Le Fils du Père éternel, engendré avant le temps, parle à sainte Brigitte en ces
termes : Je vous aime comme un bon maître aime son serviteur, comme un père
chérit son fils, et comme un époux est plein de dilection envers son épouse, car
le maître dit à serviteur : Je vous donnerai les vêtements, une nourriture
convenable et un labeur modéré. Le père dit à son fils : Tout ce que j’ai est à
vous. L’époux dit à l’épouse : Mon repos est en votre repos, et ma consolation
est la vôtre.
Que répondront donc ces trois à une si grande dilection ? Certainement, si le
serviteur est bon, il dira à son maître : Je suis de condition servile : j’aime
mieux vous servir qu’en servir un autre. Et le fils dira à son père : D’autant
que j’ai tout bien de vous, c’est pourquoi je ne veux être séparé de vous. Mais
l’épouse dira à son époux : D’autant que je suis nourrie et sustentée par vos
infatigables travaux, que j’ai la chaleur de votre poitrine et la douceur de vos
paroles, partant, j’aime mieux mourir que me séparer de vous.
Or, moi, qui suis votre Seigneur, je suis cet époux, et l’âme est mon épouse,
qui se doit consoler en moi, qui suis son centre et son repos, et se
réfectionner de la viande divine, qui donne la force de vouloir plutôt mourir et
souffrir toute sorte de tourments que de se séparer de moi, car sans moi, elle
n’a ni consolation ni honneur.
Mais deux choses sont requises au mariage sacré :
1- des biens d’où les mariés se puissent sustenter ;
2- un fils qui reçoive leur héritage, et que le serviteur soit pour obéir, car
comme nous lisons : Abraham se troublait, parce qu’il n’avait pas un fils; or,
l’âme a lors des biens pour se sustenter, quand elle est pleine de vertus ; elle
a aussi un fils, quand elle a la vertu de discrétion, quand elle a raison de
discerner les vertus des vices, et quand elle discerne cela même selon Dieu ;
elle a aussi un serviteur, c’est-à-dire, l’affection charnelle, qui ne vit point
selon la concupiscence de la chair, mais comme il est expédient et convenable au
corps et selon que l’âme avance en la perfection.
Je vous aime donc comme un époux son épouse, car mon repos est votre repos.
Partant, vous devez plus franchement souffrir toute sorte de tribulations que me
provoquer à ire et à indignation. Je vous chéris aussi comme un père son fils,
d’autant que je vous ai donné la discrétion et la franche volonté. Je vous aime
aussi comme un maître son serviteur, à qui j’ai commandé d’avoir les choses
nécessaires avec modération, et le labeur avec tempérament. Mais ce serviteur,
c’est-à-dire, le corps, est si insensé qu’il veut plutôt servir le diable que
moi, bien que le diable ne lui donne jamais ni repos ni relâche des sollicitudes
du monde.
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