Le Fils de Dieu parle : Ce prélat pour lequel vous me priez, ô mon épouse ! est
déjà revenu à moi en trois manières :
1- comme un homme nu ;
2- comme ayant en sa main un glaive ;
3- comme étendant la main et demandant pardon ; et moi, pour l’amour des prières
de ma Mère, je me tourne vers lui, et je lui irai au-devant comme une mère à son
enfant qui avait été perdu ; et bien que mes apôtres, par leurs prières, me
l’aient recommandé, ils avaient néanmoins obtenu peu, d’autant que celui-ci me
fut contraire, lorsqu’il eut la dignité de l’Église, ni ne se comporta pas
envers elle comme prélat.
Or, je l’ai revêtu maintenant, afin qu’il ne soit plus nu. Quelle est sa nudité,
sinon le peu de bonnes œuvres, lesquelles, certes, doivent revêtir de l’éclat
des vertus son âme qui, hélas ! paraît nue devant ma face, bien qu’elle pense
être habillée ? Je lui donnerai secours maintenant par les prières de ma
très-chère Mère et de mes saints, afin qu’il puisse être touché et revêtu, car
il s’en venait autrement tout nu devant moi. Or, c’est lorsqu’il venait nu qu’il
s’entretenait en ces pensées : je n’ai rien de bon de moi ; je ne puis rien de
bien sans Dieu ; je ne suis pas digne de quelque bien, car si je savais comment
je puis plaire à Dieu et qu’est-ce qui lui plaît, bien que je dusse mourir ; je
le ferais franchement. Par une telle pensée, il vient nu à moi. C’est pourquoi
je lui irai au-devant et je le revêtirai.
Il eut aussi le glaive en ses mains, quand il considérait la rigueur et la
fureur de mes jugements, disant à part soi : Le jugement de Dieu est
intolérable, et il est impossible de l’éviter ; partant, tout ce que Dieu veut
de moi, je le veux librement, et ma volonté est disposée à faire la sienne ; je
n’ai point de bonnes œuvres.
Que sa volonté soit faite et non la mienne. Cette pensée et cette résolution
arrachèrent de mes mains le glaive de ma fureur, et lui attirèrent ma
miséricorde.
En troisième lieu, il étendit sa main, quand il s’occupait en ces pensées : Je
sais que j’ai péché outre mesure, et que je suis digne de la rigueur du jugement
; néanmoins, me confiant en votre bonté, j’espère secours, car vous n’avez pas
méprise saint Paul persécuteur, ni rejeté Magdelène pécheresse. C’est pourquoi
j’ai mon recours à votre secours, afin que vous me fassiez selon votre grande
pitié et miséricorde.
Pour cette pensée et désir, je lui donnerai ma main miséricordieuse, et je lui
augmenterai ma douceur, s’il accomplit généreusement ces trois choses, car il
doit :
1- chasser de lui tout orgueil et toute ostentation, et embrasser l’humilité ;
2- qu’il arrache de son cœur toute sorte de cupidités, afin qu’il se gouverne
dans les choses temporelles comme un bon dispensateur qui doit rendre raison à
son maître ;
3- qu’il ait soin que les péchés propres et les siens ne soient négligés, mais
qu’il les corrige avec miséricorde et justice, considérant mes œuvres, de moi
qui ai pardonné et fréquenté les publicains et les courtisanes, qui ai néanmoins
méprisé les superbes.
N’est-il pas écrit que quelqu’un, venant à moi et disant : Maître, je vous
suivrai où vous irez ? Il répondit : Non, car les renards ont des tanières ? Et
pourquoi l’ai-je méprisé, si ce n’est que j’ai vu son cœur et sa volonté qui
désiraient la gloire et la nourriture sans rien faire ? et partant, ma justice a
voulu qu’il fût repoussé. Qu’il en fasse de même, car quiconque viendra à lui,
s’humiliant et promettant de s’amender, demandant pardon, il est tenu de lui
faire miséricorde. Mais celui qu’il attrapera en la volonté de croupir dans son
vice ni ne voudra se convertir, il le châtiera avec modération et avec des
verges ; on le changera avec de l’argent.
Qu’il prenne néanmoins garde qu’il ne fasse pas le châtiment pour assouvir sa
cupidité, mais par amour et pour l’amour de la justice, et qu’il convertisse
l’argent qu’il a en tels usages qu’il en puisse rendre compte à Dieu un jour,
savoir, qu’il ait pris l’argent du délinquant par droit et justice, et qu’il
soit employé en de bons et divins usages. Que si, ayant été puni une fois en la
bourse, il ne s’amende point, qu’il le prive après du bénéfice et du plus haut
degré d’honneur, afin qu’étant ainsi confus, il demeure là comme un âne, qui,
portant auparavant une selle dorée, était en grande réputation et en grand
mépris, et qui, quand elle lui a été ôtée, a été regardé comme s’il était
insensé : de même en fais-je, moi qui suis le Créateur de toutes choses : je
châtie l’homme,
1- par la tribulation temporelle ;
2- par les infirmités de corps et d’esprit, par les résistances et
contradictions de sa volonté ; et si lors, il ne veut se convertir, je le laisse
et l’abandonne aux peines qui lui sont dues de droit et de justice.
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