Chapitre 17

...Lors le démon dit à la Sainte Vierge : Vierge, donnez-moi puissance sur celle-ci.
La Vierge lui dit : Pourquoi ne la recevez-vous en votre puissance?
Le démon lui dit : Je ne puis pas, d’autant que je ne puis pas séparer le sang du sang étant dans un vase pèle mêle : le sang de la charité de Dieu est mêlé avec le sang de la charité de son cœur.

La Sainte Vierge Marie lui dit derechef : Pourquoi ne la laissez-vous en repos?
Le diable dit : Je ne le ferai jamais, car si je ne puis la faire tomber en péché mortel, je ferai en sorte qu’elle soit fouettée pour le péché véniel. Et si je ne puis encore faire cela, je jetterai en son esprit plusieurs pensées qui l’inquiéteront.

Lors la Vierge dit : Je veux l’aider, car toutes les fois qu’elle chasse ces pensées et les jette à votre front, tout autant de fois les péchés lui seront pardonnés, et son prix et sa couronne s’augmenteront.

DÉCLARATION
Un jour, sainte Brigitte était tentée de gourmandise ; et lors, ravie en esprit, elle vit un Éthiopien qui avait en la main comme une bouchée de pain, et un jeune homme qui avait un vase d’or.

Lors le jeune homme dit à l’Éthiopien : Pourquoi la sollicitez-vous et la tentez-vous, elle qui est commise à ma garde?
L’Éthiopien répondit : Je la tente, d’autant qu’elle se glorifie de l’abstinence qu’elle n’avait pas eue : c’est pourquoi je lui présente mon pain, afin que le pain le plus bis lui soit à goût. Jésus-Christ n’a-t-il pas jeûné quelque temps sans manger ? Les prophètes n’ont-ils pas mangé le pain et bu à mesure ? D’où ils ont mérite ce qui est excellent et sublime. Et comment donc celle-ci méritera-t-elle, qui est toujours saoule?

Le jeune homme répartit : Jésus-Christ à enseigné de jeûner, non pas à débiliter notablement son corps : il ne demande pas ce qui est impossible à la nature, mais la modération ; et il ne demande pas compte de la quantité et de la qualité des viandes, mais il considère l’intention et l’amour avec lequel on les prend, car il faut garder la coutume de la bonne éducation avec action de grâces, afin que la chair ne soit débilitée plus qu’il ne faut.
Lors le diable disparut, et elle fut affranchie de la tentation.