Un homme disait qu’il voulait servir Dieu et voulait savoir en quel état il
plairait plus à Dieu : il consulta pour cela sainte Brigitte, désirant avoir en
cela la réponse divine ; duquel Notre-Seigneur parlant, dit à son épouse :
Celui-ci n’est point encore arrivé au Jourdain, et moins, l’a-t-il passé, comme
on écrit d’Élie qu’ayant passé le Jourdain et étant arrivé au désert, il ouït
les secrets divins.
Mais quel est ce Jourdain, sinon le monde, qui s’écoule
comme de l’eau, d’autant que les choses temporelles montent tantôt avec l’homme,
tantôt descendent ; maintenant l’élèvent en honneur et prospérités, ores
l’oppriment par l’adversité, de sorte que l’homme n’est jamais sans soin et
tribulation ? il est donc nécessaire que celui qui désire les choses célestes
retire de son esprit toutes les affections terrestres, car celui à qui Dieu est
doux, les choses caduques et passagères lui son véritablement viles. Mais cet
homme n’est pas encore parvenu à ce point qu’il méprise toutes choses, voire il
a encore sa volonté en ses mains. Partant, il n’ouïra point les secrets du ciel,
jusques à ce que plus parfaitement il méprise le monde et qu’il résigne sa
volonté en la main de Dieu.
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