Le Fils de Dieu parle à son épouse, disant : J’ai montré aux rois les degrés par
lesquels il pouvait monter au ciel ; s’il les gravit, il arrivera avec facilité
comme celui qui tient la vie contemplative. Or, maintenant, je veux donner aux
rois dix conseils:
1° Qu’il ne soit point seul à table , mais qu’il y soit avec quel-ques sujets,
qui, par leur présence, le consolent corporellement et spirituellement, car par
là, on est distrait des péchés et des déshonnêtetés.
2° Qu’après le repas, il peut se récréer , d’autant que , étant humble pour
parler familièrement, il acquière l’amour de ses sujets ; et lors il entendra
les raisons et les opinons de plusieurs, pour les imiter ou les rejeter.
3° Qu’en toutes ses œuvres , il soit miséricordieux et juste , afin qu’il ne
quitte de faire la justice pour l’amitié, pour la fausse compassion ou bien pour
son intérêt, ou pour l’utilité temporelle ou crainte ; ni qu’aussi il ne néglige
ou oublie la miséricorde , car il est indécent qu’un roi soit vaincu par la
colère , et qu’un juge , juge sans sujet, ou bien qu’il ne se fourvoie aussi de
la voie de la justice par l’importunité des prières.
4° Que le roi ne confie jamais le gouvernement et le jugement à ceux qu’il sait
être partiaux et cupides , ou à ceux qu’il sait que frauduleusement ils
extorquent de l’argent des sujets , car ceux-là fourvoient facilement les autres
de la justice et de l’équité ; mais que le roi s’enquière quels sont ceux qui
sont bien réglés de leur nature et qui suivent les traces équitables de leur
prédécesseurs, et enfin quels sont ceux qui aiment mieux les œuvres de justice
que de s’enrichir.
5° Que le roi s’enquière tous les jours comment les lois et la justice
s’observent en son royaume ; et ceux qu’il ne pourra corriger, étant
incorrigibles , qu’il ne les renvoie point impunis, et qu’il prenne garde de ne
pas trop tirer d’argent et des amendes des délinquants. Qu’il n’opprime point
les innocents par aucune finesse , mais qu’il traite les familles avec plus de
douceur, et qu’il ne punisse plus sévèrement les endurcis, gardant en tous la
miséricorde et la justice ; et où il verra de l’humilité plus grande, qu’il
rehausse la miséricorde par l’équité.
6° Que le roi examine continuellement ses jugements et ses œuvres. Que s’il voit
s’être trompé en quelque chose, qu’il n’aie point honte de corriger et rétracter
ce qui sera mal fait, car il n’est pas plus sage que David , qui se trompa, ni
plus saint que le prophète, qui, croyant au mensonge , fut tué par le lion.
7° Qu’il ne soit pas trop actif et prompt en ce qu’il faut faire , mais
prévoyant et circonspect , considérant la fin des affaires ; qu’il s’appuie
aussi sur le conseil des sages et expérimentés et qui craignent Dieu , auxquels
il obéisse, et qu’il ne se cache point d’eux , car c’est un esprit dégénéré et
suspect d’avoir suspecté le conseil des hommes de bien ; qu’il rétracte
prudemment et sagement le conseil des adulateurs qui consente à tout.
8° Qu’il prenne garde à la légèreté des paroles et des mœurs en toutes choses,
même avec ses domestiques et familiers ; qu’il fuit les adulateurs et flatteurs
comme des scorpions , car ceux-là le fomentent dans les péchés et scandalisent
les bons , car un tel doit être roi, qui est craint des jeunes , honoré des
vieux, loué des sages , aimé des justes et désiré cordialement des opprimés.
9° Que le roi ne communique point avec ceux qui sont excommuniés , et qu’il ne
défende point ceux qui se moquent de Dieu et de sa loi, mais qu’ils les
instruisent et les retire du péché avec des paroles de charité. Que s’ils ne se
corrigent point, qu’il leur montre sa sévérité et qu’il les prive de leurs
bénéfices, car l’honneur d’un roi est d’aimer surtout les choses divines, et
d’augmenter l’honneur de Dieu de toutes ses forces.
10° Qu’il aime son peuple et la communauté de son royaume ; qu’il traite ses
soldats avec clémence ; qu’il se souvienne des bienfaits reçus des parents en
leurs enfants.
|