L’épouse se troublait de ce qu’elle n’obéissait point au Père spirituel avec patience et joie. Jésus-Christ dit que si elle prend la résolution de parfaitement obéir, bien que quelquefois la volonté y résiste, elle a néanmoins, obéissant de la sorte, un grand mérite, et les péchés passés en sont purifiés. Notre-Seigneur donne aussi les armes spirituelles du combat, c’est-à-dire, les vertus par lesquelles les justes combattent et surmontent, et les injustes sont terrassés et vaincus.
Chapitre 43

Le Fils de Dieu parle à son épouse, lui disant : Pourquoi vous troublez-vous ? Et bien que je sache toutes choses, néanmoins je le veux comme connaître par votre dire, afin que vous sachiez aussi qu’est-ce que je vous réponds.
L’épouse répondit : Je crains deux choses et me trouble de deux choses : 1- d’autant que je suis trop impatiente à obéir et moins joyeuse à pâtir ; 2- que vos amis sont assaillis de tribulations et que vos ennemis les surmontent.

Notre-Seigneur répondit : Je suis celui à qui vous vous êtes donnée pour obéir, et partant, à toute heure et à chaque moment que vous consentez à obéir et que vous voulez obéir, bien que la chair y résiste, il vous sera imputé à mérite et à purification de vos péchés. Au deuxième, savoir, que vous vous troublez de la contrariété de mes amis, je réponds par un exemple. Deux hommes combattent, l’un deux jette ses armes et l’autre s’en munit. Celui qui a jeté ses armes ne sera-t-il pas vaincu plus facilement que celui qui les amasse?

Il en est de même maintenant, car mes ennemis jettent leurs armes tous les jours. Trois sortes d’armes sont nécessaires pour combattre : la première est ce qui porte l’homme, comme un cheval, etc. La deuxième, ce par quoi l’homme se défend, comme le glaive, etc. La troisième, ce qui munit le corps, comme la cuirasse, etc.

Mais mes ennemis ont perdu, en premier lieu, le cheval de l’obéissance, par lequel ils étaient portés à toute sorte de biens, car c’est celle-là qui conserve l’amitié avec Dieu et garde à Dieu la foi promise. Ils ont encore jeté le glaive de la crainte divine, par lequel le corps est retiré des voluptés, et le diable se sépare de l’âme et n’ose s’en approcher. Ils ont encore perdu la cuirasse, qui les défendait des dards, c’est-à-dire, ils ont perdu la divine charité, qui réjouit dans les choses adverses, protége dans les prospères, purifie dans les tentations et adoucit les douleurs. Leur cuirasse, qui est la sagesse divine, croupit dans la boue. Les armes du col, c’est-à-dire, les pensées divines, sont aussi tombées, car comme par le col la tête est mue, de même, par les divines pensées, l’esprit doit prendre mouvement à tout ce qui concerne la gloire divine.

Mais hélas ! les divines pensées sont maintenant tombées, c’est pourquoi la tête est maintenant gisante avec les infirmes et est agitée des vents. Les armes aussi de sa poitrine sont oubliées et négligées, c’est-à-dire, la contrition avec la résolution de s’amender n’est plus. Ils se réjouissent dans leurs péchés, et désirent être plongés en eux tant qu’ils vivent. Les armes de leurs bras, c’est-à-dire, les bonnes œuvres leur sont vaines et odieuses, car ils font audacieusement ce qu’ils veulent, et n’en ont point de honte.

Mais mes chers amis se munissent de plus en plus des armes, car ils courent sur le cheval de l’obéissance, comme de fidèles serviteurs, laissant l’empire de leurs volontés à Dieu. Ils combattent contre les vices en la crainte de Dieu, comme de bons soldats. Ils souffrent avec amour toutes les rencontres fâcheuses, comme de généreux combattants, attendant le secours de Dieu, se munissent de la sapience divine et de la patience contre les médisants et criminateurs, comme ceux qui se sont retirés et éloignés du monde. Ils sont prompts et agiles aux choses divines, comme l’air qui va partout. Ils sont fervents vers Dieu plus que l’épouse aux embrassements de son cher époux. Ils sont prompts comme des cerfs, et forts pour fouler aux pieds toutes les délectations du monde, soigneux au travail comme des fourmis, vigilants comme des sentinelles.

Tels sont mes amis, et ils se munissent chaque jour des armes des vertus, lesquelles les ennemis méprisent, et partant, ils sont vaincus facilement. Donc, le combat spirituel qui est avec patience et amour divin, est plus noble et plus éminent que le combat corporel, et plus odieux au diable, car le diable ne s’efforce point d’ôter les choses corporelles, mais bien de corrompre les vertus, et de ravir la patience et la constance ès vertus. Partant, ne vous troublez pas, si quelques choses contraires assaillent mes amis, car il leur revient de là de grandes récompenses.