Le Fils de Dieu parle à son épouse, lui disant : C’est une grande chose, voire
c’est un monstre horrible que là où le Roi de gloire s’est humilié, là l’homme
obligé à rendre compte, s’enorgueillisse, car si quelqu’un est supérieur aux
autres, il ne doit s’enorgueillir d’être prélat, mais plutôt craindre, car tous
sont égaux en nature et toute puissance est de Dieu. En vérité, si celui que
Dieu fait supérieur est bon, il profite à son salut et à celui des autres ; s’il
est mauvais, c’est la permission de Dieu, pour la correction des sujets et à sa
plus grande condamnation, ni n’est point de merveille, mais digne et juste, que
l’homme qui a négligé de se soumettre à son Créateur, expérimente la domination
de l’inférieur et ses conseils.
Donc, quand quelqu’un est contraint d’être supérieur ou désire l’être, qu’il se montre tel à ses sujets, qu’il soir
désirable à raison de ses mœurs et de sa bonne vie, utile en la justice et
équité. Enfin de sa nature, celui qui est prélat doit s’humilier et ses mesurer
par sa propre mesure, afin qu’il ne s’élève par-dessus soi-même, et qu’il
apprenne en soi d’avoir compassion des autres. Qu’il craigne aussi que, de la
même mesure qu’il mesure les autres, on ne le mesure (Matt.4.Luc. 16.), car moi,
Dieu et homme, je me suis tellement tempéré que, bien que je connusse les
défauts des hommes par ma science infaillible, je les ai voulu connaître par les
peines, par les croix, en les expérimentant ; et enfin, pour me donner en
exemple à eux, j’ai commencé plutôt par faire que par commander et enseigner ;
j’ai voulu servir, et non être servi. De même en a fait ma très-chère Mère, car
bien qu’elle fût maîtresse des apôtres, elle a été la plus humble de tous, et
elle a été quasi un des moindres : c’est pourquoi aussi elle a monté à la
souveraine félicité.
Que le prélat donc apprenne en ses propres infirmités à supporter les défauts
des sujets, et qu’il prenne garde qu’il ne donne sujet ou occasion aux autres de
péché et de ruine par ses paroles et ses exemples, en abusant de sa puissance,
car il n’y a rien qui provoque tant l’ire de Dieu, attire, entraîne même les
hommes à pécher, que la lasciveté des prélats, car si Héli, le grand-prêtre, fût
demeuré en la vigueur du sacerdoce et eût aimé ses enfants spirituellement,
comme jadis Phinées et Moïse, toute sa génération eût été sauvée ; mais d’autant
qu’il voulut plaire charnellement à ses enfants, il laissa sa mémoire en
tribulation et sa postérité en confusion.
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