Pour le jour de saint Cosme et Damien.
Le Fils de Dieu parle : S’il y a quelque malade en la maison, et qu’un bon
médecin y entre, il pense et sonde soudain par les signes extérieurs quelle est
son infirmité. Le médecin donc, sachant l’infirmité du malade, s’il lui donne
une médecine qui ne soit pas bonne et que la mort s’ensuive, est jugé être, non
un médecin, mais celui qui tue à dessein. Mais si quelqu’un, sachant médeciner,
exerce l’art pour les récompenses mondaines, celui-là n’a point de récompense
devant moi. Or, celui qui exerce la médecine pour l’amour et pour l’honneur de
moi, je suis tenu de lui rendre la récompense.
Si quelqu’un, n’étant point docte en la médecine, pense, selon son jugement, que cela ou cela servira au malade,
et le lui donne avec une bonne et pie intention, celui-ci ne doit pas être jugé
comme celui qui tue, mais comme un médecin fat et présomptueux. Que si le malade
patient revient en convalescence, pour cela le médecin ne mérite point la
récompense d’un médecin, mais d’un homme qui va au hasard, d’autant qu’il n’a
pas ordonné et donné la médecine selon la science, mais selon sa fantaisie. Je
vous dirai ce que ces choses signifient.
Ces hommes dont je parle vous sont connus; ils sont spirituellement malades et
ensevelis en la vanité, l’ambition, et suivent en tout leur propre volonté. Si
donc leur ami, que je compare à un médecin, leur a donné du secours et du
conseil pour excéder en superbe et en vanités, et dont ils meurent
spirituellement, certainement, j’exigerai leur mort de sa main, car bien qu’ils
meurent de leur propre faute, néanmoins, d’autant qu’il leur a été cause et
occasion de mort, il ne sera point exempt de peine. Que s’il les nourrit et les
conduit, poussé à cela par l’amour naturel, les agrandissant dans le monde pour
sa consolation et pour l’honneur du monde, il ne faut pas qu’il attende de moi
miséricorde. Que si, comme un bon médecin, il pense sagement d’eux, disant à
part soi : Ceux-ci sont infirmes et malades; ils ont besoin de médecine; et bien
que ma médecine soit amère, néanmoins, puisqu’elle est salutaire, je leur en
donnerai, afin qu’ils ne meurent d’une mort misérable.
Et partant, en retenant leurs passions, je leur donnerai à manger de peur qu’ils
ne meurent de faim; je leur donnerai aussi des vêtements, afin qu’ils soient
plus honnêtes selon leur état; je les tiendrai sous mon régime, afin qu’ils ne
soient pas insolents; j’aurai aussi soin de leurs autres nécessités, afin qu’ils
ne s’élèvent par leur superbe, et que l’orgueil et la présomption ne les
perdent, ou bien qu’ils n’aient occasion de nuire aux autres. Un tel médecin
aura de moi une grande récompense, car une telle médecine de correction me plaît
grandement.
Que si leurs amis, s’entretenant en telles pensées, disent : Je leur donnerai ce
qui est nécessaire, mais je ne sais pas s’il leur est expédient ou non; je ne
crois pas pourtant déplaire à Dieu ni nuire à leur salut : si lors ils meurent à
l’occasion de leur don, où ils se débauchent, leur ami ne sera pas repris ni
accusé de les avoir spirituellement tués; mais néanmoins, à raison de sa bonne
volonté et de la sainte affection dont il chérit plus leurs âmes que celle des
autres, il n’aura pas sa pleine récompense; les malades néanmoins en auront
aussi moins, et croîtront en santé, laquelle ils obtiendraient plus
difficilement, si la charité n’y coopérait pas. ici pourtant, un conseil est
nécessaire, car selon la maxime vulgaire, si l’animal qui est porté à nuire, à
raison de sa maladie, est renfermé, il ne nuira point, et étant enfermé, il
viendra en convalescence, et s’engraissera à l’égal de ceux qui sont libres.
Ceux donc qui sont de cette espèce, dont le sang, les pensées et les affections
cherchent les choses éminentes, en sont d’autant plus affamés que plus ils en
mangent. Donc, que leur ami ne leur donne aucune occasion d’excéder en leurs
ambitions, comme ils désirent avec passion et ne savent éteindre leur appétit.
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