Jésus-Christ, Fils de Dieu éternel, parle, disant que comme celui-là est appelé
père qui a naturellement engendré un fils , de même je suis Père de tous,
d’autant que je verse cette âme dans le corps, et la régénère par ma passion et
par l’efficace de l’inspiration divine, et la renouvelle, quand elle a perdu sa
beauté. Donc , comme je suis le Père de tous ceux qui sont créés et recréés par
le baptême, de même je suis Père de tous ceux qui imite la voie de mon humilité
et suivent la voie de mes commandements. Partant, Marie ma Mère , peut être
appelée mère et fille ; mère, par génération de ma chair, fille, par imitation
de ma volonté, car la semblance de son corps reluisait en quelque manière en ma
chair, et la semblance de toutes les vertus a relui parfaitement en son cœur et
en ses œuvres.
D’autant donc que ma Mère se veut élire des filles desquelles je suis
instituteur et recteur , auxquelles j’ai manifesté par vous un nouvel institut,
partant, je veux être appelé, et être en signe de quoi je leur en montre deux
privilèges signalés : l’un, qu’elles aient toujours le saint Sacrement sur leur
autel en un vase décent de saphir ou de cristal , afin que, me contemplant
spécialement sous une autre forme, elles me désirent avec plus de ferveur ,
jusques à ce qu’elles soient rassasiées de la vérité ; l’autre, que quand
quelque Sœur est malade , en telle sorte qu’à raison du vomissement, elle ne
puisse prendre mon corps en viatique, je permets qu’on le lui porte à
l’infirmerie, qu’on le lui montre, mais qu’elle ne le touche point, et qu’on lui
dise : Que votre foi vous soit profitable à salut et à la vie éternelle!
Lors sainte Brigitte répondit : O seigneur , qui versez en nous toutes grâces,
ne vous indignez point si je parle. Vraiment vous vous versez en nous d’une
grâce trop surabondante ; voire, s’il est loisible de parler ainsi , vous êtes
prodigue de vous-même pour l’amour de nous. Qui pourra jamais croire que votre
bonté et votre douceur soient si grandes , si ce n’est celui qui est enivré de
votre Esprit ? car il est écrit que ceux-là qui, en la loi de Moïse, voyaient et
touchaient l’arche sainte , qui vous préfigurait, mouraient ; et maintenant ,
vous permettez qu’on vous touche, vous qui êtes la vérité même de cette figure
que les signes promettaient ! Oh ! que celui-là est tenu et obligé d’être pur
puisqu’il s’approche de Dieu souverain!
Dieu répondit : Qu’admirez-vous , ô fille, si le vase s’approche du vase, si ,
dis-je, le vase virginal s’approche du vase où est le trésor inépuisable ? car
comme à l’entrée de l’arche de Moïse, les murailles inutiles tombèrent et
l’idole perdit la tête , de même , par l’amour virginal , la superbe du diable
sera confuse, la dureté du cœur sera amollie, et l’impureté de la chair sera
anéantie ; car qu’y a-t-il d’admirable qu’il soit touché d’une vierge ,
puisqu’il a voulu naître d’une Vierge ? De vrai, l’amour virginal peut toutes
choses avec Dieu, s’il est joint à la vraie humilité. Néanmoins , afin que cela
n’apportât de préjudice au clergé et à ceux qui pensent tout autrement , je
commets cette grâce à la modération des prélats et à leur puissance , car ni
Moïse ni les prophètes n’étaient lus sans le jugement et la discussion des
pontifes , ni mes paroles ne devaient venir au jour sans le jugement et sans
l’autorité des pontifes , auxquels j’ai donné puissance de lier et de délier.
Qui les méprisera me méprisera moi-même.
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