Touchant le chapitre 26 de la règle de Saint-Sauveur , et les personnes qui y doivent entrer.
Chapitre 39

La Mère de Dieu parle, disant : Celui qui est assis au plus haut lieu verra la lumière à midi. Celui qui sera assis à droite s’éveillera le matin de son sommeil. Celui-là qui est à gauche se refroidira à raison de la rosée de la nuit. Partant , que celui qui entre en cette maison prenne garde de n’aimer la mort pour la vie, le froid pour la chaleur. Qu’il se donne aussi de garde, celui qui entre, de l’ennemi qui est aux portes : partant, qu’il ait pour docteur la raison , et Dieu pour directeur.

Que cette maison soit comme la maison dont je vous avais avant parlé, comme un feu qui commence de brûler par les pailles, puis par tout le corps , de sorte que ceux qui sont au dehors n’en savent rien jusqu’à ce que tout soit embrasé. Que cette maison soit affermie au Saint-Esprit, car comme Elie, mangeant le pain et buvant de l’eau, marcha en la force d’icelui quarante jours et quarante nuits , de même ceux qui entreront en cette maison seront confortés et affermis , et la force spirituelle accroîtra en eux, ainsi que la ferveur de la foi et de la charité.

Dieu demeurera aussi avec ceux qui entrent en cette maison comme il fut jadis avec Jacob, qui, étant sorti seul de la maison de son père, y retourna avec une grande abondance. Et Joseph est sorti de lui , qui a été appelé le salut du peuple , d’autant qu’il a sauvé son peuple. Dieu gardera aussi cette maison et ceux qui entreront en icelle , comme il garda son apôtre qu’il ne fût brûlé de la graisse de l’huile, et il accordera à ses bien-aimés qu’ils ne soient brûlés du feu de l’amour du monde, et qu’ils ne succombent et ne défaillent en leur adversité. Que tous ceux qui entre en cette maison fructifient comme du grain , qui donne le centuple , et comme l’huile de la veuve , afin qu’ils aillent de vertu en vertu, jusques à ce qu’ils voient Dieu en sa gloire.

Que cette maison soit aussi munie d’une muraille de garde spirituelle si forte et si grande que l’ennemi, la voulant fausser, dise : Tout le temps ne me suffit pas pour le faire, ni je n’ai point de fondement pour venir jusques aux fondements , et moins jusques aux murs. Que Dieu regarde aussi cette maison , comme jadis il regardait son peuple , quand il l’affranchissait de la captivité de l’Egypte, lui montrant la voie, le jour par la colonne , et la nuit par celle du feu. Qu’il bénisse encore ceux qui entreront en cette maison , comme il a béni ses apôtres et moi, sa Mère , nous donnant le Saint-Esprit , promettant de demeurer avec nous jusques à la consommation du siècle. Qu’il y ait aussi en cette maison une porte par laquelle il soit loisible à tous d’entrer, et que ceux qui y entreront soient des brebis de mon Fils oyant sa voix , puisqu’il a donné sa vie pour l’amour d’eux , lesquels le Père garde de sa puissance , que le Fils dirige par sa sagesse, et que le Saint-Esprit enflamme de sa charité , afin que si le loup était entré en son troupeau , il profite aux brebis pour un plus grand mérite , et que lui descende à l’espace du lieu qui lui est préparé.

D’ailleurs la Mère de Dieu dit : Sachez aussi qu’il fut commandé au prophète de Dieu de montrer au peuple ingrat les dimensions du temple détruit qu’il avait vu en la vision spirituelle , non que du ciel descendissent les choses corporelles, mais d’autant que les choses spirituelles étant entendues par les corp-orelles , afin que le peuple ingrat entendit son ingratitude, et se repentant de ses malheurs , se préparât à recevoir les promesses divines, lui qui en a été privé , d’autant que , persistant en sa malice , il n’a voulu changer de volonté en bien : c’est pourquoi aussi ce temple n’a pas été réédifié ni ne sera pas éternel. Mais qu’en ma maison , on n’érige pas seulement les murs matériels , mais les âmes des justes qui plairont en icelle à mon Fils , et il accomplit en soi les dimensions du temple que la prophétie divine avait vu en esprit.