Notre-Seigneur Jésus-Christ parle à l’épouse, disant qu’elle le doit aimer comme le bon serviteur aime son maître, comme un bon fils aime son père, et comme aime son mari une femme fidèle, qui ne doit jamais se séparer de lui. Il explique les choses susdites spirituellement et généreusement.
Chapitre 83

Le Fils du Père éternel, engendré avant le temps, parle à sainte Brigitte en ces termes : Je vous aime comme un bon maître aime son serviteur, comme un père chérit son fils, et comme un époux est plein de dilection envers son épouse, car le maître dit à serviteur : Je vous donnerai les vêtements, une nourriture convenable et un labeur modéré. Le père dit à son fils : Tout ce que j’ai est à vous. L’époux dit à l’épouse : Mon repos est en votre repos, et ma consolation est la vôtre.

Que répondront donc ces trois à une si grande dilection ? Certainement, si le serviteur est bon, il dira à son maître : Je suis de condition servile : j’aime mieux vous servir qu’en servir un autre. Et le fils dira à son père : D’autant que j’ai tout bien de vous, c’est pourquoi je ne veux être séparé de vous. Mais l’épouse dira à son époux : D’autant que je suis nourrie et sustentée par vos infatigables travaux, que j’ai la chaleur de votre poitrine et la douceur de vos paroles, partant, j’aime mieux mourir que me séparer de vous.

Or, moi, qui suis votre Seigneur, je suis cet époux, et l’âme est mon épouse, qui se doit consoler en moi, qui suis son centre et son repos, et se réfectionner de la viande divine, qui donne la force de vouloir plutôt mourir et souffrir toute sorte de tourments que de se séparer de moi, car sans moi, elle n’a ni consolation ni honneur.

Mais deux choses sont requises au mariage sacré :
1- des biens d’où les mariés se puissent sustenter ;
2- un fils qui reçoive leur héritage, et que le serviteur soit pour obéir, car comme nous lisons : Abraham se troublait, parce qu’il n’avait pas un fils; or, l’âme a lors des biens pour se sustenter, quand elle est pleine de vertus ; elle a aussi un fils, quand elle a la vertu de discrétion, quand elle a raison de discerner les vertus des vices, et quand elle discerne cela même selon Dieu ; elle a aussi un serviteur, c’est-à-dire, l’affection charnelle, qui ne vit point selon la concupiscence de la chair, mais comme il est expédient et convenable au corps et selon que l’âme avance en la perfection.

Je vous aime donc comme un époux son épouse, car mon repos est votre repos. Partant, vous devez plus franchement souffrir toute sorte de tribulations que me provoquer à ire et à indignation. Je vous chéris aussi comme un père son fils, d’autant que je vous ai donné la discrétion et la franche volonté. Je vous aime aussi comme un maître son serviteur, à qui j’ai commandé d’avoir les choses nécessaires avec modération, et le labeur avec tempérament. Mais ce serviteur, c’est-à-dire, le corps, est si insensé qu’il veut plutôt servir le diable que moi, bien que le diable ne lui donne jamais ni repos ni relâche des sollicitudes du monde.