Jésus-Christ dit que le monde était comme une solitude, et il a illuminé le monde et a montré le chemin du ciel. Il a envoyé ce livre ; ceux qui le recevront et le garderont par œuvre, seront sauvés.
Chapitre 54

La Sainte Vierge Marie parle à sa fille, disant : Béni soyez-vous, ô mon Fils ! Vous êtes le principe, sans principe du temps, et puissance sans laquelle nul n’est puissant. Je vous en prie, mon Fils, achevez puissamment ce que vous avez sagement commencé. Le Fils répondit : Vous êtes comme un boisson douce à celui qui a soif, et comme une fontaine arrosant les choses arides, d’autant que, par vous, tout grâce fleurit. C’est pourquoi je ferai ce que vous demandez.

Le Fils parle encore : Le monde, avant mon incarnation, était comme une solitude en laquelle il y avait un puits dont l’eau était fort trouble et immonde. Tous ceux qui en buvaient avaient plus de soif, et ceux qui avaient mal aux yeux s’en trouvaient pis. Auprès de ce puits, il y avait deux hommes, l’un desquels criait, disant : Buvez en assurance, car le médecin est venu qui ôtera toutes les langueurs. L’autre disait : Buvez joyeusement. Il est vain et inutile de désirer ce qui est incertain.

Sept voies conduisaient à ce puits, c’est pourquoi ce puits était désiré de tous. Ce monde est semblable à la solitude, où sont les bêtes, les arbres infructueux et les eaux immondes ; car l’homme désirait comme une bête épandre le sang de son prochain ; il était infructueux ès œuvres de justice, et immonde par l’incontinence et cupidité. Les hommes cherchaient un puits trouble en cette solitude, qui était l’amour du monde, et son honneur, qui est haut en orgueil, trouble en la sollicitude et soin de la chair, et par les sept péchés capitaux. L’entrée était ouverte à ce puits. Les deux hommes qui étaient auprès du puits sont les docteurs des Gentils et des Juifs, car les docteurs des Juifs étaient orgueilleux de leur loi qu’ils avaient et qu’ils n’observaient pas ; et d’autant qu’ils étaient infatigables en leur cupidité, ils incitaient le peuple à chercher les richesses temporelles, disant : Vivez assurément, car le Messie viendra, et il restituera toutes choses. Les docteurs des Gentils disaient : Usons des créatures que vous voyez, d’autant que le monde fut créé pour nous réjouir.

L’homme demeurant ainsi plongé en son aveuglement, et ne considérant pas la grandeur divine ni les choses futures, lors moi, un avec le Père et le Saint-Esprit, suis venu au monde, et m’étant revêtu de l’humanité, je prêchai, disant que ce que Dieu avait promis et que Moïse avait écrit, était accompli. Aimez donc les choses célestes, car les choses mondaines passent, et je donnerai les choses célestes.

J’ai aussi montré sept voies par lesquelles l’homme se retire de la vanité, car j’ai montré la pauvreté et l’obéissance ; j’ai enseigné les jeûnes et l’oraison ; je fuyais quelquefois les hommes et demeurais seul en prière. J’ai embrassé les opprobres ; j’ai choisi les douleurs et les labeurs ; j’ai soutenu les peines et la mort ignominieuse.

Or, j’ai montré par moi-même cette voie par laquelle mes amis marcheraient dès longtemps ; mais maintenant cette voie est ruinée. Les gardiens dorment, les passants se plaisent aux vanités et nouveautés, c’est pourquoi je me lèverai et ne me tairai pas. J’ôterai la voix de la joie, et je louerai ma vigne à d’autres, qui rendront les fruits en son temps. En vérité, selon la commune maxime, entre les ennemis se trouvent des amis : partant, j’enverrai à mes amis mes paroles plus douces que le miel, plus précieuses que l’or, et ceux qui les auront et les garderont, auront un trésor qui ne s’épuise jamais et qui s’augmente jusqu’à la vie éternelle.