Au royaume de Suède, un grand et illustre, qui s’appelait Israël, étant souvent
prié par le roi de prendre le gouvernement du royaume, le refusa, tant il
brûlait de désir de combattre contre les païens, de mourir pour la foi au
service de Dieu, et de n’avoir inclination aucune à la dignité royale ! Lors la
Sainte Vierge dit à sainte Brigitte, qui était en oraison : Si ceux qui ont et
savent la justice, qui la désirent, qui la peuvent faire, refusent
d’entreprendre la charge et la peine pour l’amour de Dieu, comment le royaume
demeurera-t-il en sa vigueur ? Malheur ! Il ne sera pas royaume, mais une
volerie, une caverne de tyrans où les méchants commandent et où les justes sont
foulés aux pieds.
Et partant, l’homme juste et bon doit être attiré par l’amour de Dieu et par le
zèle au gouvernement, afin qu’il profite à plusieurs. Et ceux qui ambitionnent
les dignités pour l’honneur du monde, ne sont pas de vrais princes, mais des
tyrans très-méchants. Que donc Israël, mon ami, entreprenne le gouvernement pour
l’honneur de Dieu, ayant en la bouche les paroles de vérité, et en la main le
glaive de justice, ne regardant ni inclinant aux faveurs du monde, ni aux
alliés, ni ayant acception de personnes.
Je ne vous dis pas ce qui se dira de celui-ci de la bouche des hommes. Il est
sorti généreusement de sa patrie ; il a honoré sincèrement : partant, sachez que
je le conduirai à ma patrie par une autre voie.
Ces choses arrivèrent ensuite en même manière, car quelques années s’étant
écoulées, ce seigneur alla contre les fidèles et vint aux Allemagnes, où il fut
grandement malade ; et sentant que la mort s’approchait, il monta avec
quelques-uns à l’église cathédrale, et là, il mit son anneau au doigt d’une
image de Notre-Dame qu’il avait tant aimée, et qui était là honorée avec une
très-grande révérence ; et laissant là son anneau, il dit : Vous êtes ma Dame et
me l’avez été toujours très-douce, sur quoi je vous appelle à témoin. Je vous
laisse moi et mon âme à votre providence et miséricorde. Et ayant
très-dévotement pris les sacrements, il mourut.
Après, l’épouse priant pour lui, la Mère de Dieu parlait de lui, disant : Il m’a
donné l’anneau de son amour, me désirant pour épouse. Sachez, ma fille, qu’en
vérité il m’a aimée de tout son cœur, et il a craint mon Fils en toutes ses
œuvres et jugements : c’est pourquoi je le conduis par la grâce et coopération
de Dieu, mon Fils, par les voies les plus nécessaires et à lui plus utiles, et
l’ai présenté à la troupe des saints et des anges, desquels il était aimé, afin
que, s’il fût mort en la main de ses parents, les consolations temporelles ne
l’eussent empêché de plus grands biens. En vérité, sa bonne volonté a autant plu
à Dieu que s’il fût mort parmi les païens, combattant contre eux pour la sainte
foi catholique.
|