Chapitre 24

...est avec discrétion et que votre volonté tend à la miséricorde. C’est pourquoi je ferai miséricorde à ce larron.
La Mère répondit : Donnez-lui donc ce qui m’est si cher, savoir est votre corps et votre grâce, car ce larron en est affamé, et il est privé de tout bien. Donnez-lui donc la grâce, afin que sa faim soit rassasiée, sa faiblesse affermie, et sa volonté enflammée au bien, qui a jusques à maintenant croupi dans les ordures sans charité.

Le Fils répondit : Comme l’enfant à qui on ôte la viande meurt bientôt, de même celui-ci qui, dès son enfance, a été nourri du diable, ne pourra point revivre, s’il n’est repu de ma viande. Partant, s’il désire prendre et recevoir mon corps ; s’il désire être rafraîchi de ses fruits, qu’il s’approche de moi avec ces trois vertus, savoir, contrition des fautes commises avec volonté de s’amender et de persévérer à bien faire.

Je réponds aux prières de ceux qui les font pour lui. Il faut que le larron fasse ce que je lui dirai, s’il cherche son salut : premièrement, d’autant qu’il a osé résister au Roi de gloire, pour amendement de ce forfait, il doit défendre la foi de mon Église sainte, et donner sa vie pour sa protection, s’il en est besoin, et que, comme il a auparavant travaillé pour les commodités mondaines, il en fasse de même, maintenant, afin que ma foi augmente, que les ennemis de la foi soient opprimés, et qu’il attire à la foi tous ceux qu’il pourra, par sa parole et par son exemple, comme auparavant il a retiré plusieurs du droit chemin.

Je vous jure pour certain que, quand il n’aurait fait que prendre le bouclier pour mon honneur, avec intention de défendre la foi, il lui sera réputé pour la foi, s’il est appelé en ce point même que si les ennemis s’approchent de lui, pas un ne lui nuira.
Partant, qu’il travaille généreusement, car il a un maître puissant quand il me possède ; qu’il combatte virilement : les stipendes sont très-grandes, savoir est la vie éternelle. Pour ce qu’il a offensé les anges et tué des hommes, qu’il fasse dire tous les jours une messe de tous les saints, un an entier, où il lui plaira, donnant au prêtre qui les dire aumône pour vivre, afin que, par ses sacrifices, les anges soient apaisés et qu’ils tournent leurs yeux vers lui. Certes, un tel sacrifice les apaise, savoir, quand on prend mon corps, qui est un royal sacrifice, avec charité et humilité.

Après, d’autant qu’il a ravagé le bien d’autrui, fait injure aux veuves et aux orphelins, il doit rendre humblement tout ce qu’il sait avoir injustement, priant ceux qu’il a injuriés de lui pardonner miséricordieusement ; et d’autant qu’il ne saurait satisfaire à tous ceux qu’il a injuriés et à qui il a dérobé, qu’il fasse bâtir en quelque église un autel, où il lui sera plus convenable, auquel il laisse de quoi célébrer une messe jusques au jour du jugement. Et afin que ceci demeure ferme et stable, il donnera autant de revenu qu’un chapelain puisse être entretenu. Mais d’autant qu’il n’a point eu d’humilité, il doit maintenant s’humilier autant qu’il pourra, et rappeler à la paix et concorde tous ceux qu’il a offensés autant convenablement que faire se pourra. Et quand il entendra louer ou vitupérer les péchés qu’il a commis, qu’il ne les défende jamais, ni ne se justifie, ni ne s’en glorifie jamais, mais qu’avec humilité il dise : Hélas ! que le péché m’a trop plu ! Hélas ! que m’a-t-il profité ? J’ai excédé trop en présomption, et si j’eusse voulu, je m’en fusse donné garde.

Partant, ô mes frères, priez Notre-Seigneur qu’il me donne l’esprit de m’en repentir, de me convertir et de m’amender. Quant à ce qu’il m’a offensé par les excès de la chair, qu’il règle son corps par une tempérance modérée. Que s’il écoute mes paroles et les accomplit par œuvres, il sera lors sauvé et aura la vie éternelle. S’il fait autrement, j’exigerai de lui jusques à la dernière maille de ses péchés, et il aura une peine plus amère de ce que je lui fais dire ceci, et il n’en a rien fait.