J’ai , veuve , signifié à votre honorable paternité quelque choses qui ont été
révélées , quelques choses grandement prodigieuses , lorsque cette personne
était en son pays , choses qui ont été examinées diligemment et approuvées par
des évêques , par des prêtres séculiers et par des moines , qui tous ont dit
avoir procédé d’une pensée et merveilleuse influence du Saint-Esprit , ce que le
roi et la reine de ce pays-là ont aussi connu par des raisons très probables.
La même femme veuve , étant assez incommodément à la ville de Rome , un jour en
l’Eglise de sainte Marie-Majeure , occupée en oraison , fut ravie en une vision
spirituelle , son corps étant comme malade et appesanti , non pas toutefois
qu’elle fût plongée dans le sommeil.
En cette heure-là lui apparut quelque très révérende vierge . Mais cette femme ,
étant troublée de l’admiration de la vision , connaissant sa fragilité ,
craignait la déception de Satan , c’est pourquoi elle suppliait intimement la
divine piété q’elle ne permît point qu’elle tombât dans les tourments du diable
. La Vierge donc qui lui apparaissait , lui dit : Ne craignez point ce que vous
voyez , et oyez maintenant , pensant que cela soit du malin esprit ; car comme
de l’approche du soleil deux choses nous arrivent , savoir , la lumière et la
chaleur qui ne suivent jamais , mais chassent les ombres épaisses , de même
quand le Saint-Esprit est en une âme , deux choses arrivent en son cœur , savoir
, l’ardeur de la divine charité et la parfaite lumière de la foi catholique . Or
, vous sentez ces deux choses en vous , de sorte que vous n’aimez rien tant que
Dieu , et il ne vous manque pas un seul point de l’intégrité de la foi . Mais le
malin esprit qui est comparé aux ombres épaisses et palpables , ne suit pas ses
deux choses.
Après , la même vierge ajouta , disant à la même femme : Vous devez envoyer de
ma part mes paroles à un tel prélat.
La femme lui répondit avec un grand regret au cœur , disant : O ma révérende
vierge , il ne me croira pas , mais , comme je pense , il aura mes paroles à
risée plutôt que de les estimer être de la divine vérité.
La Vierge répondit , disant : Quoique je connaisse fort bien la disposition de
son cœur et la réponse qu’il fera , et la fin de sa vie , néanmoins vous lui
devez envoyer mes paroles.
Certainement , Je lui fais connaître que , du côté droit de l’Eglise , le fondement est
grandement ruiné , de sorte que la voûte menace de si grandes ruines périlleuses
que plusieurs y perdront leur vie . La plus grande partie des colonnes qui
tendaient en haut , sont maintenant toutes courbées en bas jusqu’à terre , et
tout le pavé est tellement fossoyé que les aveugles qui y entrent tombent avec
grand danger ; voire même cela arrive souvent à ceux qui voient clair , à raison
des fosses dudit pavé ; et pour toutes ces choses , l’Eglise de Dieu est en de
grand dangers . Et que doit-il résulter de là ? Soudain on le verra , car
certainement , elle souffrira une ruine totale , si on ne la répare ; et sa
ruine sera si grande qu’elle sera ouï par toute la chrétienté , et ces choses
doivent être entendues spirituellement.
Quand à moi , je suis cette Vierge au ventre de laquelle le Fils de Dieu a
daigné venir avec la Déité et le Saint-Esprit , sans aucune mauvaise délectation
corporelle . Et celui qui est Fils de Dieu éternel est né de mon ventre sans
rupture , avec la Déité de l’humanité , et le Saint-Esprit avec une grande
consolation et sans peine.
J’ai aussi demeuré auprès de la croix , quand lui surmontait l’enfer avec la
vraie patience , et ouvrait le ciel avec le sang de son cœur . Véritablement
j’étais en la montagne , quand le même Fils de Dieu, qui en vérité est mon Fils
, montait au ciel. Enfin , j’ai connu clairement toute la foi catholique ,
laquelle il a enseignée en évangélisant tous ceux qui veulent entrer dans le
ciel.
Je demeure donc au monde avec mon oraison assidue envers mon très cher Fils ,
comme l’arc sur les nuées du ciel , qui semble s’abaisser jusques à la terre et
la toucher de ses deux bouts . Partant , j’entends moi-même ; et de fait , je
m’abaisse aux habitants de l’univers , savoir , en les touchant des deux bouts
de mon oraison , savoir , les bons et les mauvais . Je m’abaisse aux bons , afin
qu’ils soient constants et fermés en tout ce que la Sainte Mère l’Eglise
commande , et aux mauvais , afin qu’ils n’avancent en leur malice et ne se
rendent pires.
Je signifie donc à ceux auxquels j’envoie mes paroles , que d’une partie de la
terre sortent des nuées très horribles contre l’éclat de la beauté de l’arc ,
par lesquelles j’entends les hommes incontinents et les insatiables richesses ,
comme la mer des ruisseaux , qui donnent aussi les biens prodigalement et
irraisonnablement pour la pompe mondaine et pour la vanité , comme un torrent
épand son eau en son impétuosité.
Les pourvoyeurs de la sainte Mère l’Eglise exercent d’ordinaire ces trois
horribles forfaits , dont les péchés abominables montent au ciel , et s’élèvent
de la terre devant Dieu comme des nuées pour noircir et offusquer l’éclat
signalé et la beauté nom pareille de mon arc ; et de la sorte , ceux qui
devaient avec moi apaiser Dieu , provoquent misérablement sur leur tête l’ire et
l’indignation d’un Dieu tout-puissant , et telle sorte de gens ne devraient pas
être rehaussés et loués dans l’Eglise ,mais bien être déprimés.
Que quiconque donc voudra avoir soin que les fondements de l’Eglise demeurent
fermes et stables , et que le pavé demeurent plein et égal par un bon et nouvel
établissement , désire ardemment de renouveler cette bienheureuse vigne que
Jésus a plantée et arrosée de son sang . Que s’il se croit pour cela insuffisant
et incapable , moi , Reine du ciel , avec toutes les troupes des anges ,
viendrai à son aide et secours , arrachant les racines fabuleuses , coupant les
arbres infructueux pour les brûler , et plantant en leur lieux des arbres
fructueux . Par la vigne , j’entends notre Mère la sainte Eglise , en laquelle
il faudrait renouveler dans les cœurs de ses enfants l’humilité et la charité.
Cette vierge glorieuse qui apparut à cette femme , a commandé de vous envoyer
ceci par écrit , d’où votre révérende paternité pourra connaître que moi , qui
envoie la présente lettre , jure par le vrai Jésus et le Dieu tout-puissant , et
par sa très digne Mère Marie , voulant qu’ils m’aident de la sorte au corps et à
l’âme , comme je n’ai envoyé cette lettre pour quelque honneur du monde , pour
quelque cupidité , ou pour quelque faveur mondaine . Mais entre autres choses
qui ont été dites à la même femme en cette révélation spirituelle , toutes les
choses qui sont écrites en ce papier , on m’a commandé de les envoyer à votre
dignité.
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