Jésus-Christ, parlant à son épouse, lui dit que toutes choses créées ont été à sa volonté, excepté les hommes. Il lui dit aussi qu’il y a trois sortes de personnes au monde qui sont comparées à trois navires flottants en mer, l’un desquels est en danger de faire naufrage ; le deuxième chancelle sur les vagues, lorsque le troisième jouit du calme.
Chapitre 88

L’Engendré de toute éternité dans le sein du Père, et l’engendré dans le sein de la Mère dans le temps, Jésus-Christ parle en ces termes : Je suis le créateur des esprits bons et mauvais. Je suis aussi le conducteur et le modérateur de tous les esprits. Je suis encore créateur de tous les animaux et des choses qui ont l’être, et non la vie. Partant, tout ce qui est compris dans le pourpris de l’univers, et toutes choses font ma volonté, excepté l’homme seul.

Sachez aussi qu’il y a des hommes qui sont comme des navires qui ont perdu le gouvernail et le mât, qui vaguent ça et là à la merci des flots agités par les tempêtes de la mer, jusqu’à ce qu’ils soient arrivés au rivage des îles de la mort. En ce navire sont tous ceux qui se jettent et s’abandonnent comme quasi au désespoir et à toute sorte de voluptés.

D’autres hommes sont comme des navires qui ont encore le mât, un gouvernail et une ancre avec deux cordes. Mais l’ancre principale est rompue, et le gouvernail est bientôt fracassé, si les impétuosités des vagues se mettent entre le navire et le gouvernail. Qu’on y prenne donc garde, car tant que le gouvernail et le navire sont unis ensemble, ils ont comme quelque chaleur entre eux. Le troisième navire a tout ce qui est requis pour voguer et cingler quand on voudra.

La première ancre dont nous avons parlé ci-dessus est la discipline de la religion, qui est soulagée par la patience et la ferveur de la divine dilection. Il est maintenant défait et rompu, d’autant que l’institution et l’instruction des Pères est maintenant foulée aux pieds ; ce qui leur semble utile, ils ont cela pour religion, et de la sorte, ils sont changeants et inconstants comme le navire au milieu des flots.

La deuxième ancre, qui est encore saine, comme j’ai dit ci-dessus, est la volonté de servir Dieu, liée avec deux cordes par l’espérance et la foi, d’autant qu’ils me croient Dieu et s’appuient en moi, croyant que je les veux sauver. Je suis le gouvernail de ceux-là : tant que je serai en leur navire, les flots et les orages n’y entreront point, et il y a entre eux et moi quelque chaleur.

Or, lors je suis uni au navire d’iceux, quand eux n’aiment rien tant que moi ; je suis lors comme attaché à eux comme par trois clous, savoir, par la crainte, l’humilité, et la considération de mes œuvres. Mais que, s’ils aiment quelque chose plus que moi, lors l’eau de dissolution est entrée en eux, et lors les trois clous sont arrachés, savoir, la crainte, l’humilité et la divine considération ; lors l’ancre de la bonne volonté est rompue, et les cordes de la foi et de l’espérance ferme sont coupées. Mais ceux qui voguent en ce navire sont grandement inconstants, et partant, ils avancent chemin aux écueils et aux dangers.
Dans le troisième navire dont j’ai parlé, qui avait tout ce qui était utile et nécessaire pour voguer, sont mes très chers et fidèles amis.