Pour le jour de la Nativité.
La Sainte Vierge Marie parle : Quand ma mère m’engendra, je sortis par la porte
commune, car aucun ne doit naître par autre manière, excepté Jésus-Christ, qui,
étant le Créateur de tout le monde, a voulu aussi naître admirablement et d’une
manière tout ineffable. Mais quand je fus née, les diables le surent et
pensèrent en eux-mêmes : Voici qu’une Vierge est née, qu’est-ce que nous ferons,
car il arrivera en elle quelque chose de grand ? Si nous lui appliquons tous les
rets des finesses de notre malice, elle les rompra comme des étoupes. Si nous
regardons son intérieur, nous la trouverons grandement munie, ni on ne trouve en
elle aucune tache où on puisse mettre la pointe du péché : C’est pourquoi il est
à craindre que sa pureté nous donnera de la peine, sa grâce dissipera toute
notre force, sa constance nous foulera à ses pieds.
Or, les amis de Dieu, qui attendaient depuis longtemps, disaient, Dieu les
inspirant : Pourquoi nous affligerons-nous davantage ? Il nous faut plutôt
réjouir, car la lumière qui illuminera nos ténèbres est née ; nous désirs sont
accomplis. Les anges se réjouirent aussi, bien que leur joie soit toujours en la
vision divine, disant : Quelque chose de désirable est né en la terre, et c’est
une merveille d’amour par laquelle la paix du ciel et de la terre sera affermie,
et nos ruines seront réparées.
De vrai, ma fille, je vous dis que ma naissance fut le commencement des joies,
car lors apparut cette verge d’où est éclose la fleur que les rois et les
prophètes désiraient voir. Après que j’ai été plus âgée et que j’ai pu
comprendre mon Créateur, j’ai été intimement touchée d’un amour indicible, et je
désirais Dieu de tout mon cœur. J’ai été aussi conservée d’une grâce admirable,
en sorte qu’en mes jeunes et tendres années, je ne consentais pas au péché,
d’autant que l’amour de Dieu, le soin des parents, la nourriture et honnête
éducation, la conservation des faveurs et la ferveur de connaître éminemment
Dieu, persévéraient en moi.
Or, maintenant je me plains que les femmes qui sont engendrées et engendrent
avec horreur, naissant avec immondices, se délectent en icelles, et ne
considèrent point la pureté de ma naissance, mais sont pires que les juments,
d’autant qu’elles vivent sans raison ; elles vivent de vrai selon la chair :
c’est pourquoi leur volupté passera ; l’esprit de pureté se retira ; les joies
éternelles s’enfuiront d’elles ; l’esprit d’impureté qu’elles suivent les
enivrera.
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