Ici sont les paroles de l'épouse à Jésus-Christ, qui manifestent la grande et magnifique miséricorde que Jésus-Christ a faite avec elle; et les paroles de Jésus-Christ à la même épouse, confirmant la même miséricorde en elle. En quelle manière il l'a élue un vase qui doit être rempli de vie, et par elle doit être donne à boire aux serviteurs de Dieu. De l'humble et agréable demande de l'épouse à Jésus-Christ.
Chapitre 77

Honneur et gloire à Dieu Tout-Puissant pour toutes les choses qu’il a créées ! Louange lui soit pour toute ses vertus ! Que le Ios lui en soit rendu et service pour toute la charité ! Moi (1) , indigne créature , qui , dès ma jeunesse , ai beaucoup offensé la divine bonté , je vous rends grâces , ô mon doux Jésus ! et pour cela singulièrement , d’autant qu’il n’y a créature si criminelle à qui vous refusiez votre miséricorde , qui vous la demande avec charité et vraie humilité, avec résolution de s’amender.

O mon très cher Jésus et le plus clément de tous ! ce que vous m’avez fait est admirable devant les yeux de tous , car quand il vous plaît , vous assoupissez mon corps , non pas toute fois avec un sommeil corporel , mais par une paix spirituelle . Or , vous m’excitez comme quasi du sommeil , pour voir , ouïr et sentir spirituellement . O Seigneur Dieu ! oh ! que douces sont vos paroles à ma bouche ! Il me semble que toutes fois et quand est que j’entends les paroles de votre Esprit , mon âme les engloutit en elle-même avec quelque sentiment ineffable de votre douceur signalée , comme une viande très douce qui semble tomber dans le cœur de mon corps avec une grande joie et une ineffable consolation . Néanmoins , cela me semble admirable que , quand j’entends vos paroles , je demeure rassasiée et affamée : je suis rassasiée , d’autant qu’alors rien ne me satisfait , si ce n’est vos paroles ; affamée , parce que mon appétit augment toujours.

Béni soyez-vous donc , ô Jésus-Christ , mon Dieu ! Donnez-moi , je vous supplie , le secours que je vous demande , afin que tous les jours de ma vie , je puisse faire ce qui vous est agréable.

(1) Sainte Brigitte.

Or , Notre-Seigneur répondit , disant : Je suis sans commencement et sans fin . Toutes choses sont créées de ma main toute-puissante , et disposées et réglées par mon inscrutable sapience ; mon jugement régit toutes choses , et rien ne met impossible . Et de fait , toutes mes œuvres sont disposées avec charité . Et partant , ce cœur est trop dur , qui ne veut m’aimez ni me craindre , puisque je suis nourricier de toutes choses et Juge . Or , le diable , qui est mon bourreau , est traité des hommes et servi , et on accomplit ses volontés . Enfin , ce diable a donné à boire au monde un venin si pestiféré et mortifère , que l’âme qui le goûte avec délectation ne saurait vivre , mais morte à la grâce , elle tombe misérablement dans l’enfer , pour vivre d’une mort animée de misères éternelles . Ce venin est le péché , qui , bien qu’il soit goûté de plusieurs au commencement, à la fin néanmoins est horriblement amer.

Certainement , ce venin est bu et reçu de la main du diable à toute heure avec délectation , qui engage aux malheurs : et qui a jamais ouï telles choses , ou quoi est plus admirable , voire étonnant ? La vie est présentée aux hommes , et ils choisissent misérablement la mort et embrassent volontairement les supplices éternels.

Mais moi (Jésus-Christ) , qui suis puissant sur toutes choses , je compatis à leurs misères et à leurs pressantes angoisses . J’ai fait comme un roi riche et charitable qui , envoyant à ses plus familiers serviteurs le vin le plus précieux , leur dirait : Buvez et donnez-en à boire à plusieurs , car il est très salutaire : il rend la santé aux malades , aux triste la consolation , et donne un cœur généreux aux hommes sains . On n’envoie point aussi le vin sans vase . Véritablement , j’en ai fait de même en ce royaume , car j’ai envoyé à mes serviteurs mes paroles , qui sont comparées au vin le plus précieux , et eux le donneront aux autres , d’autant qu’elles sont très bonnes et salutaires. Par le vase , j’entends vous-même , qui écoutez mes paroles , car vous avez fait l’un et l’autre ; car vous avez écouté et prêché mes paroles, attendu que vous êtes mon propre vase. Je le remplirai aussi quand je le voudrai, et j’y puiserai quand il me plaira . Et partant , mon Esprit vous montrera où vous devez aller , ce que vous devez dire . Et ne craigniez personne , si ce n’est moi ; mais vous devez aller avec joie là où je voudrai , et dire sans crainte ce que je vous enverrai dire , car rien ne me peut résister , et je veux demeurer avec vous.

L’épouse parlait après : Moi , qui est entendu cette voix , je répondis en ces termes avec larmes : O Seigneur , mon Dieu , je suis en votre puissance comme un petit ver. Je vous prie de me donner licence de vous répondre.
Or , la voix répondit , disant : J’ai connu votre épouse avant que vous l’ayez conçue . En vérité , je vous donne néanmoins licence de parler.

Lors l’épouse dit : Je vous le demande , ô Roi de gloire ! vous qui versez en nous la sapience , et qui opérez en nous toutes les vertus , vous êtes la vertu même , pourquoi me voulez-vous choisir pour un tel office et charge , moi qui ai consommé mon corps en péchés , qui suis , touchant la sagesse , semblable à l’âme débile et lâche pour l’exercice de toute sorte de vertus ? Ne vous courroucez pas , à raison de cela , contre moi , qui vous ai interrogé de la sorte , car il ne faut en rien se défier de vous, car vous pouvez faire tout ce que vous voulez de moi . Je m’étonne grandement , d’autant que je vous ai grandement offensé , et me suis amendée.

La voix répondit , disant : Certainement , je vous réponds par similitude : Si on présentait à un roi riche et puissant diverses monnaies , lesquelles le roi ferait fondre après et en ferait ce que bon lui semblerait , comme , par exemple , couronnes , anneaux , de la monnaie d’or , des vases à boire , de la monnaie d’argent , des chaudrons et des poêles , de la monnaie de cuivre et que le roi se servît de toutes ces choses pour son honneur et sa commodité ; puisque vous ne vous étonneriez pas qu’il en usât de la sorte , il ne faut donc pas que vous vous étonniez que je reçoive les cœurs de mes amis , quand ils me sont franchement offert par eux-mêmes , faisant d’eux tout ce que bon me semble ; et bien que quelques-uns aient un plus grand sens , d’autres un sens moindre , néanmoins , quand il me présentent leur cœur , lors je me sers des uns pour une chose , des autre pour une autre , de tous néanmoins pour mon honneur et pour ma gloire , car le cœur du juste est une monnaie qui me plaît grandement ; et partant , je puis disposer des choses qui sont à moi comme je veux ; et puisque vous êtes à moi , vous ne devez vous étonner des choses que je veux faire avec vous , mais soyez constante et ferme pour soutenir , et volontaire pour faire tout ce que je vous commanderai , car je suis puissant en tous lieux pour vous donner tout ce qui vous est nécessaire.