Le Fils de Dieu parle à son épouse , disant : Il y avait deux sœurs , Marthe et
Marie , qui avaient un frère , le Lazare , que j’ai ressuscité , et qui ,
ressuscité , m’a plus servi qu’auparavant : de même ses sœurs , qui , bien
qu’elles fussent familières et soigneuses à me servir avant la résurrection de
leur frère , néanmoins en furent beaucoup plus soigneuses et dévotieuses après :
de même en ai-je fait avec vous spirituellement , car j’ai ressuscité votre
frère , c’est-à-dire , votre âme , laquelle , par quatre jours , étant morte et
puante , s’éloigna de moi par la transgression de mes commandements , par les
perverses cupidités , par la douceur du monde et par la délectation du péché .
Mais il y eut quatre choses qui m’émurent à ressusciter Lazare ;
1° d’autant qu’il était mon ami quand il vivait ;
2° l’amour que ses sœurs me portaient ;
3° parce que l’humilité de Marie mérita tant en me lavant les pieds ,car comme
elle s’était humiliée pour l’amour de moi en la présence de plusieurs qui
banquetaient ensemble , aussi elle se réjouit et fut honorée en la présence de
plusieurs ;
4° afin que la gloire de mon humanité fût manifestée.
Ces quatre choses n’ont pas été en vous , d’autant que vous aimez plus le monde
qu’elles . Partant , ma miséricorde est plus grande en vous que vous ne l’avez
mérité par aucun acte , comme ces sœurs; et certainement , cette miséricorde est
d’autant plus grande que la mort spirituelle est plus précieuse que la mort
corporelle , et que la résurrection de l’âme est plus glorieuse que celle du
corps.
D’autant donc que la miséricorde procède de vos œuvres et les prévient ,
retirez-moi , tous ainsi que ces sœurs-là , en la maison de votre esprit , avec
une charité très fervente , n’aimant pourtant rien que moi . Ayez en moi toute
votre confiance , vous humiliant avec Marie , pleurant tous les jours vos péchés
, n’ayant point eu soin de vivre humblement avec les superbes , d’être
continente et modeste avec les continents et les modestes , de montrer aux
autres évidemment combien intimement et intérieurement vous m’aimez ? Vous devez
aussi être , comme ces chères sœurs , un cœur et une âme , forte et généreuse
pour mépriser le monde , et prompte pour louer incessamment Dieu . Et si vous
faites de la sorte , moi , qui ai ressuscité votre frère , c’est-à-dire , votre
âme , je la défendrai , afin qu’elle ne soit tuée par les juifs cruels et impies
; car qu’aurait profité au Lazare d’être ressuscité de la mort présente , si ,
en vivant plus honnêtement en la vie mourante , il ne fût ressuscité plus
glorieux en la seconde vie éternelle et permanente?
Mais qui sont les Juifs qui cherchent pour faire mourir le Lazare , si ce n’est
ceux-là qui s’indignent de ce que vous vivez mieux qu’eux , qui ont appris à
dire des choses sublimes et à en faire peu , qui , suivant trop fidèlement les
faveurs des hommes , méprisent plus lâchement les faits de leur prédécesseurs
,d’autant que moins ils daignent contempler et entendre les choses Vraies et
suréminentes?
Tels , hélas ! sont plusieurs en nombre qui savent fort bien disputer des vertus
, mais non pas les pratiquer en vivant vertueusement . Partant , leurs âmes sont
en grand danger , car elles ont force paroles et peu d’effets . Mais quoi ! mes
prédicateurs n’en ont-ils pas fait de même ? Non certes , d’autant qu’en vérité
ils étaient tous prêts et disposés à donner leurs âmes pour leurs âmes ,
lorsqu’ils avertissaient les pécheurs , non avec des paroles sublimes , mais
humbles et charitables ; car l’ardeur de celui qui enseignait , formait plus
esprit de l’auditeur que les paroles . Or , maintenant , plusieurs parlent et
disent de moi et des choses sublimes et éminentes , mais pas un n’en suit le
fruit , d’autant que le souffle seul n’allume pas le bois , à moins que les
petites scintilles du feu n’y coopèrent.
Je vous garderai donc et vous protègerai de ces Juifs , afin que vous ne vous
retiriez de moi , ni par leurs paroles , ni par leurs actions . Je ne vous
défendrais pas néanmoins en telle sorte que vous ne pâtissiez rien , mais afin
que vous ne succombiez par puissance . Or , employez-y votre volonté , et moi ,
avec mon amour , j’allumerai vos désirs.
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