Jésus-Christ parle à son épouse, disant que, quant aux hommes qui se plaisent dans les choses charnelles et dans les délices terrestres, qui méprisent les désirs célestes, l’amour divin et la mémoire de ma passion et du jugement éternel, leur oraison est comme la collision de deux pierres, et ils sont jetés de devant Dieu abominablement, comme des abortifs et des souillés.
Chapitre VIII

Celui-là dont nous avons parlé ci-dessus, chantait : Délivrez-moi, ô Seigneur, de l’homme mauvais. Cette voix m’est autant agréable que le son qui résulte de la collision de deux pierres, car son cœur crie à moi comme de trois voix.

La première voix dit : Je veux avoir ma volonté en ma main, dormir, me lever et avoir mes plaisirs. Je donnerai à la nature ce qu’elle désire. Je désire avoir de l’argent en la bourse, la mollesse des vêtements. Quand j’aurai cela, je m’estimerai plus heureux que si j’avais tous les autres dons et les vertus spirituelles de l’âme.

La deuxième voix dit : La mort n’est pas trop dure; le jugement n’est pas si sévère qu’il est écrit. On nous menace de grandes peines par finesse, et on donne moins que tout cela par la miséricorde; mais que je puisse faire ma volonté en cette vie, mon âme ira où bon lui semblera.

La troisième voix dit : Dieu n’aurait point racheté l'homme, s’il ne lui voulait pas donner le paradis, ni il n’aurait pas pâti, s’il ne voulait pas nous ramener en la patrie. Ou bien, pourquoi aurait-il pâti, ou qui l’aurait contraint à ce faire? Je n’entends point les choses célestes, si ce n’est par l’ouïe, et je ne sais si je dois croire aux Écritures. Si je pouvais accomplir mes volontés, ce serait mon fait, et je les recevrais au lieu du ciel.

Telle est la volonté de cet homme misérable; c’est pourquoi son oraison est à mes oreilles comme le son qui résulte de la collision de deux pierres. Mais, ô mon ami! je réponds à la première voix : Votre voie ne tend point au ciel, ni ma passion amoureuse n’est pas à votre goût. C’est aussi pour cela que l'enfer vous est ouvert; et d’autant que vous aimez les choses infimes et terrestres, vous irez au plus bas des fondrières de l’enfer.

Je réponds à la deuxième voix : Mon fils, la mort vous sera très-dure, le jugement intolérable et la fuite impossible, si vous ne vous amendez.
A la troisième voix, je vous dis : Mon frère, j’ai fait toutes mes œuvres par l’esprit et mouvement de charité, afin que vous me fussiez semblable, et que, vous étant retiré de moi, cette ressemblance vous servît pour retourner à moi. Or, maintenant, mes œuvres sont mortes en vous; mes paroles vous sont fâcheuses, et vous méprisez ma vie, c’est pourquoi il ne vous reste que le supplice pour récompense, et la compagnie de la furie des démons pour récréation, d’autant que vous me tournez le dos, que vous foulez aux pieds les signes de mon insigne humilité, et ne considérez pas comment j’ai été mis pour vous et devant vous sur un gibet.

Certainement, j’ai été en la croix en trois manières pour l'amour de vous : 1° comme un homme dont un couteau percerait l’œil; 2° comme un homme dont une épée percerait le cœur; 3° comme un homme, les membres duquel trembleraient par l’appréhension d’un déluge de tribulations qui va fondre sur lui. Certes, ma passion m’était plus amère que les coups qu’on donnait à mes yeux; néanmoins, je les pâtissais très-amoureusement. La douleur aussi de ma Mère a plus ému mon cœur que la mienne propre : toutefois, je souffris le tout par amour. En vérité, tous mes membres et tout ce qui est en moi d’extérieur et d’intérieur, tremblèrent, ma passion s’approchant. Tout cela néanmoins ne me fit pas reculer d’un seul point, et c’est de la sorte que j’ai souffert pour l’amour de vous! Et vous, hélas! vous oubliez tout, vous négligez et méprisez tout. C’est pourquoi vous serez rejeté comme abortif et comme souillé.