Le Fils parlait à son épouse : Bien que je sache toutes choses, dites-moi
néanmoins en votre langage quelle est votre volonté.
Soudain l’ange répondit pour l’épouse, disant : Sa volonté est comme on lit :
Votre volonté soit faite en la terre comme au ciel.
C’est ce que je demande, dit Notre-Seigneur, c’est ce que je veux, et c’est ce
qui m’est une obéissance très-agréable. Vous devez donc, ô mon épouse, être
comme un arbre bien enraciné, qui ne craint point trois sortes d’accidents :
1- Si l’arbre est bien enraciné, les taupes ne l’arracheront point ;
2- Il n’est point ébranlé par l’impétuosité des vents ;
3- Il ne sèche point par l’ardeur du soleil.
Votre âme est un arbre dont la principale racine est la bonne volonté de Dieu.
En vérité, de cette bonne racine pullulent autant de vertus qu’il y a de racines
en l’arbre. Or, la racine de laquelle les autres dépendent, doit être forte,
grosse et plus profondément enfoncée en la terre : de même votre volonté doit
être forte en patience, grosse en la divine charité, et profondément abaissée en
la vraie humilité ; et si votre volonté est ainsi enracinée, elle ne doit point
craindre les taupes.
Mais qu’est-ce que signifie la taupe fouillant sous la terre, sinon le diable,
qui va invisiblement, trompant et troublant l’âme ? Le diable, par sa morsure,
fend la racine de la bonne volonté, si elle est constante à pâtir, et en la
fendant de sa morsure, il la dissipe quand il suggère de mauvaises affections au
cœur, tire votre volonté à diverses choses, et fait désirer ce qui est contre
votre volonté, dit Jésus-Christ à sainte Brigitte. Mais la première racine étant
empoisonnée, toutes les autres le sont, et le tronc se sèche, c’est-à-dire, la
volonté et l’affection sont corrompues ; toutes les autres vertus sont
empoisonnées et me déplaisent, si on ne s’amende par pénitence ; l’âme est digne
d’être sujette à la domination de Satan, bien que sa volonté ne parvienne à
l’effet extérieur. Que si la racine de la volonté est forte et grosse, la taupe
le peut ronger, mais non pas la fendre, et lors, par la morsure, la racine
devient plus forte : de même, si votre volonté est toujours forte dans les
adversités et les prospérités, le diable la peut bien ronger, c’est-à-dire, il
peut lui suggérer de mauvaises pensées, mais si elle y résiste et n’y consent
point de volonté, lors elles ne seront point adjugées à supplice, mais bien à
plus grand mérite, si on les souffre avec patience, et à plus grande sublimité
de vertu.
Que s’il arrive que vous tombiez par impatience ou à l’improviste, relevez-vous
soudain par la pénitence et contrition, et lors je remets le péché, et donne
patience et force contre les suggestions de Satan.
En deuxième lieu, si l’arbre est bien enraciné, il ne doit point craindre les
impétuosités des vents. De même si votre volonté est conforme à la mienne, vous
ne devez point vous soucier des adversités du monde, qui sont comme un vent,
pensant en vous-même que peut-être il vous est expédient que les tribulations du
monde vous fassent souffrir. Vous ne devez pas aussi vous troubler du mépris du
monde ni des affronts car j’exalte et j’abaisse ceux que je veux. Vous ne devez
pas vous plaindre des douleurs du corps, car je le puis guérir et blesser, et je
ne fais rien sans raison et sujet. Or, celui qui a une volonté contraire à la
mienne, celui-là est affligé maintenant, d’autant qu’il ne peut accomplir ce
qu’il désire, et il sera encore puni en l’autre vie, à raison de sa mauvaise
volonté ; que s’il résignait et consignait sa volonté en moi, il pourrait
souffrir facilement toutes les adversités.
