Réjouissez-vous éternellement, ô précieux corps de Dieu, en un honneur
perpétuel, en continuelle victoire, en éternelle puissance, avec votre Père et
le Saint-Esprit, avec la Vierge Marie, votre très-digne Mère, et avec toute la
cour céleste! Louange vous soit, ô Dieu éternel, et actions de grâces infinies,
parce qu’il vous a plu de vous faire homme, et avez voulu que le pain fût
transubstantié en votre corps, par vos saintes paroles, et l’avez donné en
viande comme par un excès d’amour pour le salut de nos âmes!
Il arriva une fois à une personne qui était profondément plongée en l’oraison,
qu’elle ouït une voix qui lui disait : O vous à qui sont faites les faveurs
d’ouïr et de voir les choses spirituelles, écoutez maintenant ce que je vous
veux manifester de cet archevêque qui a dit que, s’il était pape, il donnerait
licence à tous les prêtres de se marier, croyant et pensant que cela serait plus
agréable à Dieu que de voir les prêtres vivre avec tant de dissolution; il
disait encore que, par ce mariage, s’éviteraient tant de péchés charnels; et
bien qu’en cela il n’entendît pas la volonté de Dieu, néanmoins il était ami de
Dieu. Or, maintenant, je vous déclarerai la volonté de Dieu sur cela, car j’ai
engendré le Dieu même, et vous signifierez cela à cet archevêque, lui parlant en
ces termes : A Abraham fut donnée la circoncision longtemps avant que la loi fût
donnée à Moïse, et au temps d’Abraham, les hommes étaient gouvernés selon qu’ils
entendaient et selon qu’ils voulaient, et néanmoins plusieurs étaient lors amis
de Dieu.
Mais après que la loi fut donnée à Moïse, lors il plut plus à Dieu que les
hommes vécussent selon la loi que selon leur volonté. Il en fut de même du
précieux corps de mon Fils, car quand il eut institué le saint Sacrement de
l’autel, qu’il fut monté au ciel, lors cette loi ancienne était encore gardée,
savoir, les prêtres de Jésus-Christ vivaient en un mariage charnel, et néanmoins
plusieurs d’iceux étaient amis de Dieu, d'autant qu’ils croyaient en simplicité
que cela était agréable à Dieu, comme il lui fut agréable au temps des Juifs, et
cela fut observé plusieurs années par les apôtres chrétiens.
Mais cette coutume et observance était abominable et odieuse à toute la cour céleste, et à moi, qui
ai engendré le corps de mon Fils, de voir que des mariés touchassent de leurs
mains le corps précieux de mon Fils au saint Sacrement, car les Juifs, en leur
ancienne loi, n’avaient que l’ombre et la figure de ce sacrement; mais les
chrétiens ont maintenant la vérité même, savoir, Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai
homme en ce sacrement sacro-saint.
Mais après quelque temps que les prêtres anciens observaient cela, Dieu, par
l’infusion de son Esprit, le versa au cœur du pape, pour qu’il ordonnât que
désormais les prêtres qui consacreraient le corps précieux de Jésus-Christ ne
seraient point mariés ni ne jouiraient des délices infâmes de la chair. Et
partant, par l’ordonnance divine et par son juste jugement, il a été justement
ordonné que les prêtres vivraient en la chasteté et continence de la chair,
autrement qu’ils seraient maudits et excommuniés devant Dieu, et dignes d’être
privés de l’office de prêtres, néanmoins que ceux qui s’amenderaient
véritablement avec résolution de ne plus pécher, obtiendraient miséricorde de
Dieu.
Sachez aussi que si quelque pape donne aux prêtres licence de se marier
charnellement, lui-même sera damné de Dieu par la même sentence, comme celui qui
aurait grandement péché, à qui on devrait, selon le droit, arracher les yeux
couper les lèvres, le nez et les oreilles, les pieds et les mains, et le corps
duquel devrait être tout ensanglanté et congelé de froid; et d’ailleurs qu’on
devrait donner ce corps mort aux oiseaux et aux bêtes sauvages : il en
arriverait de même à ce pape qui voudrait donner licence aux prêtres de se
marier, contre la susdite ordonnance divine, car ce pape serait soudain privé de
la vue et ouïe spirituelle, de la parole, des œuvres spirituelles, et toute sa
sapience spirituelle défaudrait spirituellement; et d’ailleurs, son âme
descendrait en enfer pour y être éternellement tourmentée et être la proie des
démons. Voire si saint Grégoire le pape eût établi cette loi, il n’eût jamais
obtenu miséricorde de Dieu, s’il n’eût révoqué une telle sentence.
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