La Vierge Marie dit : Je suis comme une mère qui a deux enfants ; mais ils ne
peuvent atteindre aux mamelles de leur mère, d’autant qu’elles sont trop froides
et sont en une maison trop froide. Néanmoins, la mère les aime tellement qu’elle
les couperait volontiers, s’il était possible, pour leur utilité.
Je suis en vérité Mère de miséricorde, d’autant que je fais miséricorde à tous
ces misérables qui me la demandent. J’ai deux enfants : l’un s’appelle la
contrition de ceux qui faillent contre Dieu, mon Fils ; le second est la volonté
de se corriger des fautes commises. Mais les deux enfants sont trop froids, et
ils n’ont aucune chaleur d’amour, et ne ressentent aucun plaisir divin, et la
maison de leur âme est si froide des flammes des consolations divines, qu’ils ne
peuvent s’approcher de mes divines mamelles.
Lors, mon Fils me répondit : Ma Mère bien-aimée, j’enverrai pour l’amour de vous
une scintille de feu en leur maison, de laquelle on pourra allumer un grand feu.
Qu’on garde, fomente et nourrisse La scintille, et qu’on en chauffe vos enfants,
afin qu’ils puissent recevoir vos mamelles.
Après, la Mère parlait à l’époux, disant : celui-là pour l’amour duquel vous me
priez eut une spéciale dévotion envers moi ; et bien qu’il se soit plongé en des
misères infinies, il se confiait néanmoins en mon secours, et eut quelque amour
envers moi, mais point envers mon Fils, ni crainte ; et partant, s’il eût été
alors appelé du monde, il eût été tourmenté éternellement. Mais d’autant que je
suis pleine de miséricorde, c’est pour cela aussi que je ne l’ai pas oublié ;
mais il y a encore quelque espérance du bien à ma considération. S’il se voulait
aider soi-même, car il a maintenant contrition des péchés commis, et volonté de
s’en amender ; mais il est trop froid en la charité et dévotion ; partant, afin
qu’il puisse être chauffé et recevoir mes mamelles, on doit envoyer ma scintille
en son âme, c’est-à-dire, la considération de la passion de mon Fils, qu’il doit
assidûment méditer.
Et de fait, qu’il considère ce que le Fils de Dieu et le Fils de la Vierge, qui
est un Dieu avec le Père et le Saint-Esprit, a souffert et enduré ; comment il a
été lié, souffleté ; comment on lui a craché au visage ; comment il a été
fouetté jusqu’au dedans, de sorte qu’on arrachait la chair avec les fouets ;
comment ayant tous les os désemboités et tous les nerfs étendus, il était pendu
au gibet avec grande douleur ; comment, criant en la croix, il rendit l’esprit.
S’il souffle souvent cette bluette, il s’échauffera, et je l’appliquerai à mes
mamelles, c’est-à-dire, à deux vertus que j’ai eues, savoir : la crainte de Dieu
et l’obéissance ; car bien que je n’aie jamais péché, je craignais toutefois à
toute heure afin que, ni par parole ne par démarche, je n’offensasse mon Dieu.
Par cette crainte, j’allaiterai mon fils, savoir, la contrition de celui qui
m’est dévot, pour lequel vous priez, afin qu’il se repente de ce qu’il a fait,
mais encore il craindra le supplice et craindra d’offenser désormais mon Fils
Jésus-Christ. J’allaiterai aussi sa volonté à la mamelle de mon obéissance, car
de fait, je suis celle qui n’a jamais été désobéissante à Dieu. Je ferai donc
que celui qui a été échauffé de la charité de mon Fils, obéira en tout ce qu’on
lui commandera.
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