Notre-Seigneur avertit les habitants de Naples par la suivante révélation, publiée devant l’archevêque, etc. de bien vivre; et il les menace autrement.
Chapitre 27

Sainte Brigitte veillant, étant en oraison et en la sublime contemplation, et étant ravie, Jésus-Christ lui apparut, lui parlant en ces termes : Oyez, vous à qui Dieu a donné la grâce d’ouïr et de voir les choses spirituelles, et écoutez diligemment, et tenez en votre esprit ce que vous oyez maintenant, car vous l’annoncerez de ma part aux nations.

Ne dites pas ces choses ici pour vous acquérir de l’honneur ou quelque louange humaine, ni aussi ne les taisez pas par la crainte de quelque empire humain et de peur de quelque mépris, d'autant que ces choses ne vous sont pas tant seulement montrées pour l’amour de vous, mais encore, pour l’amour des prières de mes amis, vous seront montrées celles qui suivent, car quelques-uns de mes élus de la cité de Naples m’ont prié de longues années de tout leur cœur pour mes ennemis qui sont en la même cité, afin que je leur montrasse quelque faveur par laquelle ils se puissent retirer de leurs péchés et mauvaises habitudes, et se convertir salutairement, aux prières desquels ayant donné effet, je vous donne ces paroles que je désire que vous écoutiez attentivement.

Je suis Créateur et Seigneur de toutes choses, tant sur les diables que sur les anges, et pas un n’évitera mon jugement.
Le diable a péché contre moi en trois manières : par superbe, envie et arrogance, c’est-à-dire, par amour-propre. Certainement il fut si superbe qu’il a voulu être seigneur sur moi, afin que je fusse son sujet; il me portait aussi une si grande envie, que, s’il eût été possible, il m’eût tué, afin qu’il fût Seigneur et pût occuper mon trône. Sa volonté propre aussi lu fut si chère qu’il ne se souciait point de la volonté de Dieu, pourvu qu’il pût accomplir la sienne; c’est pourquoi il tomba des cieux, et d’ange, il a été fait diable dans les abîmes de l’enfer. Et après, voyant sa malice, sa grande envie qu’il avait contre l’homme, je lui montrai ma volonté et donnai mes commandements aux hommes, afin que, les accomplissant, ils puissent me plaire et déplaire au diable. Après, poussé par l’amour que je portais aux hommes, je suis venu au monde et ai pris la chair de la Sainte Vierge; je leur ai enseigné en personne la vraie voie de salut par œuvres et par paroles, et afin de leur montrer et manifester mon amour infini, je leur ai ouvert le ciel par mon précieux sang.

Mais qu’est-ce que ces hommes, mes ennemis, me font maintenant? Ils méprisent mes commandements; ils me chassent de leurs cœurs comme un poison mortifère; ils me crachent de leurs bouches comme une chose pourrie, et ont horreur de me voir comme un lépreux, qui est extrêmement puant.

Or, ils embrassent le diable et ses œuvres de tout leur cœur et œuvres, ils l’introduisent dans leurs cœurs, faisant sa volonté franchement et avec plaisir, et suivant ses mauvaises suggestions : c’est pourquoi, par mon juste jugement, ils seront récompensés en enfer avec le diable d’un supplice éternel, car pour la superbe qu’ils adorent, ils auront la confusion éternelle, de sorte que les anges et les diables diront : Ils sont remplis de confusion jusques au sommet. Pour leur cupidité insatiable, chaque diable les remplira de leur venin pestifère, en sorte que, dans leurs âmes, il n’y aura rien de vide qui ne soit rempli de ce venin.

Pour la luxure dont ils brûlent, ils seront privés éternellement, comme des animaux insensés, de la vision divine, mais ils en seront éloignés et seront privés de leurs voluptés déréglées. Au reste, sachez que, comme tous les péchés sont très-graves, aussi le péché véniel, si l’homme met son affection et délectation en lui avec volonté et mépris, est fait mortel, savoir, quand on y met sa dernière fin. Partant, sachez qu’il y a deux sortes de péchés que je vous nommerai, qui attirent tous les autres péchés, qui semblent néanmoins véniels; mais d'autant qu’on s’y plaît avec volonté d’y persévérer, finalement c’est ce qui fait qu’ils sont mortels, attirant aux mortels.

Les citoyens de Naples commettent bien d’autres péchés abominables que je ne veux pas nommer : le premier est qu’on farde et plâtre les visages vivants comme ceux des statues des idoles, afin qu’ils paraissent plus beaux que je ne les ai faits.
Le deuxième péché est que les femmes usent de nouvelles formes et façons de vêtements, de sorte qu’elles en sont difformes, et cela à raison de leur superbe, et afin d’être vues plus belles et plus lascives en leurs corps que je ne les ai créées, afin que, les voyant telles, les hommes et les femmes soient enflammés et provoqués à la concupiscence.

