La Mère de Dieu dit à sainte Brigitte : Quand l’ange m’annonçait que le Fils de
Dieu naîtrait de moi, soudain que j’eus consenti, je ressentis en moi quelque
chose d’admirable et d’inaccoutumé ; et partant, admirant cela, soudain je
montai, afin de la consoler, à sainte Élisabeth, ma cousine, qui était enceinte,
et pour parler avec elle de ce que l’ange m’avait dit ; mais m’étant venue
au-devant auprès d’une fontaine, et nous étant baissées et embrassées, son
enfant se réjouit en son ventre d’une manière admirable. Je fus alors touchée en
mon cœur d’un nouveau ressentiment de joie, de sorte que ma langue proférait des
paroles de Dieu incompréhensibles, et à grand peine mon âme les comprenait-elle,
tant elle était dans les ressentiments de la joie!
Or, Élisabeth admirant la ferveur de l’Esprit qui parlait en moi, et moi
admirant semblablement en elle la grâce de Dieu, nous demeurâmes quelques jours
ensemble, bénissant Dieu. Après cela, une pensée commença à solliciter mon
esprit avec quelle dévotion et comment je me devais gouverner après avoir reçu
une si grande grâce ; qu’est-ce que je devais répondre à ceux qui me
demanderaient comment j’aurais conçu, ou qui était le père de l’enfant qui
devait naître, ou que dirais-je à Joseph, si l’ennemi le tentait et entrait en
soupçon de moi.
Pendant que ces pensées roulaient en mon esprit, un ange, semblable à celui qui
m’était apparu auparavant, me dit : Notre Dieu, qui est éternel, est avec vous
et en vous : ne craignez donc, car lui vous donnera la grâce de parler ; il
dirigera vos pas et vos lieux ; il accomplira son œuvre avec vous puissamment et
sagement. Or, Joseph, à qui vous êtes recommandée, s’étonnera quand il apprendra
que vous êtes enceinte, et se réputera indigne d’habiter avec vous.
Et comme Joseph était en anxiété et ne savait ce qu’il fallait faire, l’ange lui
dis dans son sommeil : Ne vous retirez pas de la Vierge qui vous est
recommandée, car comme vous l’avez ouï d’elle, ainsi est-il, car elle a conçu de
l’Esprit de Dieu, et elle enfantera un Fils qui sera le Sauveur du monde.
Servez-la donc fidèlement, et soyez témoin et gardien de sa pudeur.
Depuis ce jour-là, Joseph me servit comme sa maîtresse, et moi je m’humiliai aux
plus petites de ses œuvres. Après, j’étais en continuelle oraison, étant
rarement vue, voyant rarement, et sortant très-rarement, si ce n’était aux fêtes
principales. J’étais fort attentive aux vigiles et leçons que nos prêtres
disaient, ayant quelque temps destiné aux œuvres manuelles. Je fus discrète au
jeûne, selon qui ma nature le pouvait supporter pour le service de Dieu. Tout ce
que nous avions de superflu, nous le donnions aux pauvres, contents de ce que
nous avions.
Mais Joseph me servit si fidèlement qu’on n’ouït jamais de sa
bouche une parole de cajolerie murmure, jamais courroux, car il était
très-patient en la pauvreté, soigneux en son labeur où il était nécessaire, doux
à ceux qu’il reprenait, obéissant à mon service, prompt défenseur de ma
virginité, très-fidèle témoin des merveilles de Dieu. Il était aussi tellement
mort au monde et à la chair qu’il ne désirait que les choses célestes. Il était
aussi si croyant aux promesses de Dieu qu’il disait incessamment : Plût à Dieu
que je vive, et que je vive, et que je voie les volontés de Dieu accomplies !
car rarement venait-il aux assemblées des hommes et a leurs conseils, car tout
son désir fut d’obéir aux volontés divines, c’est pourquoi sa gloire est
maintenant grande.
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