Cet homme que vous reconnaissez a trois ennemis : le premier est auprès de lui ;
il est là où il est ; il dort et veille avec lui, et il ne le voit point. Le
deuxième lui est familier, il est près de lui quand il veille, et il ne l’oit
point. Le troisième ne lui est pas familier ; il ne le connaît pas, et celui-ci
le hait.
Le premier ennemi est le diable, qui le tente de superbe, de cupidité, et de
plusieurs autres choses ne plusieurs manières. Contre cet ennemi, il doit se
munir d’un fouet, pensant : O diable, vous ne donnez rien de bon : pourquoi me
rendrai-je superbe ? Vous me cherchez aussi pour me perdre, et Jésus-Christ me
donne la vie. Partant, il est raisonnable que je fuie ta volonté et que je suive
la volonté de Dieu et ses préceptes. Partant, quiconque veille ou dort avec une
telle intention, menace de son fouet le diable, qui, en étant épouvanté,
s’enfuit.
Le deuxième ennemi, ce sont ses familiers et ses serviteurs qui lui disent :
Vous encourez de grands dommages, si vous êtes trop juste ; vous pourrez faire
votre profit en dissimulant plusieurs choses ; si vous êtes trop humble, vous
serez méprisé : c’est pourquoi amassez des richesses, et faites-nous riches tous
; désirez les honneurs du monde, et nous nous réjouirons avec vous. Cet ennemi
se fait ouïr tous les jours, et partant, il faut édifier un grand mur contre cet
ennemi, afin qu’on ne l’entende : ce mur est la bonne volonté, savoir, qu’il
désire embrasser plutôt la pauvreté avec la justice que les richesses avec
l’injustice, et plutôt avoir la confusion avec l’humilité que l’honneur avec la
superbe, et qu’il réponde à son ennemi, mauvais conseiller : Si je fais contre
Dieu, priez et avertissez-moi, car lors je me réjouirai plutôt que je ne m’en
attristerai. Qu’on mette donc entre l’ennemi et lui un tel mur, de sorte que le
vent de ses paroles flatteuses frappe contre le mur, et non contre le cœur, afin
qu’il ne s’éloigne de l’amour divin.
Le troisième ennemi est celui qu’il ne connaît pas. Ceux-là désirent sa honte et
confusion, son dommage et sa vie très-courte, afin qu’ils jouissent des
prospérités et obtiennent ses richesses. Partant, qu’il ait contre cet ennemi
une corde forte, c’est-à-dire, l’amour de Dieu et du prochain, désirant souffrir
tout ce que Dieu veut qu’il pâtisse, ne voulant endommager personne ; et lors
l’opprobre et la confusion que ses ennemis voulaient jeter en son front, lui
réussira à honneur, le dommage à utilité, la vie courte à longs jours, et
l’ennemi est tellement lié qu’il ne peut plus nuire.
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