Partant, sachez pour certain que toutes fois et quantes qu’ils plâtrent et peignent leurs visages de céruse ou de vermillon, etc. tout autant d’inspirations divines se retirent d’elles, et le diable s’en approche; tout autant de fois qu’elles revêtent leurs corps de vêtements indécents, tout autant de fois les ornements de l’âme sont déchirés, et le règne et la puissance du diable sont augmentés.

O mes ennemis, qui faites telles choses et qui commettez d’autres péchés avec effronterie, pourquoi négligez-vous ma passion, et pourquoi ne considérez-vous pas que j’ai été lié à la colonne, étant tout nu, et fouetté cruellement; comment, nu, j’étais en la croix et criais sur le gibet, rempli de plaies, couvert de sang? Hélas! Pourquoi ne jetez-vous vos yeux sur moi, quand vous fardez et plâtrez votre face? la mienne n’a-t-elle pas été couverte de sang? Vous ne prenez pas aussi garde à mes yeux, comment ils furent obscurcis, étant couverts de sang, et comment ils étaient livides de sang et de larmes. Pourquoi ne jetez-vous pas les yeux sur ma bouche, sur mes oreilles et sur ma barbe? Ne voyez-vous pas comment ils étaient pleins de sang, combien le reste du corps était traité inhumainement!

Pourquoi ne considérez-vous pas comment, tout livide et mort, j’étais pendu au gibet pour l’amour de vous, et là étais moqué et méprisé de tous, afin que, par une telle considération, vous ne m’offensiez jamais, puisque je suis votre Dieu, mais que vous m’aimiez de bon cœur, et que de la sorte, vous puissiez éviter les lacets de Satan, desquels vous êtes horriblement liés et attachés.

Mais hélas! Toutes ces choses sont effacés de votre esprit, c’est pourquoi vous faites comme les femmes de mauvaise vie qui aiment la volupté et la délectation sensuelle, et non pas les enfants : en effet, quand elles ressentent l’enfant en vie dans leur ventre, elles en procurent soudain l’avortement par des herbes et par autres choses, afin qu’elles ne soient privées des voluptés infâmes et d’une délectation continuelle et mortifère, et que de la sorte elles croupissent incessamment dans le bourbier. Vous en faites certainement de même, car moi, votre Créateur et votre Rédempteur, je visite tout le monde de ma grâce, poussant vos cœurs, car j’aime tous les hommes.

Mais quand vous ressentez dans vos cœurs quelque mouvement d’amour et de contrition, ou quand, entendant ma parole, vous concevez quelque bonne volonté, vous en procurez soudain l’avortement, savoir, en excusant ou diminuant vos fautes et prenant plaisir en icelles, et même en voulant à votre damnation persévérer en icelles. C’est pourquoi vous faites la volonté du diable, le mettant dans vos cœurs, et me chassant de la sorte avec mépris; c’est pourquoi vous êtes sans moi, et moi je ne suis pas avec vous, et vous n’êtes point en moi, mais dans le diable, d’autant que vous obéissez à ses suggestions et à ses volontés.

Partant, comme j’ai dit, je donnerai et prononcerai mon jugement, et non ma miséricorde; ma miséricorde est qu’il n’y a pas pécheur si grand à qui ma miséricorde soit refusée, s’il la demande avec un cœur humble et parfait. Partant, mes amis doivent faire trois choses, s’ils se veulent réconcilier avec ma grâce :
1° qu’ils fassent pénitence et qu’ils s’excitent de tout leur cœur, d’autant qu’ils ont offensé leur Créateur et leur Rédempteur;
2° une pure confession, et que de la sorte, ils amendent tous leurs péchés, faisant pénitence et restitution selon le conseil d’un sage confesseur, car lors je m’approcherai d’eux et le diable s’enfuira;
3° que quand ils auront fait cela avec amour et ferveur, ils communient avec volonté de ne plus retomber en leurs péchés, faisant résolution de persévérer à bien faire.

Quiconque donc s’amendera de la sorte, je lui irai soudain au-devant comme un père pieux va au-devant de son fils qui est errant, et je lui donnerai mes grâces plus franchement qu’il ne pouvait espérer ni penser, et lors je serai en lui et lui sera en moi, et il vivra avec moi, et je le réjouirai éternellement.

Mais quant à celui qui persévérera en ses péchés et en sa malice, sans doute ma justice fondra sur lui; car comme fait le pêcheur qui, voyant les poissons se jouer dans l’eau en leur plaisir et contentement, jette son hameçon en l’eau, et sentant que les poissons y sont pris, les tire un à un et les tue jusques à ce qu’il les ait tous pris, j’en ferai de même à mes ennemis qui persévèrent en leurs péchés : je les consumerai peu à peu en cette vie mourante en laquelle ils se plaisent charnellement et temporellement, et à l’heure qu’ils n’y penseront pas et qu’ils seront plongés en leurs grandes délectations, lors je les ravirai de la vie mourante et les priverai de la vie éternelle, et les abandonnerai dans les peines, d'autant qu’ils ont mieux aimé faire et accomplir leurs volontés désordonnées et corrompues que de suivre mes commandements.
Or, ces choses ayant été ouïes de la sorte, la vision disparut.