Il me semblait que, rendant grâces au Dieu tout-puissant et à la Vierge Marie,
sa très-digne Mère, la Mère de Dieu me parlait en oraison, me disant les paroles
suivantes : Dites à ce frère, mon ami, qui m’a envoyé par vous cette prière, que
la vraie foi est, et la parfaite vérité, que si quelqu’un, par l’instigation du
diable, avait commis tous les péchés desquels il se confesserait avec contrition
et résolution de s’amender, et qu’il demandât humblement pardon à Dieu avec une
grande charité et miséricorde, il n’y a point de doute que soudain Dieu tout
miséricordieux serait préparé à le recevoir avec une grande joie, comme un père charitable qui verrait son cher enfant
retourner à lui, affranchi de quelque grand scandale ou de quelque mort
déshonorable et sans comparaison; la miséricorde divine remet avec plus d’amour
les fautes et les péchés à ses serviteurs, que les pères ne pardonnent à leurs
enfants, à ceux, dis-je, qui s’humilient, qui se repentent, qui demandent ma
miséricorde, et qui font résolution de vouloir plutôt mourir que de m’offenser,
et enfin désirent de tout leur cœur être amis de Dieu.
Partant, dites au même frère de ma part que, pour sa bonne volonté et mon
oraison, par la bonté divine, tous ses péchés lui seront pardonnés. Dites-lui
encore que, pour l’amour de mon oraison, dit la Sainte Vierge à sainte Brigitte,
l’amour qu’il a envers Dieu s’augmentera toujours jusques à la mort et ne
diminuera point. Dites-lui d’ailleurs qu’il plaît à Dieu, mon Fils, qu’il
demeure à Rome, prêchant, donnant bon conseil, oyant les confessions, enjoignant
des pénitences salutaires, à moins que son prélat ne l’envoie hors la ville pour
quelque affaire légitimement nécessaire. Qu’il reprenne aussi les autres frères
avec charité, paroles douces et par doctrine salutaire, afin qu’ils se retirent
de leurs fautes; qu’il fasse en sorte qu’ils gardent leur règle et qu’ils
s’amendent avec humilité.
C’est pour cela aussi que je lui déclare que les messes qu’il dit, ses prières
et ses lectures me sont agréables; que comme il se garde de la superfluité des
viandes, du boire et du dormir, il se garde aussi de la trop grande abstinence,
afin qu’il ne manque ni ne défaille jamais ès œuvres divines et oeuvres
manuelles; qu’il ait aussi des vêtements non superflus, mais nécessaires, selon
la règle de saint François, de peur que de la superfluité ne s’ensuivent la
superbe et la cupidité; ma récompense lui sera d’autant plus abondante que ses
vêtements seront vils.
Qu’il obéisse aussi avec humilité à son prélat en tout ce qui n’est pas contre
Dieu et ce que ce frère pourra faire. Dites-lui aussi de ma part qu’il réponde à
ceux qui disent que le pape n’est pas le vrai pape, et que ce que les prêtres
font à l’autel n’est pas le vrai corps de Jésus-Christ : Vous tournez le
derrière à Dieu, c’est pourquoi vous ne le voyez pas.
Tournez donc la tête vers Dieu, et vous le verrez; car la vraie foi est que le pape qui est sans hérésie,
bien qu’il soit chargé d’une quantité d’autres péchés, pourtant n’est jamais si
mauvais à raison de ses péchés ni de ses mauvaises œuvres, qu’il n’ait toujours
la pleine puissance et autorité de lier et de délier les âmes, laquelle
puissance il a eue par saint Pierre et l'a reçue de Dieu. Certainement, il y a
eu des papes, avant Jean, pape, qui sont ensevelis dans l’enfer; néanmoins, ce
qu’ils ont fait avec raison et justement, l’Église l’approuve devant Dieu. Je
dis de même que les prêtres sont vrais prêtres, consacrent et font le corps de
Jésus-Christ, bien qu’ils soient chargés de péchés, et s’ils ne sont hérétiques,
touchent et traitent vraiment Dieu sur l'autel, et administrent les autres
sacrements, bien qu’à raison de leurs péchés, ils soient indignes devant Dieu de
la gloire céleste.
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