L’ange parle a l’épouse du jugement de la justice divine contre l’âme susdite , et de la satisfaction qu’il fallait faire en cette vie pour elle , qui était au purgatoire.
Chapitre 9

L’ange parle encore : Vous avez ouï que , pour les prières des amis de Dieu , cette âme avait obtenu la contrition amoureuse de ses péchés , quelque peu de temps avant de mourir , laquelle contrition l’arracha de l’enfer . C’est pourquoi la justice divine a jugé qu’après la mort , elle devait brûler dans le purgatoire durant six âges (1) , qu’elle a eus depuis l’heure où elle commit sciemment le premier péché mortel , jusqu’à ce que , par la divine charité , elle fit pénitence fructueuse , qu’elle en obtint de Dieu la grâce de la faire par les prières des amis de Dieu.

Le premier âge donc a été qu’elle n’a pas aimé Dieu , de ce que Jésus-Christ avait enduré en son précieux corps tant de peines et de tribulations , voire la mort pour le salut des âmes.
La deuxième fut qu’elle n’aima pas son âme comme un chrétien doit , ni ne rendit pas grâces à Dieu du baptême , et de ce qu’elle n’était ni juive ni païenne.

Son troisième âge fut d’autant qu’elle sut bien ce que Dieu avait commandé de faire , mais elle eut peu d’affection à le parfaire.
Le quatrième âges fut qu’elle sut bien ce que Dieu défend à ceux qui veulent aller au ciel , et impudemment elle se porta contre cela , suivant , non la syndérèse et remord de la conscience , mais bien sa volonté et ses affections brutales.

(1) Jusques au jour du jugement universel , qui se fera le sixième âge.

L’âge cinquième fut qu’elle ne s’est pas servie comme il faut de la grâce et de la confession , en différant si longtemps .
Le sixième âge fut qu’elle se souciait peu du corps de Jésus-Christ , ne le voulant recevoir souvent , car elle ne voulait quitter ses péchés , ni n’eut amour à sa réception avant la fin de sa vie .

Après ceci , apparut quelqu’un comme un homme grandement modeste en sa vue , les vêtements duquel étaient blancs et éclatants , une étole rouge au col et sous ses bras , qui commençait ses paroles en cette manière : vous qui voyez ceci , considérez , remarquez et retenez en votre mémoire tout ce que vous entendez et tout ce qu’on vous dit , car vous qui êtes vivants au monde , ne pouvez en cette manière entendre et concevoir la puissance de Dieu , et ce qu’il a ordonné avant le temps , comme nous qui sommes avec lui , car ce qui se fait en Dieu en un instant , cela ne peut être compris de vous , si ce n’est par paroles et similitudes conformes aux façons du monde .

Je suis donc de ceux que cet homme , jugé au purgatoire , honorait de ses dons pendant qu’il vivait ; c’est pourquoi Dieu ma donné par sa grâce , que si quelqu’un voulait faire ce dont je les avertis , lors cette âme serait transférée en un lieu plus sublime , où elle recouvrerait sa vraie forme , et ne sentirait autre peine que comme celui qui aurait eu une grande maladie et serait exempt de toute sorte de douleurs, et serait gisant comme un homme sans forces .

Néanmoins il se réjouirait , d’autant qu’il saurait certainement qu’il parviendra à la vie éternelle Partant , comme vous avez ouï que cette âme a crié cinq fois : Malheur ! c’est pourquoi je lui dis cinq choses de consolation .

Le premier malheur fut qu’elle aima peu Dieu . Partant , afin qu’elle soit affranchie , qu’on célèbre trente messes , dans lesquelles on offre le sang de Notre-Seigneur , et que Dieu y soit plus honoré .
Le deuxième malheur fut qu’elle n’eut crainte de Dieu ; c’est pourquoi , pour la délivrer de la peine , qu’on choisisse trente prêtres dévots selon le jugement des hommes , et que chacun d’eux dise , quand il le pourra , trente messes : neuf des martyrs , neuf des confesseurs , neuf de tous les saints , vingt-huit des anges , vingt-neuf de la Sainte Vierge , et la trentième de la sainte Trinité , et que tous prient pour l’intention d’icelle , afin que l’ire de Dieu soit apaisée ,et que sa justice soit fléchie à la miséricorde.

Le troisième malheur fut pour sa superbe et sa cupidité . Partant , pour abolir ce crime , qu’on prenne trente pauvres , desquels on lave les pieds avec humilité , et qu’on leur donne à manger , argent , vêtement , pour leur consolation : et tant celui qui les lave que celui qui est lavé , prient Dieu humblement , afin que , par humilité et la passion de Jésus , il pardonne à l’âme la superbe et la cupidité qu’il a commises.

Le quatrième malheur fut à raison de la volupté lubrique . Partant , si quelqu’un donnait pour faire entrer une vierge en un monastère et une veuve aussi , et pour marier une fille , leur donnant à toutes autant qu’il en serait besoin pour leur vivre et pour leur vêtement , lors Dieu pardonnerait le péché qu’elle a commis en chair , car ce sont les trois voies de vie que Dieu a établies et élues en ce monde .

Le cinquième malheur fut de ce qu’il avait commis plusieurs péchés au dommage et affliction de plusieurs , savoir , quand il employa toutes ses forces pour que deux proches parents se mariassent ensemble , ce qu’il fit plus en sa propre considération que pour l’utilité du royaume , faisant cela sans permission du pape contre l’ordre louable de la sainte Eglise .

Pour ce fait , il y a eu plusieurs martyrs , ne voulant souffrir qu’un tel acte se fit contre Dieu , contre l’Eglise et contre les mœurs et coutumes chrétiennes : disant que si quelqu’un voulait absoudre un tel péché , il fallait aller au pape , disant qu’un homme a commis un tel péché , sans nommer la personne ; et néanmoins , à la fin , il s’en repentit et en obtint l’absolution , la faute n’est pas amendée .

Imposez-moi donc telle pénitence que vous voudrez , pourvu que je la puisse porter , car je suis prêt à amender pour lui le péché.
Vraiment , si l’on n’eût imposé à celui-ci qu’un Pater noster , il aurait profité pour la diminution de la peine du purgatoire.