La Mère de Dieu déclare à l’épouse par une similitude comment la Sainte Vierge impétra de son Fils les paroles de ce livre, pour servir de prière, et s’applique aux élus qui sont au monde. Ces paroles promettent malédiction aux superbes, miséricordes aux humbles. Ce livre contient encore des paroles par lesquelles il est donné pouvoir à certaines personnes de chasser les démons, et d’accorder ceux qui ont dissension, spécialement les rois de France et d’Angleterre.
Chapitre 34

La Sainte Vierge Marie dit : Mon Fils est semblable à un roi qui a une cité en laquelle il y a soixante-et-dix princes. En tout ce domaine, il n’y en avait qu’un seul qui était fidèle au roi. Lors les fidèles, voyant que les infidèles n’attendaient que la mort et la damnation, écrivirent à une dame très-familière au roi, la priant de prier Dieu pour eux, et qu’elle dit au roi qu’il leur écrivît quelques avertissements par lesquels ils retournassent à leur devoir. Elle parla au roi de l’importance du salut des infidèles.

Le roi lui dit : Il ne leur reste que la mort, et ils en sont dignes. Néanmoins, en considération de vos prières, je leur écrirai deux mots. Au premier sont trois choses : La damnation qu’ils méritent ; 2- la pauvreté et la confusion ; 3- la honte et la confusion comme à des pourceaux. Le deuxième mot est que celui qui s’humiliera aura la grâce et jouira de la vie.

Mais quand la lettre où étaient ces deux paroles, fut parvenue à ces infidèles, quelques-uns d’entre eux dirent : Nous sommes aussi forts que le roi, et partant, défendons-nous. Les autres dirent : Nous ne nous soucions point de la mort ni de la vie, nous en négligeons l’évènement. Les autres dirent : Aussi, tout ce que nous avons ouï est faux et controuvé ; cette lettre n’a jamais été de la bouche et de l’intention du roi.

Ayant donc ouï ces réponses, ces fidèles écrivirent à ladite dame familière du roi, disant : Ces infidèles ne croient point aux paroles du roi ni aux nôtres, c’est pourquoi demandez au roi qu’il leur envoie un signe signalé, afin qu’ils croient que la lettre est du roi.

Ce que le roi oyant, dit : Deux choses appartiennent spécialement au roi, la couronne et le bouclier. Personne ne peut porter la couronne royale que le roi. Le bouclier du roi pacifie et réconcilie ceux qui ont débat entre eux. Je leur enverrai donc ces deux choses, pour voir s’ils se convertiront de leur malice et s’ils croiront à mes paroles.

Ce roi ne signifie que mon Fils, qui est Roi de gloire, Fils de Dieu éternel et le mien. Il a le monde auquel il y a soixante-dix langues comme autant de domaines, et en chaque langue, un ami de mon Fils, c’est-à-dire, il n’y a point langue en laquelle mon Fils n’ait quelque ami, qu’on signifie néanmoins en un, à raison de l’unité de foi et d’amour. Mais moi, je suis la Dame très-familière au roi, et mes amis, voyant les misères du monde, m’ont envoyé leurs prières, me suppliant d’apaiser mon Fils irrité contre le monde, mon Fils qui, étant fléchi par mes paroles et celles des saints, a envoyé au monde ces paroles de sa bouche, qui étaient presçues de toute éternité ; et afin que la cruauté et mécréance des hommes ne pensassent que c’étaient des paroles controuvées, j’ai impétré la couronne et le bouclier du Roi, en signe, la couronne pour la puissance qui sera donnée à un sur les esprits immondes ; le bouclier pour les ouvrages de la paix, qui seront donnés à un autre, savoir, réformer et pacifier les cœurs à un cœur, et la mutuelle charité. Or, les paroles de mon Fils ne sont quasi que deux mots, savoir, malédiction contre ceux qui s’endurcissent, et humilité à ceux qui s’humilient.

Ces choses étant dites, le Fils parlait à la Mère : Bénie soyez-vous comme une mère qui est envoyée afin de prendre une épouse pour son Fils ! C’est aussi ainsi que je vous envoie à mes amis, afin qu’ils unissent les âmes à moi par un mariage spirituel, tel qu’il est décent et convenable à Dieu. Partant, en considération de votre grande miséricorde et du fervent amour dont vous aimez les âmes, je vous donne autorité sur cette couronne et ce bouclier, afin que, non-seulement vous la puissiez communiquer à deux, mais à ceux auxquels vous voudrez. Vous êtes pleine de miséricorde, et partant, vous attirez toute ma miséricorde sur les pécheurs. Bienheureux soit celui qui vous servira, car il ne sera délaissé ni en la vie ni en la mort!

Après, la Mère de Dieu parla à l’épouse : Il est écrit que saint Jean-Baptiste alla au-devant de la face de mon Fils, lequel tout le monde ne vit pas, d’autant qu’il était retiré dans les déserts : de même je vais au-devant du jugement effroyable de mon Fils avec miséricorde et clémence. Dites donc de ma part à celui qui a la couronne que toutes fois et quantes qu’il ressentira en soi l’Esprit d’amour et de ferveur de mon Fils, et que le mauvais esprit le vexera, il dise ces paroles : Dieu le Père, qui êtes avec le Fils et le Saint Esprit, Créateur de toutes choses et Juge d’icelles ; qui avez envoyé votre Fils au sein de la Vierge pour notre salut. Je te commande, ô esprit immonde ! je te commande de sortir, pour sa gloire et pour les prières de la Sainte Vierge, de cette créature de Dieu, au nom de celui qui est né de la Vierge, Jésus-Christ, un Dieu, qui est Père, Fils et Saint-Esprit.

Après, on dira de ma part à l’autre qui a le bouclier : Vous m’avez envoyé souvent comme votre messager à Dieu, et j’ai prié souvent mon Fils pour vous. Or, maintenant, je vous prie d’aller, vrai messager, au souverain chef de l’Église, car bien que Lucifer y soit, néanmoins, les paroles de mon Fils y seront accomplies selon da volonté. Mais quand il sera arrivé en France, ayant assemblé les princes, qu’il leur dise devant eux ces paroles : Que Dieu, qui est avec le Père et le Saint-Esprit, Créateur de toutes choses, qui a daigné descendre dans les entrailles de la Sainte Vierge, et unir l’humanité au Verbe, sans se séparer de la Divinité ; qui a eu un si grand amour envers la créature, que, voyant la lance, les clous aigus et tous les instruments de mort devant soi, il aima mieux mourir, souffrir toutes les peines horribles, avoir les nerfs déchirés, les mains et les pieds percés, que de se départir de l’amour qu’il portait à l’homme ; que Dieu, par sa passion, vous réunisse tous en un cœur, dont vous êtes depuis si longtemps séparés ; enfin qu’il lui propose les peines horribles de l’enfer, les joies indicibles des justes, et les supplices des mauvais, comme mon Esprit le lui a inspiré.