Jésus-Christ parle à son épouse, lui commandant trois choses : 1° qu’elle ne désire que la vie et le vêtement; 2° qu’elle ne désire les choses spirituelles, si ce n’est selon les volontés divines; 3° qu’elle ne s’attriste de rien, si ce n’est de ses péchés et de ceux d’autrui. Il dit encore que ceux qui n’ont pas voulu amender leurs péchés par la pénitence, seront rudement punis au jugement divin.
Chapitre 93

Le Verbe éternel, le Fils de Dieu, commande trois choses à sainte Brigitte : 1° de ne rien désirer que la vie et les vêtements; 2° de ne désirer les choses spirituelles que conformément aux volontés divines; 3° de ne s’affliger que de ses péchés et de ceux d’autrui. Si vous en voulez avoir de la douleur, considérez la rigueur et la fureur du jugement effroyable, laquelle vous pourrez mieux pénétrer en un homme déjà jugé, qui, étant entré en un monastère, eut trois choses en l’âme, savoir, d’être sans peine, d’avoir la nourriture sans soin, d’esquiver les tentations de la chair sans en venir à l’exécution; c’est pourquoi il a été assailli de trois sortes d’afflictions, car, 1° voulant être sans labeur et sans peine, il y a été contraint par parole et par le fouet; 2° il a souffert la faim et la nudité; 3° il a été méprisé de tous, de sorte qu’il n’a pu se délecter en volupté.

Or, le jour de la profession s’approchant, il eut cette pensée : D’autant, dit-il, que je pourrai être au monde sans labeur, il vaut plus que je sois dans le monastère et que je travaille pour l’amour de Dieu. Et le voyant en telle volonté, ma miséricorde et ma justice voulurent qu’il parvînt à la gloire éternelle, car soudain qu’il eut fait profession, dès l’instant il fut accablé d’une grande maladie et en telle sorte affligé, qu’il perdit de douleur la vue et l’ouïe et fut affligé en tous ses membres, d’autant qu’il voulait être sans peine ni labeur. Il endurait une plus grande pauvreté qu’il n’eût endurée au monde, et même, ayant des viandes plus délicates, il n’en peut aucunement manger, et ne pouvait avoir ce que la nature désirait. Sa nature fut tellement exténuée et consommée avant la mort, qu’il semblait un tronc.

Mais étant mort, il vint au jugement comme un larron qui voulait être en la religion sans rien faire que sa volonté, non pas pour y bien vivre; mais néanmoins, il ne devait pas être jugé comme larron, car bien qu’il fut fou et insensé en sa raison et en sa conscience, néanmoins il avait son espérance en moi, qui suis Dieu, et partant, il fut jugé à la miséricorde. Le péché commis n’ayant pu être pleinement purifié par les peines corporelles, c’est pour cela aussi que son âme est grièvement punie en purgatoire, ni plus ni moins que si les os lui ayant été arrachés, la peau était mise en une presse, afin que la moelle s’en écoulât toute.

Hélas! Que pâtiront donc ceux qui ont croupi dans le péché tout le cours de leur vie, et n’ont ni ne veulent avoir un acte contraire! C’est ce qu’ils me rendent pour les avoir si chèrement rachetés, conservés, et pour leur avoir donné tout ce qui leur est nécessaire! Et partant, j’en exigerai cela au jugement avec fureur, d’autant qu’ils ont violé la foi qu’ils m’avaient vouée au baptême, et parce que, tous les jours, ils ne font que m’offenser, méprisant mes commandements. En vérité, je ne laisserai point sans une grande punition la moindre chose qu’ils ont commise en religion.

DECLARATION
Le Frère dont il est ici parlé eut un péché caché dont il ne voulut jamais se confesser. Notre-Seigneur commanda à sainte Brigitte de l’aller trouver, ce qu’elle fit, et elle lui dit : Faites pénitence. Vous avez quelque chose de caché en votre conscience. Tant que vous cacherez cela, vous ne pourrez mourir.

Il lui répondit : Je n’ai rien qui n’ait été dit en la confession.
Cherchez, dit-elle, comment vous avez vécu durant tout le cours de votre vie jusque à maintenant, et vous trouverez la vérité en votre cœur.

Lors fondant en larmes, il dit : Béni soit Dieu qui vous a envoyée à moi, car puisque vous m’avez parlé du secret de mon cœur, j’en veux dire la vérité devant ces auditeurs! Oui, j’ai quelque chose de caché dans mon cœur, que je ne pouvais ni n’osais déclarer, d’autant que toutes fois et quand est-ce que je me confessais des autres péchés, ma langue demeurait muette et liée quand il fallait parler de celui-ci; et d’ailleurs la honte me saisissait, et la confusion m’empêchait de confesser ce qui me rongeait le cœur. C’est pourquoi, quand je me confessais, je terminais ma confession en ces termes : O Père, je me confesse des péchés que j’ai dits et de ceux que je n’ai pas dits. Je croyais que de la sorte tous les péchés m’étaient remis, bien que cachés. Mais maintenant, Madame, s’il plaisait à Dieu, je voudrais dire à tout le monde les péchés que j’ai si longtemps cachés dans mon cœur.
Ayant appelé un confesseur, il dit tous ses péchés, et mourut la même nuit.