres se devaient servir, non pas qu’en la céleste habitation de Dieu, il y
ait quelque chose de matériel, mais d’autant que nous ne pouvons comprendre les
choses spirituelles sans les matérielles. C’est pourquoi je montre ce qui est
spirituel par le corporel, afin qu’on sache combien la pureté est requise à ceux
ont la même vérité, et non la figure, savoir est mon corps, si ceux qui
portaient l’ombre de ce corps et la figure de cette vérité avaient tant de
pureté et de révérence.
Mais pour quelle fin ai-je montré à Moïse un si grand éclat d’habillements
matériels, si ce n’est afin que, par eux, on comprît l’éclat et la beauté de
l’âme ? car comme les vêtements du prêtre sont au nombre de sept, de même l’âme
qui s’approche du corps de Dieu doit avoir sept vertus, sans lesquelles il n’y a
point de salut.
Donc, le premier vêtement de l’âme est la contrition de ses péchés ;
le deuxième, l’amour de Dieu et de la chasteté,
le troisième, le labeur pour l’honneur de Dieu et la patience en l’adversité ;
le quatrième, ne se soucier ni du blâme ni des louanges des hommes, mais de
l’honneur de Dieu ; le cinquième, l’abstinence de la chair avec vraie humilité ;
le sixième, penser aux bienfaits de Dieu et avoir crainte de ses jugements ;
le septième, ce sont la charité et l’amour de Dieu sur toutes choses, et la
persévérance en ce qu’on a commencé.
Or, maintenant, ces vêtements sont bien changés et méprisés, car en vérité, on
aime à s’excuser, à se justifier, à rendre ses fautes légères, au lieu de se
confesser simplement. On aime les continuelles cajoleries au lieu de chasteté :
le labeur de l’utilité corporelle, au lieu du soin du salut des âmes ;
l’ambition et la superbe du monde, au lieu de l’honneur et de l’amour du monde ;
la superfluité en toutes choses, au lieu de la sobriété louable en toutes choses
; la présomption et le jugement des jugements de Dieu, au lieu de la crainte de
Dieu, et l’ingratitude des clercs est sur tous, au lieu de l’amour de Dieu sur
toutes choses. Partant, je viendrai en mon indignation, comme j’ai dit par mon
prophète, et la tribulation leur donnera d’esprit.
Lors la Mère de miséricorde, assistant là, dit : Béni soyez-vous, mon Fils ! Je
vous parle par mon droit et justice. Vous savez toutes choses. Je vous prie pour
cette épouse, à laquelle vous vouliez faire entendre les choses spirituelles, ce
qu’elle ne peut pourtant, si vous ne lui donnez des similitudes matérielles :
donnez-lui-en quelques-unes, car vous avez dit en votre Déité, avant que vous
eussiez reçu de moi l’humanité, que, s’il se trouvait dix hommes justes en une
cité, vous pardonneriez à toute la cité pour ces dix. Or, maintenant, il y a une
infinité de prêtres qui vous plaisent par les oblations de votre corps : faites
donc miséricorde à cause de ceux-là, à ceux qui ont peu de bien. Je vous prie
pour cela ; je vous en conjure par l’humanité, en laquelle je vous ai engendré ;
et tous vos élus vous demandent cela même avec moi.
Le Fils répondit : Bénie soyez-vous, et bénie soit la parole de votre bouche !
Vous voyez que je leur pardonne triplement, à raison d’un triple bien que
contient l’obligation de mon corps ; car comme de la présomption de Judas, trois
biens ont été manifestés en moi, de même trois biens proviennent aux âmes de
l’oblation de ce saint et auguste sacrifice. Enfin, ma puissance est louée,
1- de ce que, sachant que Judas me trahirait, je n’ai pas rejeté sa conversation
;
2- que ce traître étant présent, je les renversai tous de ma seule parole dans
le Jardin des olives, où ma puissance fut grandement manifestée ;
3- d’autant que je convertis toute sa malice et celle du diable au salut des
âmes, où ma sagesse et mon amour furent manifestés.
De même, trois biens proviennent de l’oblation des prêtres:
1- ma patience est louée de toute la milice céleste, car je suis le même entre
les mains d’un bon et d’un mauvais prêtre, d’autant qu’en moi il n’y a point
acception de personnes, ni les mérites des hommes ne font pas ce sacrement, mais
bien mes paroles.
2- Parce que cette oblation est utile à tous, quel que soit le prêtre qui
l’offre.
3.Attendu qu’elle profite aussi à ceux-là mêmes qui l’offrent, bien que mauvais,
car comme d’une même parole que je dis : JE SUIS, tous mes ennemis tombèrent à
la renverse, de même, ayant dit cette parole : CECI EST MON CORPS, les diables
s’enfuient, et cessent de tenter les âmes qui font ces saintes et sacrées
oblations, ni n’osèrent retourner à elles avec tant d’audace, si l’affection ne
s’ensuivait.
C’est pourquoi ma miséricorde pardonne à tous et les souffre tous ; mais ma
justice crie vengeance, d’autant que je crie toujours ; et combien plusieurs me
répondent, vous le voyez assez.
Néanmoins, j’enverrai encore ma parole : ceux qui l’écouteront accompliront et
consommeront leurs jours en joie si grande qu’on ne le peut dire ni penser à
raison de sa douceur ; mais ceux qui ne l’écouteront point, les sept plaies
arriveront à leurs âmes, comme il est écrit, et sept en leur corps, afin que,
lisant et considérant ce qui a été fait, ils frémissent d’horreur en les
expérimentant.
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