Pour le jour des morts.
Après que quatre ans se furent écoulés, sainte Brigitte vit derechef l’âme
susdite comme un jeune enfant très-beau à demi vêtu. Or, lors elle dit au Juge,
qui était assis sur un trône éminent, assisté de mille millions des saints, qui
tous l’adoraient à raison de sa patience et de son amour : O juge souverain,
cette âme, pour laquelle je priais, vous me dites que vous l’affranchiriez. Or,
maintenant, nous tous assemblés vous prions et demandons miséricorde pour elle ;
et bien que nous sachions que tout est en votre dilection, néanmoins, à raison
de votre épouse ici présente, nous parlons d’une manière humaine, bien que cela
ne soit en nous de même manière.
Le Juge répondit : Si un chariot était plein de gerbes et qu’un chacun en prît
une poignée, le nombre et le poids diminueraient : de même en est-il maintenant,
car plusieurs larmes de charité m’ont été présentées pour cette âme : partant,
le jugement veut qu’elle vienne à votre garde ; et vous, apportez-la au repos
que l’œil n’a vu, que l’oreille ne peut ouïr, qu’elle-même ne saurait
comprendre, si elle était en la chair, là où il n’y a point de ciel au-dessus ni
de terre au-dessous, où la hauteur est incompréhensible, la longueur indicible,
la largeur admirable et la profondeur incompréhensible ; où Dieu est sur toutes
choses au delà et entre toutes choses, régit, contient toutes choses, sans être
contenu par aucune.
Or, après, on vit que cette âme montait au ciel aussi reluisante que l’éclat
d’une étoile.
Et lors le Juge dit : Le temps viendra bientôt où je proférerai mes jugements et
ferai ma justice contre la famille de ce défunt, car cette race monte avec
superbe, mais elle descendra par la récompense de la superbe.
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