Le Fils du Père éternel, la splendeur de la gloire, parle à son épouse en ces
termes : Je vous ai dit en premier lieu que vous devez avoir les yeux clairs et
sereins, afin que vous voyiez les maux que vous avez faits et le bien que vous
avez omis ; que votre bouche, c’est-à-dire, votre esprit, soit sans aucune tache
; les lèvres sont les deux désirs, l’un de quitter tout pour l’amour de moi,
l’autre la volonté de demeurer avec moi, et que ces lèvres soient de couleur
rouge, qui est la plus décente des couleurs et qui se voit de plus loin. Or, la
couleur signifie beauté, et toute beauté et éclat sont en la vertu, car cela est
plus acceptable et agréable à Dieu, quand on lui offre ce que les hommes aiment
le plus et dont les âmes prennent un plus grand et juste sujet d’édification.
Il faut donc donner à Dieu ce que l’homme a de plus cher, soit en effet, soit en
œuvre. Partant, on lit que Dieu s’est réjoui de la perfection de ses œuvres : de
même Dieu se réjouit quand l’homme s’offre tout à lui, voulant être
indifféremment, selon les volontés divines, en supplice ou en joie. Les bras
doivent être légers et flexibles à l’honneur et à la gloire de Dieu. Donc, le
bras gauche est la considération des biens et bénéfices dont je vous ai
enrichie, vous créant du néant, vous rachetant par le prix de mon sang, et la
pensée de vos insupportables ingratitudes. Mais le bras droit est la dilection
si fervente à mon endroit, que vous aimeriez mieux endurer les tourments durs et
cruels, que de me perdre et de me provoquer à ire et à indignation. Entre ces
deux bras je me repose franchement, et votre cœur sera mon cœur, car je suis
comme un feu de la divine dilection, et partant, je veux être là aimé avec plus
de ferveur.
Or, les ôtes qui défendent votre cœur sont les parents, non charnels, mais mes
chers élus, lesquels vous devez aimer comme moi et plus que les parents
charnels, car de fait, ils sont vos parents qui vous ont régénérée à la vie
éternelle. Or, la peau de l’âme doit être si belle qu’elle n’ait aucune
souillure. Par la peau, on entend le prochain. Si vous aimez le prochain comme
vous-même, mon amour et celui de tous mes saints seront gardés inviolables en
vous ; que si vous le haïssez, le cœur est lésé, et les côtés seront dénuées de
la chair, c’est-à-dire, l’amour de mes saints sera moindre en vous. La peau ne
doit avoir aucune tache, d’autant que vous ne devez point haïr le prochain, mais
l’aimer selon Dieu, car lors mon cœur est sain avec votre cœur.
D’ailleurs, je vous ai dit ci-devant que je veux être aimé avec beaucoup de
ferveur, d’autant que je suis le feu de la divine dilection, car en mon feu, il
y a trois merveilles :
la première est que ce feu brûle et ne s’allume jamais ;
la deuxième, il ne s’éteint point ;
la troisième, qu’il brûle incessamment et n’est jamais consumé.
De même, ma charité du commencement était si ardente envers l’homme né de ma
Déité, qu’elle brûla plus en l’assomption de l’humanité, et brûle tellement
qu’elle ne s’éteindra jamais : mais elle rend l’âme plus fervente et ne la
consume pas, mais elle la fortifie et l’affermit de plus en plus, comme vous le
pourrez colliger du phénix, qui, étant en ses dernières années, amasse de
petites bûchettes en une montagne très-haute, et ces bûchettes étant allumées
par la chaleur du soleil, il se jette dans le feu, et étant consumé par le feu,
il revit : de même l’âme qui est embrasée des feux du divin amour, est d’elle
comme un autre phénix meilleur et plus fort.
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