En troisième lieu, un arbre bien enraciné ne craint point les chaleurs
excessives, c’est-à-dire, ceux qui ont une volonté accomplie ne se dessèchent
point de l’amour de Dieu par les excès de l’amour du monde, ni ne sont pas
retirés de l’amour de Dieu par l’homme corrompu. Mais ceux qui sont inconstants,
leur âme est bientôt ébranlée de leur suggestion du diable, ou par les
contrariétés du monde ou de l’amour vain, désirent ce qui est inutile. Partant,
cet homme n’est pas un bon arbre, duquel vous pensez maintenant : La principale
racine d’icelui est coupée, savoir : Votre volonté soit faite en la terre comme
au ciel, car il a embrasse l’austérité de la vie conscient , et lors je remets
le peche , et donne patience et force contre les suggestions de Satan.
En deuxième lieu, si l'arbre est bien enraciné , il ne doit pas craindre les
impétuosités des vents . De même si votre volonté est conforme à la mienne, vous
ne devez point vous soucier des adversités du monde , qui sont comme un vent ,
pensant en vous-même que peut-être il vous est expédient que le tribulat insidu
vous fasse souffrir . Vous ne devez pas vous troubler du mépris du monde et des
affronts car j'exalte et j'abaisse ceux que je veux. Vous ne devez pas vous
plaindre des douleurs du corps, car je le puis guérir et blesser, et je ne fais
rien sans raison et sujet . Or, celui qui a une volonté contraire à la mienne ,
celui-là est affligé maintenant , d'autant qu'il ne peut accomplir ce qu'il
désir , et il sera encore puni en l'autre vie , à raison de sa mauvaise volonté
; que s'il résignait et consignait sa volonté en moi, il pourrait souffrir
facilement toutes les adversités.
En troisième lieu , un arbre bien enraciné ne craint point les chaleurs
excessives, c'est-à-dire , ceux qui ont une volonté accomplie ne se dessèchent
point de l'amour de Dieu par les excès de l'amour du monde , ni ne sont pas
retirés de l'amour de Dieu par l'homme corrompu. Mais ceux qui sont inconstants
, leur âme est bientôt ébranlée de leur entreprise et de l'amour de Dieu , ou
par la suggestion du diable , ou par les contrariétés du monde ou de l'amour
vain ,désirant ce qui est inutile. Partant , cet homme n'est pas un bon arbre ,
duquel vous pensez maintenant :La principale racine d'icelui est coupée , savoir
: Votre volonté soit faite en la terre comme au ciel, car il a embrassé
l'austérité de la vie continente , mais l'ardeur de l'amour se refroidit en lui.
Je l'ai aide a raison des prières de ma Mère. Il avait trois choses : la
pauvreté sans les richesses , l'infirmité en ses membres et défaut en la science
. Ma volonté était que, s'il eut demeuré patiemment en ces trois choses , il
aurait eu une abondance éternelle, éternelle santé, beauté , connaissance et
vision de Dieu. Et pour obtenir ces choses , je l'avais grandement aidé, lui
donnant la force spirituelle , lui inspirant ma volonté . Mais sa volonté est
contraire a la mienne, se fâche de la pauvreté , non pour l'amour de moi , mais
pour son utilité; il se fâche de son infirmité , se fâchant de pâtir ; il
s'inquiète de ne savoir, de peur d'être méprisé des autres.
Partant, par le secret de ma science, il a obtenu les trois choses dont il était
trouble , car il jouit d'une plus grande abondance qu'il n'avait auparavent de
necessite corporelles ; il a une plus grande science et une plus grande
reputation. Partant , quand le diable le touche avec la tentation , il doit
craindre la chute , d'autant que la volonté principale est rompue , et que
l'amour du monde est échauffé en lui, soudain il quitte le bien et avance chemin
aux cupidités. Que la tribulation l'accable partout , du tout il est abattu
comme un arbre frappé des vents ; il n'est stable en rien , mais querelleur en
tout . Que si le vent d'honneur souffle , il ne sera pas moins sollicité par les
pensées de plaire à tout le monde et d'être par tous estime bon. Et comment
pourra-t-il parer sagement les coups au revers de fortune ? Voyez combien
d'inconstance provient de la racine vicieuse.
