...est avec discrétion et que votre volonté tend à la miséricorde. C’est pourquoi
je ferai miséricorde à ce larron.
La Mère répondit : Donnez-lui donc ce qui m’est si cher, savoir est votre corps
et votre grâce, car ce larron en est affamé, et il est privé de tout bien.
Donnez-lui donc la grâce, afin que sa faim soit rassasiée, sa faiblesse
affermie, et sa volonté enflammée au bien, qui a jusques à maintenant croupi
dans les ordures sans charité.
Le Fils répondit : Comme l’enfant à qui on ôte la viande meurt bientôt, de même
celui-ci qui, dès son enfance, a été nourri du diable, ne pourra point revivre,
s’il n’est repu de ma viande. Partant, s’il désire prendre et recevoir mon corps
; s’il désire être rafraîchi de ses fruits, qu’il s’approche de moi avec ces
trois vertus, savoir, contrition des fautes commises avec volonté de s’amender
et de persévérer à bien faire.
Je réponds aux prières de ceux qui les font pour lui. Il faut que le larron
fasse ce que je lui dirai, s’il cherche son salut : premièrement, d’autant qu’il
a osé résister au Roi de gloire, pour amendement de ce forfait, il doit défendre
la foi de mon Église sainte, et donner sa vie pour sa protection, s’il en est
besoin, et que, comme il a auparavant travaillé pour les commodités mondaines,
il en fasse de même, maintenant, afin que ma foi augmente, que les ennemis de la
foi soient opprimés, et qu’il attire à la foi tous ceux qu’il pourra, par sa
parole et par son exemple, comme auparavant il a retiré plusieurs du droit
chemin.
Je vous jure pour certain que, quand il n’aurait fait que prendre le bouclier
pour mon honneur, avec intention de défendre la foi, il lui sera réputé pour la
foi, s’il est appelé en ce point même que si les ennemis s’approchent de lui,
pas un ne lui nuira.
Partant, qu’il travaille généreusement, car il a un maître puissant quand il me
possède ; qu’il combatte virilement : les stipendes sont très-grandes, savoir
est la vie éternelle. Pour ce qu’il a offensé les anges et tué des hommes, qu’il
fasse dire tous les jours une messe de tous les saints, un an entier, où il lui
plaira, donnant au prêtre qui les dire aumône pour vivre, afin que, par ses
sacrifices, les anges soient apaisés et qu’ils tournent leurs yeux vers lui.
Certes, un tel sacrifice les apaise, savoir, quand on prend mon corps, qui est
un royal sacrifice, avec charité et humilité.
Après, d’autant qu’il a ravagé le bien d’autrui, fait injure aux veuves et aux orphelins, il doit rendre
humblement tout ce qu’il sait avoir injustement, priant ceux qu’il a injuriés de
lui pardonner miséricordieusement ; et d’autant qu’il ne saurait satisfaire à
tous ceux qu’il a injuriés et à qui il a dérobé, qu’il fasse bâtir en quelque
église un autel, où il lui sera plus convenable, auquel il laisse de quoi
célébrer une messe jusques au jour du jugement. Et afin que ceci demeure ferme
et stable, il donnera autant de revenu qu’un chapelain puisse être entretenu.
Mais d’autant qu’il n’a point eu d’humilité, il doit maintenant s’humilier
autant qu’il pourra, et rappeler à la paix et concorde tous ceux qu’il a
offensés autant convenablement que faire se pourra. Et quand il entendra louer
ou vitupérer les péchés qu’il a commis, qu’il ne les défende jamais, ni ne se
justifie, ni ne s’en glorifie jamais, mais qu’avec humilité il dise : Hélas !
que le péché m’a trop plu ! Hélas ! que m’a-t-il profité ? J’ai excédé trop en
présomption, et si j’eusse voulu, je m’en fusse donné garde.
Partant, ô mes frères, priez Notre-Seigneur qu’il me donne l’esprit de m’en
repentir, de me convertir et de m’amender. Quant à ce qu’il m’a offensé par les
excès de la chair, qu’il règle son corps par une tempérance modérée. Que s’il
écoute mes paroles et les accomplit par œuvres, il sera lors sauvé et aura la
vie éternelle. S’il fait autrement, j’exigerai de lui jusques à la dernière
maille de ses péchés, et il aura une peine plus amère de ce que je lui fais dire
ceci, et il n’en a rien fait.
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