Notre-Seigneur Jésus-Christ reprend un roi et les hommes temporels qui attribuent les victoires, non à Dieu, mais à leur industrie et à la grandeur de leur armée, et leur force corporelle, disant : Nous allons à la guerre contre les ennemis, à l’exemple de David contre Goliath, mettant notre espérance en Dieu, avec néanmoins la discrétion humaine, car celui qui a Dieu pour coopérateur, vaincra très-facilement.
Chapitre 41

Le Fils de Dieu parle à son épouse et lui dit que ce roi est un enfant. Vous le pourrez conjecturer en sa conduite et en son armée innombrable. David, étant pasteur, ne vainquit-il pas le géant ? Mais comment ? Fut-ce par la sagesse et la puissance ? non, certes, mais par la vertu divine, car si Dieu n’eût étonné l’audace du géant et n’eût animé l’esprit de David, comment un enfant aurait-il assailli un géant, et comment une pierre aurait terrassé un si fort et eût touché un si docte et expert, si , en cette pierre, il n’y eût pas eu la vertu de Dieu?

Certainement, celui qui combat avec Dieu vainc facilement, et celui qui s’appuie en la vertu divine n’a pas besoin de tant de force corporelle, mais bien de foi et de charité. Les hommes du monde pensent vaincre par la force corporelle, et mettent l’heureuse issue de leur combat et l’industrie des hommes, et quand ils ont vaincu, ils attribuent plus la victoire à l’industrie des hommes qu’à la vertu divine, bien que ni les bons ni les mauvais ne puissent être vainqueurs sans la permission divine et sans sa justice, car souvent on voit les bons qui prospèrent sur les mauvais, et quelquefois, par un juste et occulte jugement de Dieu, les mauvais sur les justes ; et d’autant qu’il y a peu d’hommes qui considèrent la patience et la justice de Dieu, à raison de leur grande négligence, c’est pourquoi, c’est pourquoi la vertu divine est peu estimée dans les combats, mais on attribue tout a l’homme comme puissant.

Je n’ai pas dit sans sujet que ce roi est un enfant, car quand l’enfant voit deux pommes, l’une toute dorée à l’extérieur, mais très-bonne et fraîche au-dedans, il choisit plutôt celle qui est belle à l’extérieur et corrompue à l’intérieur, d’autant qu’il ne sait considérer que l’extérieur. De même en fait ce roi : il lui est avis qu’il est beau et excellent de marcher avec une grande armée, mais il ne considère pas la misère qui est au-dedans ; il ne considère pas combien de famines, de douleurs et d’angoisses s’ensuivront, et combien de misérables mourants de faim y sont entrés et s’en retourneront plus misérables. Or, il lui semble vil et abject de marcher avec une petite armée, mais une grande utilité y est cachée.

Qu’il aille donc avec une petite armée et avec humilité : je remplirai sa conscience de la divine sapience ; je fortifierai son corps de la force divine, car je puis faire d’un infirme un fort, un sublime d’un humble, un honorable d’un abject. Partant, dites-lui qu’il ne craigne point, qu’il mette son espérance en moi, et qu’il fasse ce qu’il pourra avec la sapience divine et la considération humaine : ce qu’il pourra de la sorte, où la sagesse humaine manquera, la charité et la bonne volonté l’excuseront.

ADDITION
Le Fils de Dieu parle : Celui qui désire visiter les terres des infidèles, doit avoir cinq choses :
1- il doit décharger sa conscience par la contrition et vraie confession, comme s’il devait mourir soudain. 2- Il doit déposer toutes les légèretés de ses mœurs et de ses vêtements, ne prenant point garde aux modes nouvelles, mais aux modes louables que ses prédécesseurs ont instituées ;
3- ne vouloir avoir autre temporel que ce qui est nécessaire pour vivre et pour l’honneur de Dieu, et que, s’il sait qu’il ait acquis quelque chose d’injuste, lui ou ses parents, qu’il le restitue, bien qu’il soit grand ou petit. 4- Qu’il s’efforce que les infidèles viennent à la vraie foi, ne désirant point leurs richesses ni chevances, si ce n’est ce qui est nécessaire à leur corps. 5- Vouloir franchement mourir pour l’honneur du Dieu, et de la sorte se disposer afin qu’il mérite d’arriver à une mort louable.