La Sainte Vierge Marie parle à sa fille, disant : Béni soyez-vous, ô mon Fils !
Vous êtes le principe, sans principe du temps, et puissance sans laquelle nul
n’est puissant. Je vous en prie, mon Fils, achevez puissamment ce que vous avez
sagement commencé.
Le Fils répondit : Vous êtes comme un boisson douce à celui qui a soif, et comme
une fontaine arrosant les choses arides, d’autant que, par vous, tout grâce
fleurit. C’est pourquoi je ferai ce que vous demandez.
Le Fils parle encore : Le monde, avant mon incarnation, était comme une solitude
en laquelle il y avait un puits dont l’eau était fort trouble et immonde. Tous
ceux qui en buvaient avaient plus de soif, et ceux qui avaient mal aux yeux s’en
trouvaient pis. Auprès de ce puits, il y avait deux hommes, l’un desquels
criait, disant : Buvez en assurance, car le médecin est venu qui ôtera toutes
les langueurs. L’autre disait : Buvez joyeusement. Il est vain et inutile de
désirer ce qui est incertain.
Sept voies conduisaient à ce puits, c’est pourquoi ce puits était désiré de
tous. Ce monde est semblable à la solitude, où sont les bêtes, les arbres
infructueux et les eaux immondes ; car l’homme désirait comme une bête épandre
le sang de son prochain ; il était infructueux ès œuvres de justice, et immonde
par l’incontinence et cupidité. Les hommes cherchaient un puits trouble en cette
solitude, qui était l’amour du monde, et son honneur, qui est haut en orgueil,
trouble en la sollicitude et soin de la chair, et par les sept péchés capitaux.
L’entrée était ouverte à ce puits. Les deux hommes qui étaient auprès du puits
sont les docteurs des Gentils et des Juifs, car les docteurs des Juifs étaient
orgueilleux de leur loi qu’ils avaient et qu’ils n’observaient pas ; et d’autant
qu’ils étaient infatigables en leur cupidité, ils incitaient le peuple à chercher les richesses
temporelles, disant : Vivez assurément, car le Messie viendra, et il restituera
toutes choses. Les docteurs des Gentils disaient : Usons des créatures que vous
voyez, d’autant que le monde fut créé pour nous réjouir.
L’homme demeurant ainsi plongé en son aveuglement, et ne considérant pas la
grandeur divine ni les choses futures, lors moi, un avec le Père et le
Saint-Esprit, suis venu au monde, et m’étant revêtu de l’humanité, je prêchai,
disant que ce que Dieu avait promis et que Moïse avait écrit, était accompli.
Aimez donc les choses célestes, car les choses mondaines passent, et je donnerai
les choses célestes.
J’ai aussi montré sept voies par lesquelles l’homme se retire de la vanité, car
j’ai montré la pauvreté et l’obéissance ; j’ai enseigné les jeûnes et l’oraison
; je fuyais quelquefois les hommes et demeurais seul en prière. J’ai embrassé
les opprobres ; j’ai choisi les douleurs et les labeurs ; j’ai soutenu les
peines et la mort ignominieuse.
Or, j’ai montré par moi-même cette voie par laquelle mes amis marcheraient dès
longtemps ; mais maintenant cette voie est ruinée. Les gardiens dorment, les
passants se plaisent aux vanités et nouveautés, c’est pourquoi je me lèverai et
ne me tairai pas. J’ôterai la voix de la joie, et je louerai ma vigne à
d’autres, qui rendront les fruits en son temps. En vérité, selon la commune
maxime, entre les ennemis se trouvent des amis : partant, j’enverrai à mes amis
mes paroles plus douces que le miel, plus précieuses que l’or, et ceux qui les
auront et les garderont, auront un trésor qui ne s’épuise jamais et qui
s’augmente jusqu’à la vie éternelle.
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