Le prêtre pour lequel vous me priez est comme une pincette avec laquelle il
attire l'or de ma vertu ; il est comme un souffle dégénéré qui ne se soucie
d'entendre la voix de la mère. Quand il vient à l'autel, deux diables assistent
à ses deux côtés, l'âme duquel ils possèdent, d'autant qu'elle est morte devant
moi.
Quand il met le surhuméral, les démons couvrent son âme et l'occupent ailleurs,
afin qu'elle ne pense et n'entende combien il est horrible d'approcher de mon
autel, et combien pur doit être celui qui s'approche de moi, qui suis très pur.
Quand il s'habille de l'aube, il se revêt de la dureté du cœur et de
l'indévotion, d'autant qu'il croit que son péché n'est pas grand, que le
supplice éternel ne sera pas si dur, et il ne lui arrive jamais à l'esprit
qu'elle est la joie des bienheureux.
Quand il met l'étole, le diable pose un grand joug lourd et pesant sur son col,
d'autant que la douceur du péché lui plaît grandement ; et ainsi, il charge son
âme, ne la laisse pas gémir ni considérer son péché.
Quand il prend la manipule, toutes les œuvres divines lui sont à charge, à
honte, et les œuvres terrestres lui sont faciles.
Quand il prend la ceinture, lors sa volonté est liée au diable, de sorte qu’il
propose aucunement de mourir en son péché ; et lors, ma charité se retire de
lui, d’autant que sa volonté se porte à tout ce que le diable veut et lui
suggère, excepté quand les jugements effroyables de ma juste indignation le
retiennent.
Quand il prend la chasuble, lors le diable le revêt de perfidie.
Quand il dit le Confiteor, les diables répondent et disent : Tu as menti ! Nous
en sommes témoins : ta confession est semblable à celle de Judas, d’autant qu’il
a une chose au cœur et une autre à la bouche.
Quand il s’aproche de l’autel, lors je détourne ma face de lui.
Quand il dit la messe, soit de ma Mère ou de quelque’autre saint, il m’est aussi
agréable que si une méchante femme offrait un vase immonde à quelque seigneur,
ou si quelqu’un disait à son ennemi :Donnez vous garde, je cherche votre mort.
Quand il consacre mon cœur et dit : : Ceci est mon corps, lors les diables
s’enfuient de lui, et son corps demeure comme un tronc, car son âme est morte
devant mes yeux.
Quand il approche mon corps de sa bouche, de la présomption qu’il a de le
recevoir sans craindre, toute la troupe des démons retourne à lui, d’autant
qu’il ne m’aime point. En vérité, je suis si miséricordieux que, s’il disait
d’un cœur contrit et avec résolution de s’amender : Seigneur, je vous en
supplie, pardonnez mes péchés par le mérite de votre passion et de votre amour,
je le prendrais, et les diables ne retourneraient point à lui. Mais hélas ! il
n’a que la méchanceté du monde en la bouche ; dans son cœur grouillent les vers
à troupes, qui l’empêchent de goûter ma parole ; les paroles inutiles de son
cœur le rongent incessamment et l’occupent, afin qu’il ne pense point à moi.
Voilà pourquoi il n’arrivera jamais à mon autel.
Or, quel est mon autel, si ce n’est la table céleste et a gloire dans les cieux,
dont les anges et les saints se réjouissent ? Cela est représenté par l’autel de
pierre qui est dans l’église, et sur lequel est sacrifié le corps qui fut
autrefois crucifié en la croix. Les sacrifices signifiaient jadis ce qui se fait
maintenant et l’Eglise. Or, que marque la table céleste, si ce n’est la
jubilation et la joie des anges?
Or , ce prêtre ne goûtera jamais cette joie indicible en la gloire éternelle ;
il n’assistera jamais devant ce mien autel, ni ne verra jamais ma face. Je suis
comme le vrai pélican, qui leur donne mon propre sang, et les réfectionne, en
cette vie et en la vie future, jusqu’à rassasiement. Or, cet aigle abominable
les repaîtra, l’aigle dont la coutume est de ravir à ses petits quelquefois les
choses nécessaires, de sorte que la maigreur de la faim paraît en eux tout le
temps de leur vie : de même le diable repaît de ses délectations quelque temps,
afin qu’après, il ressente la famine de la joie, faim qui durera éternellement
en lui. Néanmoins, je lui ferai miséricorde, s’il se convertit pendant qu’il
vit.
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