Or, que ce que je dois faire ? Je suis comme un bon jardinier : en mon jardin ,
il y a plusieurs arbres infructueux et peu plantureux . Si on coupe tous les
bons arbres , quel est celui qui entrera après dans ce jardin ? Que si on
arrache entièrement tous les arbres infructueux , le jardin sera trop difforme
et désagréable , a raisin de la fosse et de la poudre : de même si j'appelai de
cette vie tous les bons , qui entrerait après dans le jardin de mon Eglise ? Si
j'en arrachais tous les mauvais tout d'un coup , mon Eglise apparaîtrait trop
difforme , à raison des fosses et puis les autres me servitaient par la crainte
de la peine, et non par amour.
C'est pourquoi je fais comme le bon enteur qui retranche du tronc tout ce qui
est aride et sec et le met au feu , et ente là-dessus du bon fruit : de même je
planterai des arbres doux ; je ferai des parterres de vertus et enterai
là-dessus ; et de temps en temps , j'en retrancherai ce qui est sec et le
jetterai au feu ; je nettoierai mon jardin , de peur qu'il n'y demeure quelque
chose d'infructueux qui puisse empêcher les rameaux nouveaux et les fruits.
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Il est traité en ce chapitre d'un certain prieur qui s'étant excite à la
contrition par les paroles de Jésus-Christ , se rendit après grandement dévot .
Ce prieur vis Jésus-Christ lui tendant la main et lui disant : Par ces os si
durs les clous sont entres.
Ce prieur étant mort , Notre-Seigneur dit à sainte Brigitte : Ce frère , ton ami
, n'est pas mort , mais il vit, d'autant qu'il a accompli par œuvres ce que le
nom de frère signifie. Mais vous me pourriez demander ce que signifie le nom de
frère . Je vous réponds : celui-là est véritablement frère, qui, selon la maxime
commune , porte tout ce qu'il a sur son dos , qui ne désire que Dieu , qui se
contente du nécessaire , qui connaît que Dieu incarné est son frère et l'aime
comme frère.
Ce frère ne pouvait qu'à grand'peine se persuader que sainte Brigitte eut tant
de grâces de Dieu . Dieu , en un ravissement , la lui montra, elle et le feu qui
descendait du ciel sur elle ; et admirant cela et croyant que c'était illusion ,
étant éveillé de ce sommeil , il fut plongé dans la même vision , en laquelle il
ouït une voix qui lui dit deux fois : Aucun ne peut empêcher que ce feu ne sorte
, car de ma puissance , j'enverrai ce feu à l'orient et à l'occident, au
septetrion et au midi , et il enflammera le cœur de plusieurs.
Après ceci , ce frère crut aux révélations , et les défendit et accomplit , et
parfit par œuvres ce que le nom de frère signifie , et finit très heureusement
sa vie.
D'ailleurs dans ce même chapitre , il est traité de quelque frère infirme depuis
trois ans , le pied duquel se pourrissait et la moëlle en coulait . Ce frère
exerça tant de patience qu'il avait toujours Jésus dans son cœur et en sa bouche
, disant : O Jésus très digne ! Je désire , je désire , oui , je désire ce que
je ne peux dire . Jésus , mon désir , venez à moi . Ayant été interroge sur ce
qu'il désirait , il répondit : Dieu ! du désir que j'en ai , et de la vision je
m'en réjouis ; voire tressaille de tel contentement , que , pour le posséder ,
je donnerais franchement cent ans en cette infirmité.
Après ceci, le même frère , se réjouissant , mourut à minuit environ entre les
mains des frères . Mais le jour suivant , qui était un dimanche, sainte Brigitte
, étant ravie , en esprit , ouït : O fille , parce que les seigneurs et les
maïtres ne veulent point venir à moi , je ramasse et attire à moi les pauvres et
les moins fervents , car ce pauvre idiot a aujourd'hui trouvé plus de sagesse
que Salomon, des richesses qui ne vieillissent jamais , et une couronne qui ne
se flétrira jamais.
Dites aussi au frère qui l'a servi en la maladie, que son service lui servira
comme pénitence pour ses fautes , qu'il sera affranchi des tentations, et qu'il
aura une nouvelle force dans l'exercice des choses spirituelles , qu'il arrivera
à la fin de ses joies , et qu'il veillera dans le repos de Lazare.
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