Quand quelque prêtre ensevelissait quelque mort qui avait demeuré trois ans et
demi gisant au lit, lors l’épouse ouït l’Esprit qui parlait en ces termes : Mon
ami, que faites-vous ? Pourquoi présumez-vous de toucher le mort, vu que vos
mains sont sanglantes ? Pourquoi criez-vous pour lui, puisque votre voix est
quasi comme celle des grenouilles ? Pourquoi présumez-vous d’apaiser le Juge
pour lui, vu que, par vos gestes, vous ressemblez plutôt à un joueur de farces
qu’à un prêtre dévot ? Partant, la vertu de mes paroles, et non vos paroles,
profitera au mort ; sa foi constante et sa longue patience l’introduiront à la
couronne.
D’ailleurs, le Saint-Esprit dit à l’épouse : Les mains de ce prêtre sont
sanglantes, car toutes ses œuvres sont charnelles, qui ne peuvent toucher le
mort, d’autant qu’elles ne peuvent aider de leurs mérites, mais bien par la
dignité du sacrement, car les bons prêtres profitent aux âmes en deux manières,
savoir : en vertu du corps de Notre-Seigneur et en vertu de l’amour dont ils
brûlent. Sa voix est quasi comme celle des grenouilles, car elle sort des œuvres
souillées ; tout sort de la volupté de la chair ; c’est pourquoi elle ne monte
pas à Dieu, qui veut être apaisé par une voix humble, par la confession et la
contrition.
Ses œuvres sont aussi comme celles des cajoleurs, car que font-ils autre chose,
sinon se conformer aux mœurs des mains ? Que chantent-ils autres choses, sinon :
Mangeons, buvons, et jouissons des délices pendant que nous vivons ? De même en
fait celui-ci, car il se conforme à tous en ses vêtements et en ses actions,
afin de plaire à tous par son pernicieux exemple et par son excès aux choses
superflues. Mangeons, buvons, et jouissons des délices en cette vie, car elles
sont les joies du Seigneur. Que notre force nous suffise pour arriver aux portes
de la gloire ; que s’il m’en défend l’entrée, je serai content de demeurer en la
porte de la gloire. Je ne veux point être parfait.
Cette voie est trop pénible, et cette vie est trop lourde et trop pesante ;
personne n’arrivera à la porte de la gloire, sinon celui qui sera parfait ou qui
sera purifié parfaitement ; et pas un ne possédera la gloire, sinon celui qui la
désire parfaitement, ou qui travaillera parfaitement à l’acquérir. Néanmoins,
moi Seigneur de toutes choses, j’entre dans ce prêtre, mais je n’y suis pas
enclos et caché ; j’y entre comme un époux ; j’en sors comme un juge qui doit
juger le mépris qu’il me fait en me recevant.
Partant, comme j’ai dit, je viendrai aux prêtres avec sept plaies, car ils
seront privés de toutes les choses qu’ils ont aimées ; ils seront jetés loin de
la présence de Dieu ; ils seront jugés en son ire ; ils seront donnés au diable
; ils souffriront sans repos ; ils seront méprisés de tous ; ils auront
nécessité de toutes choses, et seront assaillis de toute sorte de maux. De même
aussi ils seront affligés de sept autres maux corporels ; ils seront flagellés
comme Israël.
Partant, vous ne devez pas vous émerveiller si je souffre les mauvais, ou si
quelques choses indignes sont manifestées en mon saint sacrement, car je les
souffre jusqu’à la fin pour manifester ma patience et pour faire voir leur
détestable ingratitude. Vous ne devez pas non plus penser qu’une telle indignité
soit en mon corps, comme vous avez ouï du vomissement, mais ces espèces
sensibles montrent ce qu’elles sont, savoir, qu’elles peuvent cesser d’être, et
néanmoins, paraissant, elles marquent et découvrent au jour l’ingratitude des
hommes, et les font voir à tous indignes et coupables d’une sainte participation
et réception sacrée.
Derechef, l’Esprit dit à l’âme du mort : O âme, tressaillez de joie, car votre
foi vous a séparée du diable ; votre simplicité vous abrégera le long cours du
purgatoire ; votre patience vous a conduite aux portes de la gloire , et ma
miséricorde vous y introduira et vous couronnera.
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